Chacune de ces catégories se réfère à deux ou trois questions posées 808 et aux réponses des personnes, que nous avons synthétisées dans un tableau initial "Élargissement des représentations personnelles", placé en annexe 809 . En confrontant cet ensemble de quatre catégories avec les trois qui correspondent à l'élaboration de projet 810 , nous pourrons ainsi mesurer l'impact de l'exploration de soi sur ce processus.
Le tableau 8 "Élargissement des représentations personnelles et élaboration de projet", ci-dessous, permet de lire l'ensemble des réponses par catégorie, en tenant compte des nuances de réponses. Nous avons classé les réponses à nos questions semi-ouvertes, selon un code 811 , qui nous a permis de respecter au mieux les nuances des propos de chacun. Dans une première lecture, l'ensemble des réponses positives est majoritaire, et indique par là qu'il y a eu élargissement des représentations personnelles.
Catégories / Nombre de réponses |
Oui | Oui mais | Non | Non pas besoin |
pas de question | pas de réponse |
Prise de conscience par rapport à soi | 18 | 5 | 2 | |||
Restauration Image de soi | 10 | 8 | 5 | 2 | ||
Développement connaissance de soi |
10 |
1 |
2 | 12 | ||
Développement polyvalence Prise de conscience des potentialités |
14 | 3 | 8 | |||
Développement autonomie | 17 | 2 | 6 | 1 | ||
A élaboré un projet | 14 | 1 | 10 | |||
A une idée de projet | 4 | |||||
A des pistes de projet | 6 |
Les réponses positives
En effet, sur les huit personnes qui ont répondu positivement à toutes les questions concernant l'ensemble "exploration de soi 812 , quatre ont pu élaborer un projet professionnel: Claire et Pauline sont entrées dans la phase de mise en œuvre ; Estelle a abouti à un changement professionnel réel ; Sarah déclare ne pas avoir élaboré un projet, alors que c'est la mise en œuvre qui a été suspendue, par l'échec à la sélection de formation. Judith envisage tout autrement son avenir, ayant fait le deuil de son ancien emploi et d'un travail salarié. Trois ont commencé à élaborer un projet, qui a dû être différé pour Sonia, qui est en cours pour Mathilde et, pour Jeanne, qui a été abandonné au profit d'un emploi précaire.
Alain est le seul à avoir abandonné son projet initial, pour se replier sur une recherche d'emploi qui s'avère incertaine. On peut remarquer qu'il a donné beaucoup de réponses-confirmations, qui peuvent nous faire supposer que la dimension de confirmation a moins d'effet dynamogène que la réponse affirmative franche exprimant la découverte. Hormis le cas d'Alain, ces réponses, intégralement positives, indiquent qu'il s'est passé quelque chose pendant les entretiens, c'est-à-dire que ces personnes ont fait des découvertes sur elles-mêmes, valorisantes et dynamogènes. Cependant, Jeanne, Sarah, et Sonia, en atténuant leur "oui" 813 , soulignent que l'effet de ces découvertes a été plus faible ou moins durable et, de fait, toutes trois ont dû soit abandonner leur projet, soit en différer la mise en œuvre. On peut dire que l'élargissement des représentations personnelles a contribué au processus d'élaboration de projet pour l'ensemble, puisque six personnes sur huit sont sur la voie d'un changement professionnel et que, pour une, il s'agit d'une évolution plus radicale, dépassant le cadre professionnel.
Les réponses mitigées
Pour onze (Jacques, Gérard, Brigitte, Léa, Nathalie, Paul, Liliane, Sonia, Marc, Géraldine, Mathieu), les réponses sont majoritairement positives, avec, cependant, quelques atténuations par la négative 814 , indiquant, qu'à côté des découvertes ou des confirmations, il n'y a pas eu de nouveauté par rapport à ce que chacune connaissait d'elle-même. C'est d'ailleurs pour ce petit groupe que l'on voit le plus grand nombre de réponses négatives atténuées dans la catégorie de la connaissance de soi. Il est vrai que trois personnes ont dit avoir été ou être engagées dans un travail thérapeutique ou personnel (Jacques, Léa, Paul), qui suppose une investigation personnelle plus approfondie, sans commune mesure avec ce que propose le questionnement de la MIFE. Ces personnes constatent que la prestation d'orientation "fait partie d'un ensemble", comme le dit Jacques.
