Cet appui correspond à l'action de restauration de l'image de soi, de remise en confiance et d'apaisement des souffrances 933 . Il est à relier avec les autres fonctions, tout en étant, pour certains, la première marche de toute conduite de projet. S'il est souvent nécessaire — que se serait-il passé si ces personnes n'en avaient pas bénéficié en préalable à leur travail d'élaboration de projet ?—, il reste temporaire, le temps de la rencontre et peut-être un peu au-delà. Cependant, temporaire n'est pas à confondre avec superficiel, car cette fonction, sans pouvoir être comparée à une aide thérapeutique, comporte des effets de ce type non négligeables 934 . Cela ne veut pas dire que le problème soit entièrement résolu — on peut imaginer que Judith éprouvera quelques baisses de moral une fois passés ses cinquante ans, que Marc n'en a pas fini avec son complexe d'infériorité, ni Estelle avec son manque de confiance etc.. —, mais celui-ci perd momentanément de son importance, ou de façon imagée, il ne cache plus la forêt des possibilités, laissant ainsi une place à la dynamique intérieure de vie. Cet appui psychologique serait comme une petite "chiquenaude", au sens de Bergson, qui déplace les représentations personnelles, selon l'image d'un changement d'orbite ou de trajectoire. Cela n'empêche en aucun cas la personne de retrouver ses représentations négatives, et de s'y replacer comme dans toute logique névrotique. Il représente une éclaircie dans le ciel obscurci des représentations de soi, et permet de voir plus loin que les nuages menaçants de l'image négative qui bloquent toute mise en mouvement intérieur.
Cette fonction est fondée essentiellement sur l'écoute active et centrée sur la personne du conseiller qui, dans l'apparente passivité de l'accueil de l'autre, suscite une activité de restauration narcissique en elle. Cette phase, quand elle est nécessaire à la personne, semble déterminer les autres. Mais lorsque ce processus de restauration narcissique ne peut trouver son aboutissement dans la prestation d'orientation, il nécessiterait un appui thérapeutique plus important, ce que le conseiller peut suggérer à ceux dont la souffrance est trop importante. Même si nous défendons l'idée que le choix professionnel est compatible avec un état de souffrance psychique, le processus d'élaboration de projet reste ainsi conditionné par un certain équilibre de cet état psychique. Certaines MIFE, comme à Rueil-Malmaison, ont mis en place un service d'aide psychologique, pour accompagner ces personnes dans cette dimension. Si cette fonction nous paraîtrait plus pertinente dans une structure extérieure, favorisant l'anonymat d'une démarche thérapeutique, elle peut se justifier par le fait de privilégier un temps de parole plus libre, qu'il est parfois nécessaire de dégager de celui de l'élaboration de projet, sans s'installer toutefois dans la durée d'une thérapie.
Mais comment ne pas s'interroger sur l'effet désastreux de la situation prolongée de chômage qui fait craquer les barrières pathologiques, et fait sombrer, parfois dans des états pathologiques lourds, des personnes limites ou selon le terme consacré, "border line", que l'on retrouve alors dans la catégorie "chômeurs longue durée" ou "bénéficiaires du RMI", cumulant des troubles de santé et une longue durée d'inactivité professionnelle. En effet, la stabilité d'un emploi, comme celle d'une famille, a pour effet de maintenir ces personnes en dehors du risque de décompensation. Des solutions plus efficaces, à la fois thérapeutiques et professionnelles, et de nouveaux types d'encadrement dans l'emploi sont encore à inventer. Mais, le plus souvent, les services d'orientation et d'insertion s'acharnent pour trouver des solutions d'insertion classiques, donc vouées à l'échec, aux personnes appelées pudiquement "en difficulté de réinsertion".
Douze personnes ont reconnu avoir bénéficié de cet appui, qui a été déterminant pour Claire, Cathy, Jeanne, Daniel, Judith, Marc, Fanny, Estelle.
Rappelons-nous les exemples de Judith, Marc et Estelle.