La collaboration entre Henri Desroche et le réseau des MIFE s'est poursuivie jusqu’à la mort du professeur, en 1994. C’est ainsi que deux séminaires, appelés "ateliers maïeutiques", se sont déroulés de 1990 à 1993, à son propre domicile, réunissant une trentaine de participants, professionnels de l'orientation et de l'insertion, dont un nombre significatif de responsables de MIFE 970 . Co-animés les deux dernières années par le professeur et Gaston Paravy, ces séminaires ont permis la rencontre de la praxis des MIFE, d'inspiration et de résonance rogérienne 971 , avec la méthodologie qu'Henri Desroche avait expérimentée pendant près de vingt ans dans le cadre du Collège coopératif et de ses universités "nomades et saisonnières" de par le monde 972 . Ces ateliers maïeutiques, qui ont suscité une véritable synergie de recherche-action, avaient pour objet de fonder et d'intégrer l'efficience de la pratique d'histoire de vie en orientation, à partir de l'expérience que le professeur avait initiée en formation continue.
Chaque séminaire d'une durée annuelle d'une centaine d'heures, était constitué de réunions mensuelles, qui se déroulaient dans une salle que Desroche avait aménagée dans le sous-sol de sa maison. Un triduum rassemblait chaque année les différents ateliers animés par le professeur. La troisième année a donné lieu à une convention de formation entre le réseau des MIFE, avec le support de la MIFE de Savoie et d'une structure ad hoc mise en place par Henri Desroche. Ce conventionnement a permis l'appui financier de la Direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de Rhône-Alpes, en 1993-1994. De ce fait, la plupart des responsables des MIFE de Rhône-Alpes ont suivi ses derniers enseignements.
La pratique de l'entretien d'orientation avait été explicitée selon les préceptes rogériens dans le rapport final de l'expérimentation. Cf. Maisons de l’Information sur la Formation, Ministère des Affaires Sociales/Délégation à la Formation Professionnelle, Pour une méthodologie de l’information sur la formation, La pratique des MIF,Paris, Centre INFFO, 1987, 104 p.
Lors de sa conférence, Henri Desroche cite quelques exemples de personnes rencontrées au cours de différentes situations où il a pratiqué l'autobiographie raisonnée : "Je n'ai jamais demandé aux personnes “quel diplôme as-tu ?“… je demande “qu'as-tu fait, qu'as-tu créé dans ta vie ?".... J'ai même travaillé avec des analphabètes au Mexique, qui avaient une créativité extraordinaire, c'étaient de grands entrepreneurs analphabètes (...) Madeleine, une femme qui a maintenant plus de soixante-dix ans, avait passé près de trente ans d'imprégnation dans la Haute-Volta (Burkina Faso). Elle connaissait tout sur la pharmacopée, les rituels, les généalogies ... elle a fait un doctorat d'État, c'était un triomphe. J'ai connu aussi un forgeron qui était un véritable magicien de ses doigts. Il a inventé lui-même ce qu'il appelait la pédagogie de chantier. Il était très déprécié dans le milieu d'éducateurs où il travaillait parce que c'était un manuel, parce qu'il n'avait pas de diplômes, parce que les autres savaient parler .. Nous lui avons fait faire un travail magnifique et il a écrit des pages, dignes d'une anthologie, sur la révolution de la roue cerclée et la venue du pneu..." Cf. Henri DESROCHE, "Conduites maïeutiques en éducation des adultes, pour une promotion de l'éducation permanente dans un régime d'enseignement supérieur", Art. cit.