Si on compare avec la rubrique "élaboration de projet", seuls Nathalie, Marc, Géraldine et Mathieu n'ont pas encore élaboré de projet. Les trois premiers ne sont que sur des pistes encore vagues et, pour Mathieu, comme nous l'avons dit, son projet semble élaboré, mais lui-même n'en est pas convaincu, attendant un bilan de compétences pour une attestation.
Ces réponses majoritairement positives, même atténuées, confirment que l'exploration de soi conduit à l'élaboration de projet, puisque sur onze, sept ont élaboré un projet.
Cependant, le nombre significatif de réponses mitigées interroge la prestation d'orientation elle-même. Serait-ce parce que la phase d’exploration de soi n'est pas assez approfondie, que les personnes oscilleraient dans leurs réponses ? Ou serait-ce parce que celles-ci pensent se connaître suffisamment et ne ressentent pas le besoin d'aller plus loin dans l'exploration ? On peut également supposer que certaines ne sont pas prêtes à entrer dans un processus impliquant et, pour certains, déstabilisant d'exploration de soi. Nous tenterons de répondre à ces questions dans la déclinaison plus précise des quatre composantes de cette rubrique.
Les réponses négatives
En revanche, Margaux et Antoine, qui ont répondu négativement à l’ensemble des questions, ont pu élaborer un projet, ce qui peut aisément s'expliquer du fait que, pour eux, l'idée de projet était déjà très avancée et nécessitait peu d'impulsion pour se réaliser. Il est vrai que, pour Antoine, la prestation d'orientation était, dès le départ, limitée, puisque la première étape de son projet était presque élaborée. De plus, le nombre de réponses négatives atténuées indique que la prestation n'a fait que confirmer ce que tous deux savaient déjà d'eux-mêmes puisqu'il n'y a pas eu de découvertes ou de prises de conscience nouvelles.
Le cas particulier de Margaux montre qu'une forte motivation peut rendre inutile le travail d'élargissement des représentations personnelles, comme si son intensité signifiait que ce travail d'exploration n'est plus nécessaire parce qu'il a déjà été réalisé antérieurement. Toutefois, cela n'interdit pas la vigilance et le regard circonstancié sur la motivation d'une personne pour une nouvelle activité, qui pourra trouver une validation plus approfondie dans la confrontation avec son histoire personnelle et avec l'environnement professionnel ainsi que dans la concrétisation du projet. On a vu que, pour Margaux, cette motivation s'inscrivait profondément dans son histoire, au travers de sa passion de longue date pour la conduite automobile et de son mouvement, que l'on pourrait qualifier d'émancipation ou d'autonomisation, à la suite de la mort de son mari. Mais dans la confrontation avec l'environnement professionnel, si Margaux a réussi sans problème la formation conduisant au permis conducteur en commun, en tant que femme seule, il lui sera peut-être difficile d'assumer le temps partiel, qui semble de plus en plus imposé dans la profession des transports en commun.
Pour trois autres personnes (Mélanie, Cathy, Daniel), les réponses négatives l'emportent, avec une majorité de négations atténuées 815 , soulignant que la prestation, dans l'élargissement des représentations personnelles, n'est pas allée au delà de la connaissance que ces dernières avaient d'elles-mêmes. On peut en trouver l'explication dans leurs paroles mêmes : Mélanie a confié qu'elle suivait une thérapie personnelle ; Cathy, en évoquant sa rupture d'avec son compagnon, a exprimé la profondeur de la crise personnelle qu'elle a traversée ; enfin Daniel, avec plus de distance, a reconnu que la mort de son père avait été l'occasion d'un profond questionnement sur lui-même. Mélanie et Cathy ont élaboré et mettent en œuvre leur projet, qui devra être confronté à la réalité de l'emploi dans le secteur professionnel vers lequel elles se dirigent : la première n'a pu trouver qu'un temps partiel de secrétariat et la seconde devra vérifier, à la suite de sa séparation, sa motivation à reprendre un emploi commercial, lié jusque-là à une situation particulière d'entreprise familiale. Pour Daniel, c'est le statu quo, avec la mise en sommeil de son idée de projet dans l'attente de meilleures conditions ; cependant, il va reprendre sa recherche d'emploi dans son secteur d'origine avec plus de dynamisme, ayant approfondi préalablement une éventualité de changement professionnel qui n'a pas abouti.
