3.2. La dynamisation

Nous avons mis en exergue une autre composante de la relation d'orientation, que nous avons appelée dynamisation, qui nous semble constituer une dimension fondamentale de l'aide à l'élaboration de projet professionnel. Toute conduite de projet vise un changement de statut professionnel, voire plus globalement, de vie et, s'engager dans ce changement exige une capacité de se mettre ou de se mettre en mouvement intérieurement. En effet, nous distinguons la mise en mouvement intérieur, ou "interne", qui prépare la prise de décision, et la mise en mouvement "externe" ou démarche, qui relève de la mise en œuvre du projet. La dynamisation constitue une action spécifique du conseiller, qui vise cette double mise en mouvement interne et externe. Elle peut se manifester par un encouragement, où la parole joue un rôle essentiel, comme nous l’avons déjà vu, mais elle peut aussi résulter plus globalement de l'ensemble de la relation d'aide, tel un effet secondaire.

La plupart des sujets qui s'engagent dans l'élaboration d'un projet se trouvent dans une situation personnelle et professionnelle souvent difficile, voire bloquée, qui ne facilite pas la mise en mouvement nécessaire pour un changement. Or, nous avons pu vérifier précédemment que cette dimension est aussi importante que l'exploration de soi, et qu'elle conditionne même l'élaboration de projet. Si, au sens propre, toute investigation ou radiographie exige de la personne d'être parfaitement immobile, par analogie le cliché, si précis et clair soit-il, donné par une prestation orientée vers la seule exploration de soi ou de l'environnement, n'est pas automatiquement source de mise en mouvement intérieur. Nous avons déjà essayé de répondre à la question centrale de l'origine de celle-ci, et pu montrer qu'elle s'enracinait dans le travail d'exploration de soi, à travers le phénomène de prise de conscience et les déclics qui en résultaient. Nous allons tenter de vérifier notre deuxième hypothèse, selon laquelle la mise en mouvement intérieur de la personne est également dépendante de la relation établie entre le conseiller et la personne.

Dans nos entretiens-intrerviews, nous avons abordé ce thème par deux séries de questions qui, dans la plupart des réponses, se sont recoupées, l'une traitant de l'élaboration de projet, l'autre de l'attitude et de l'action de la conseillère ⁸⁸⁶ . En effet, ce terme de dynamisation contient une ambiguïté, pouvant désigner, à la fois l'action de la conseillère et la mise en mouvement proprement dite de la personne. Nous pouvons résumer cet ensemble par les questions suivantes : d'une part, y a-t-il un rapport entre les éléments constitutifs de l'élaboration de projet, exploration et dynamisation et, d'autre part, la conseillère a-t-elle eu un rôle dans cette dynamisation ? Nous avons déjà répondu à la première série de questions en montrant que le travail d'exploration de soi et de l'environnement, notamment le processus de prise de conscience sur soi, avait un effet dynamogène, à travers la reprise de confiance et la réassurance vis-à-vis de soi. Puis, nous avons commencé à entrevoir que la relation établie n'était pas sans effet, avec les exemples de Margaux, Claire, Sonia, Judith, qui reliaient précisément ce phénomène à la relation, tandis que Gérard mettait plus particulièrement l'accent sur l'écoute, comme facteur déclenchant. Enfin, dans une synthèse, nous avons rassemblé l'ensemble des éléments du discours des témoins soulignant l'action de la conseillère sur eux ⁸⁸⁷ .

Nous allons donc examiner cette hypothèse grâce aux réponses aux questions qui impliquent la conseillère.