Ces exemples montrent que la prestation d'orientation n'a pas conduit à un élargissement des représentations personnelles, non par manque de résultat, mais parce que les personnes n'ont pas eu besoin de ce travail, l'ayant déjà réalisé auparavant, par elles-mêmes, dans le cadre d'un accompagnement psychologique ou simplement d'une réflexion sur elles-mêmes, à la suite d'un évènement personnel pénible, comme une séparation ou la mort d'un proche .
Enfin, pour Fanny, l'absence de réponse à deux questions sur cinq, dénote que, pour elle, l'enjeu de la prestation était ailleurs, principalement dans une relation d'aide plus psychologique. Cela a néanmoins débouché sur un projet qui devrait se concrétiser par une formation en cours du soir en psychologie. À travers cet exemple, nous avons la confirmation que l'élaboration de projet n'est pas uniquement conditionnée par le travail d'élargissement des représentations personnelles. Mais la réalisation du projet pourrait être compromise par un seuil de souffrance intérieure trop élevé.
En conclusion, nous avons pu vérifier que le travail d'exploration de soi est une condition indispensable de l'élaboration de projet, dans la mesure où il n'a pas déjà été effectué dans d'autres circonstances et qu’il répond à un besoin de la personne. Il permet d'approfondir la motivation, puisque, a contrario, il n'a pas lieu d'être quand celle-ci est très forte et fondée existentiellement. En effet, on peut situer le socle du travail de construction de la motivation dans celui de l’exploration de soi, qui fait émerger le ou les désirs. Mais ce travail peut être entravé, annulé, voire perdre toute signification lorsque la souffrance intérieure est trop importante, ce qui ne manque pas d’interroger les pratiques d’orientation exigeant des personnes en grande difficulté un résultat quasi immédiat en terme d’élaboration de projet. C’est une relation de confiance établie dans le temps qui peut, seule, attaquer le mur de la souffrance intérieure. Une lecture plus qualitative, critère par critère, nous permet également de dégager des éléments d’analyse plus fouillés.
Développement de la connaissance de soi et élaboration de projet
Les résultats en termes de connaissance de soi, avec onze réponse positives, dont quatre confirmations et quatorze réponses négatives, dont douze soulignant que les personnes ne ressentaient pas le besoin d'en savoir plus sur elles-mêmes viennent confirmer la faiblesse de pertinence du concept de connaissance de soi, compris comme un éventuel apport de connaissances nouvelles, qui viendraient de l'extérieur compléter un savoir sur soi. Les témoins en majorité qu'ils se connaissent déjà bien et que, de ce fait, la prestation d'orientation de la MIFE ne leur a pas apporté de connaissances nouvelles sur eux-mêmes. En effet, si ce critère semble plus significatif pour la population des adolescents, débutant, si l'on peut dire, dans la réflexion sur eux-mêmes et se découvrant par ce type de questionnement, il semble ne pas avoir le même impact pour les adultes, qui, plus avancés dans la vie et plus matures, ont pu expérimenter cet exercice éducatif intime dans des situations personnelles et professionnelles variées. Ceux-ci auraient donc une perception d’eux-mêmes plus affinée, ayant pu se confronter depuis plus longtemps au miroir des relations interpersonnelles et sociales. Ils peuvent aussi aboutir à une connaissance d’eux-mêmes par un travail spécifique d'introspection de type thérapeutique. Enfin, dans la mesure où la connaissance de soi serait comprise et voulue comme une acquisition d'un savoir sur soi, la prestation de la MIFE elle-même, qui ne serait pas explicitement dirigée vers cet objectif-là, n'offrirait pas cette possibilité de se connaître davantage.
Seules trois personnes ont manifesté ce besoin d'une investigation plus approfondie, notamment en sollicitant un bilan de compétences. Liliane a regretté "de ne pas avoir découvert quelque chose qu'elle ne savait pas", tout en reconnaissant que l'autobiographie raisonnée lui avait permis de faire "le lien de tout ce qu'elle savait" et, notamment, de ses compétences qu'elle connaissait "comme des pièces de puzzles" et qu'elle a pu ainsi assembler en ordre. Cette réaction rejoint le cœur de notre recherche : l'exploration de soi, phase nécessaire de l'élaboration de projet, consiste-t-elle à apprendre du nouveau sur soi ou à faire la synthèse de ce qu'on connaîtrait déjà de manière dispersée, qui serait enfoui et dont il s'agirait de faire émerger la cohérence ?
Sonia, qui a répondu positivement à l'ensemble des questions, pose néanmoins et très justement la question de la connaissance de soi en termes de pérennité de ses motivations : continue-t-elle d'être motivée aujourd'hui pour les mêmes raisons pour lesquelles elle s'est engagée auparavant, et comment le savoir ? Elle a souhaité faire un bilan de compétences, qui lui permettrait "une comparaison avec ailleurs". De même, Mathieu envisage de pousser plus loin son investigation personnelle par un bilan, "qui fouille vraiment au fond", tout en s'interrogeant, cependant, sur son effet déclencheur de projet. Par ailleurs, il nous a semblé qu’il nous a exposé son désir, encore flou pour lui :"je pense pas que j'ai vraiment envie de quitter le technique, mais plus axer sur le produit en relation avec une clientèle, des sous-traitants". On peut lire dans sa recherche de bilan une recherche d'attestation extérieure par des procédés réputés scientifiques, mais son désir de se stabiliser dans une entreprise, après quinze ans d’intérim, ne relèverait-il pas d'une question plus profonde et existentielle, susceptible d'être traitée dans un autre cadre que celui d'un simple espace de conseil professionnel ? En revanche, d'autres personnes qui ont utilisé préalablement ces moyens de connaissance de soi n'ont pas eu de réponse plus approfondie. C'est le cas de Sarah qui ne croit plus aux tests et autres moyens de diagnostic pour résoudre la difficile question de la connaissance de soi : "Bah .. des tests, plus j'en passe, plus ça me .. ouh ... Je sais que la solution est en moi mais .. pour la débusquer, je vois pas bien, non".
Ces personnes, qui manifestent le désir d'une investigation plus approfondie, souhaitent en même temps une démarche plus évaluative, faisant appel à des outils de lecture plus extérieurs, par l'utilisation de méthodes de mesures et de tests psychologiques. Même si la confrontation avec l'extérieur peut paraître très utile dans une démarche d'exploration de soi, ce désir d'une évaluation extérieure peut manifester une tendance naturelle, voire une tentation, à chercher à l'extérieur ce qui est à l'intérieur mais qu'il est bien plus difficile "de débusquer", comme le dit Sarah. Ne peut-on pas déceler dans ces réponses divergentes, des conceptions différentes du concept de connaissance de soi, partagées par les témoins eux-mêmes, l’une plus évaluative et extérieure, l’autre plus compréhensive et intérieure 816 ?
Restauration de l'image de soi et élaboration de projet
L'ensemble des vingt-trois réponses effectives 817 est positif avec dix huit "oui" et cinq "non*", ce qui montre dans un premier temps l'effet positif de la prestation sur la personne. Jacques résume les deux éléments affectifs responsables d'une image négative de soi, dans une dimension d'internalité, propre à la personne qui "se met constamment en échec" , ou "se positionne en tant que victime", contre lequel la prestation d'orientation ne peut pas vraiment lutter, et un facteur plus externe, dû à un environnement professionnel inaccessible à l'emploi : "l'image négative, c'est simplement le fait d'aller voir des employeurs, d'être obligé de se vendre et puis d'avoir des refus systématiques, ce qui fait que là sérieusement, on se demande". En revanche, il est peut-être plus facile de contrecarrer cette mise à mal de l'image de soi, en aidant la personne à se dégager de la corrélation "l'employeur ne veut pas de moi, ça veut dire que je suis nul".
Claire analyse également en termes existentiels les effets négatifs sur l'image de soi que provoque la situation de chômage : "quand vous êtes au chômage ... vous vous culpabilisez parce que vous dites "en fait c'est tombé sur moi, donc j'ai certainement fait quelque chose ou pas fait quelque chose", donc en plus vous vous remettez en question pas seulement pour le travail mais pour toutes les choses à côté. Parce que je pense que quand on a un travail, ça masque aussi des problèmes à côté, on se dit "bon, quand même, tu travailles etc", et le jour où vous perdez votre travail, vous avez plus de points de repère, ni dans votre vie professionnelle ni dans votre vie à côté, vous vous sentez, alors vraiment, plus personne, plus personne, vraiment". Ces effets négatifs de la perte d'emploi — culpabilisation, remise en question professionnelle mais aussi personnelle, mise à jour des problèmes que la situation de travail pouvait occulter, perte des repères sociaux donnés par le travail — conduisent non seulement à la marginalisation sociale mais au sentiment même de ne plus exister. Claire souligne que les entretiens l'ont "réveillée", comme si elle était tombée dans une torpeur existentielle, et que ce sentiment de non-existence s'inverse sous le regard de l'autre : "apparemment il y a quelqu'un qui s'intéresse à moi, donc je ne suis pas vraiment quelqu'un à bannir, à rayer, j'existe donc". La restauration de l'image de soi passerait donc par la réhabilitation du sentiment d'existence dans le cadre d'une relation interpersonnelle.
Les cinq, dont quatre hommes, ayant répondu négativement, ont atténué leur réponse, soulignant qu'ils n'avaient pas besoin d'être restaurés dans leur image. Une double question nous vient à propos de cette majorité masculine : les femmes auraient-elles le privilège d'avoir besoin d'être restaurées dans leur image, ou plutôt auraient-elles celui de pouvoir l'exprimer plus aisément ? Nous avons senti, de manière ténue au cours de nos entretiens-interviews, que la question de l'image de soi, posée par nous-même, femme, à un homme, n'était pas très confortable et qu'elle pouvait être éludée par une réponse en terme de non besoin de restauration.
Hormis Margaux et Antoine, dont l'élaboration du projet était suffisamment avancée, Daniel se défend d'être venu dans un état déprimé, tout en annonçant, presque entre parenthèse, que son père était décédé deux mois auparavant et que "ça a pas aidé les choses". Parmi les dix-neuf réponses positives, huit (Mélanie, Cathy, Jeanne, Sarah, Liliane, Sonia, Marc, Géraldine) sont assorties d'une atténuation, sous la forme d'un "Oui mais", indiquant que, soit l'effet n'a pas été durable — ce qui pourrait être le cas de Sarah, Jeanne, Marc, Géraldine —, soit, il n'y a pas eu de transformation profonde ou radicale, mais un léger mieux, comme pour Mélanie, Sonia, Liliane ou Cathy. Pour eux, le temps de l'entretien a été néanmoins une respiration, « une bouffée d'oxygène » selon Mélanie et Sarah, dans un paysage personnel morose.
La lecture des résultats du tableau 8 montre que la restauration de l'image de soi et de la confiance en soi a des effets significatifs sur l'élaboration de projet, dans la mesure où quand cette restauration est effective, le processus est achevé ou en cours 818 , et qu'à l'inverse, celui-ci est d'autant moins avancé que la restauration de l'image est plus faible ou plus éphémère, ce qu'indique l'affirmation atténuée, donnée par huit personnes. Même si le projet est avancé, ce qui est le cas pour Mélanie, Cathy, Liliane, une image de soi insuffisamment restaurée, peut entraver la dynamique. À la différence de la connaissance de soi, ce critère semble être plus déterminant. Or, la plupart des personnes élaborent un projet professionnel en situation de chômage et, de fait, subissent la difficulté d'un travail questionnant sur soi, alors qu’ils éprouvent un sentiment négatif d’eux-mêmes, voire de non-existence. On entrevoit ici la nécessité impérieuse d’un accompagnement, d'autant plus fin et délicat, que la personne est touchée dans son être. Si le conseiller, par la qualité de la relation instaurée, a une responsabilité dans ce processus, quand l’image intérieure est trop détériorée, le relais thérapeutique semble s’imposer.
Développement de la représentation de polyvalence et élaboration de projet
Sur l'ensemble, on ne dénombre que huit réponses négatives, de plus atténuées 819 , indiquant que la personne avait connaissance de ce critère en elle. On peut s'étonner du taux important de réponses positives, qui indiquerait une influence significative de la prestation d'orientation sur ce type de représentation de soi, favorisant ainsi le processus d'élaboration de projet par l'ouverture de possibilités nouvelles. Cependant parmi les dix-sept réponses positives, cinq sont des confirmations de ce que la personne savait déjà d'elle-même, alors que les huit négatives atténuées peuvent être considérées également comme des confirmations indirectes.
Par rapport à l'élaboration de projet, il semblerait que l'absence ou la faiblesse de ce critère ne soit pas un empêchement impératif à la réussite du processus — c'est le cas de Mélanie, de Jacques, Fanny, qui ont pu élaborer un projet sans avoir déclaré une forte représentation de polyvalence. On pourrait penser que la représentation de polyvalence est d'autant plus forte qu'elle est fondée sur une expérience professionnelle diversifiée, puisque, à la différence de Margaux, par exemple, ces trois personnes n'ont pas bénéficié de multiples expériences de travail. De même, ce critère ne semble pas être une condition déterminante : on peut avoir une bonne représentation de sa polyvalence sans pour cela avoir élaboré un projet ou avancé dans sa réalisation, à l’exemple de Sarah, Nathalie, Sonia, Daniel, Marc, Géraldine, Mathieu.
Par l'accent mis sur sa dimension de représentation, plus que sur sa réalité, ce critère de la polyvalence peut manquer de pertinence pour notre questionnement. À l'inverse, nous n'avons pas pu être convaincue que la réalité propre de la polyvalence, qu'il conviendrait d'évaluer en situation d'emploi, ait plus d'impact sur le processus d'élaboration, dans la mesure où celui-ci reste un processus mental, faisant appel à des fonctions imaginaires et cognitives d'anticipation, de déduction etc. Enfin, on peut se demander si les deux questions sur ce thème ont été bien perçues et comprises, puisque, dans l'ensemble, elles n'ont pas suscité de la part des personnes interrogées des commentaires qui auraient permis une analyse plus fine.
Développement du sentiment d'autonomie et élaboration de projet
Sur les vingt-quatre réponses exploitables 820 , dix-neuf sont positives, avec huit confirmations, et six négatives atténuées, ce qui confirme le rôle de la prestation d'orientation dans le développement du sentiment d'autonomie, même si, pour plus de la moitié des personnes, cette dimension était déjà fortement présente avant la prestation MIFE. Sarah et Géraldine qui, avec une réponse positive mitigée, ont exprimé un faible développement, et Jeanne, qui a répondu par la négative, ont eu des difficultés à élaborer leur projet, l'ont abandonné ou l'ont différé. Et les dix-neuf affirmations, hormis le cas particulier de Judith, correspondent à une grande majorité engagée dans un projet. Seuls, Nathalie et Marc n'ont pas beaucoup avancé dans le processus, ce qui montre que d'autres conditions sont nécessaires pour l'élaboration d'un projet. Enfin, pour Mathilde et Mathieu, celui-ci est en cours.
Notre hypothèse de l'impact de ce critère sur le processus d'élaboration de projet se trouve ainsi vérifiée dans le cas positif comme dans le négatif.
Ces résultats nous permettent d’affirmer que l'élargissement des représentations personnelles, composé de quatre éléments — développement de la connaissance de soi, restauration de l'image de soi, sentiments de polyvalence et d'autonomie—, est une composante efficiente de la prestation d'orientation. Le développement de la connaissance de soi est davantage une confirmation de ce que la personne pressentait ou connaissait d'elle-même, ce qui confirme que le besoin en orientation de l'adulte, expert de sa propre vie, relève davantage d'une présence venant éclairer et le plus souvent attester un savoir sur soi préexistant. Cette dynamique a un impact déterminant sur le processus d'élaboration de projet, avec une dominante majeure, la restauration de l'image de soi, qui conditionne fortement le processus. Enfin, la qualité de la relation interpersonnelle semble avoir le pouvoir d'infléchir les représentations personnelles.
Cf. les questions 4.1., 4.2., 4.3., 4.4., 4.5., de la grille d’entretien Ien annexe :
4.1. Avez-vous fait des découvertes, des prises de conscience par rapport à vous ?
4.2. Quelle était l'image de vous-même avant l'entretien ? Les entretiens ont-t-ils contribué à donner une image plus positive de vous ?
4.3. Avez-vous découvert du nouveau sur vous (traits de personnalité, qualités, défauts, goûts, intérêts, aptitudes, compétences, attitudes) ? Avez-vous pris davantage conscience de vos capacités, de vos qualités ?
4.4. Avez-vous découvert en vous de nouvelles potentialités, capacités, qualités que vous pourriez utiliser dans un nouvel emploi, dans une nouvelle profession ? Avez-vous pris conscience de vos possibilités d'évoluer professionnellement ?4.5. A l'issue des entretiens, vous êtez-vous senti(e) assez confiant(e), libre pour entreprendre des démarches nouvelles ? A la suite des entretiens, avez-vous eu le sentiment d'avoir une marge de manœuvre pour agir ? Avez-vous eu le sentiment de pouvoir davantage vous prendre en main ?
Cf Tableau Général I "Dynamiques d'élaboration de projet" en annexe.
Pour la définition du processus d'élaboration de projet, nous avons fait le choix de 3 catégories, en fonction du degré d'élaboration de projet, du plus élaboré au moins élaboré :
- a élaboré un projet : catégorie 12
- a une idée de projet : catégorie 13
- a des pistes pour un projet : catégorie 14
Les catégories 13 et 14 indiquent que le projet est en cours d'élaboration
Les réponses varient du "oui" entier au "non" entier, avec la possibilité du "oui-mais", indiquant par une incomplétude de l'affirmation que la prestation d'orientation a apporté un début de réponse mais insuffisante pour la personne. Le "oui*" stipule une confirmation, c'est-à-dire que la personne connaissait déjà l'objet de la question et la prestation d'orientation n'a fait que confirmer ce critère déjà connu d'elle-même. Le "non*", atténue la négation et indiquerait une confirmation par défaut dans la mesure où la personne connaissait déjà l'objet de la question et donc que la prestation d'orientation n'a rien apporté de nouveau. Le code "..." signifie que la personne n'a pas répondu à la question posée ou a répondu à côté (on peut supposer qu'elle n'a pas entendu ou compris la question). C'est le cas de Margaux qui, à la question sur les prises de conscience sur soi, a répondu en termes d'apport de connaissances sur les droits en situation de chômage, et de Marc, qui est resté sur ses choix de filières. Fanny, très centrée sur l'appui psychologique qu'elle a reçu pendant les entretiens, était difficile à mobiliser sur nos questions exigeant des réponses précises. Enfin il est arrivé que la question n'ait pas été posée, comme par exemple celle sur l'image de soi qui n'a pas été adressée ni à Nathalie ni à Fanny. Une explication à ce manque ou cet oubli peut se trouver dans la difficulté que nous avons eu à mener ces deux entretiens, l'un par manque de motivation de la part de Nathalie (qui a pu se répercuter sur la nôtre) et l'autre par le manque d'écoute de la part de Fanny, trop focalisée sur sa souffrance intérieure.
Cf. Tableau général I "Dynamiques d'élaboration de projet" en annexe.
Avec un nombre plus important de "oui mais", Cf. le tableau général I cité en annexe.
De type N*, Cf. le tableau cité en annexe.
De type N*, Cf le tableau général ,I « Dynamiques d'élaboration de projet » cité en annexe.
Si l’on s’en tient aux chiffres, et si ceux-ci peuvent être déclarés significatifs, il semblerait que la conception « compréhensive » soit davantage partagée par nos témoins.
Les trois réponses manquantes, le sont parce que la question ne leur a pas été posée (Nathalie et Fanny).
Pour Judith, il n'y a pas élaboration d'un projet professionnel en tant que tel, mais grâce au changement de regard sur soi et sur l'environnement, un nouveau projet de vie a pu voir le jour.
Puisqu'il s'agit de réponses "N*", Cf. Tableau en annexe
Cf. le tableau général I « Dynamiques d'élaboration de projet » cité en annexe. Seule Fanny n'a pas répondu à la question.