2.4.1. Vulgarisation scientifique et la transmission du vrai.

Le souci majeur de la vulgarisation scientifique est en général, la transmission du vrai, d'un savoir obéissant à un langage conventionnel que les spécialistes ont mis en forme. La question qui reste posée et que se pose un spécialiste de la vulgarisation scientifique est de savoir si “ dans la faisabilité, il y a lieu et possibilité de transposer à chaque individu des notions et des connaissances selon sa capacité cognitive ” 502 . Est-il donc faisable en vue de l'incommensurabilité des capacités cognitives de chaque individu, de fonder un lieu de l'unité universel valable pour tout les membres d'un groupe ? Cette question est la même que celle qui a été posé par Averroès, qui avait affirmé l'universalité de la vérité bien que les modalité d'y accéder sont différentes : "une vérité n'en contredit pas une autre mais s'accorde avec elle et lui rend témoignage", disait-il.

La vulgarisation scientifique telle qu'elle est défendue par D. Jacobi, repose sur une soumission de n'importe quel discours scientifique à la reformulation par le biais des images, des illustrations, des diagrammes etc., en vue de réaliser la pratique discursive des résultats scientifiques. La vulgarisation est légitime, car le discours scientifique lui-même, ne possède pas de définition stable et reconnue. Par conséquent, la pluralité du discours de la vulgarisation scientifique s'impose et prend des formes diverses, selon les présupposés des intentions didactiques. Le but de la vulgarisation est donc “ de traduire la science pour la rendre accessible à l'homme de la rue, à un grand public, pour lui expliquer et l'aider à parler la science dans la langue de tous les jours, et cela ne peut être réalisé qu'à partir d'une reformulation pour rendre la science attrayante et claire ” 503 .

Cette définition est au-delà de tout commentaire. Elle résume le but primordial de la vulgarisation scientifique. La différence avec la transposition didactique repose sur le cas inverse. Celle-ci en effet attache une importance au domaine du sens commun, à l'histoire, au déjà-là des apprenants, mais elle s'astreint à renverser les obstacles déjà amoncelés par la vie quotidienne. Elle part de l'ordinaire pour arriver à l'extraordinaire, elle part de ce que les apprenants savent et savent faire pour suggérer par là même ce qu'ils doivent réellement connaître et savoir.

Si la transmission des recherches réussies est l'une des tâches de la vulgarisation scientifique, alors, la transposition didactique s'astreint à transposer les recherches réussies, et non réussies en exposant des grandes théories, tout en programmant les sentences didactiques. Elle se trace plus le procédé de l'inspiration que celui de l'imitation. La transposition didactique expose deux temps, celui de la connaissance et celui du connaissant. Il n'en va pas de même pour la vulgarisation scientifique qui se suffit à la formulation et à l'exposé du temps des vraies connaissances. Inspiration et combinatoire vont de paires en transposition didactique, car elles aident à comprendre la différence qu'attribut la transposition didactique au temps des études. Ce n'est rien d'autre que la différence entre ce que M. Vérrêt nomme : “ ‘l'art d'inventer et l'art d'enseigner’ ” 504 .

La transposition didactique étudie l'enjeu des démarches, des méthodes de l'invention des savoirs, ce que la vulgarisation scientifique ne se force pas à faire. La transposition didactique a pour tâche de faciliter aux apprenants l'accès à l'appropriation des concepts et des contenus ; une démarche qui ne peut se dérouler qu'à l'intérieur d'une institution scolaire ou universitaire. (voir la définition de l'École proposée par J. C. Milner).

En transposition didactique les enseignants et les formateurs sont les acteurs, des méthodes didactiques. Ils sont soumis au temps des études, à l'écologie des savoirs, et la programmation qui fait la loi de l'enseignement.

Si la transposition didactique vise un public minoritaire qui représente des pseudo-savants ou des futures savants, alors la vulgarisation scientifique transgresse aussi bien le lieu que l'espace-temps pour toucher un public large et indifférent. Elle rempli par là-même une fonction spécifique à savoir la communication des résultats des problèmes. Par contre la transposition didactique par sa démarche programmatrice rempli la fonction de la discussion de problèmes.

Le médiateur-vulgarisateur, ne fait que de s'interposer entre le spécialiste et le public, que le didacticien au contraire, transpose, s'impose entre le savent, spécialiste et l'apprenant, initié.

Dans la transmission du vrai, la vulgarisation scientifique se réduit à l'action du troisième homme, qui, aux yeux de D. Jacobi, use de sa malice didactique pour transmettre les résultats. Ce troisième homme est à la fois un didacticien et un pédagogue, son rôle tend plus à l'accomplissement de la seconde tâche qu'à la première. Pour mieux saisir son action tenons à exposer la thèse que défend D. Jacobi, une thèse qui fut au départ défendue par des linguistes. C'est à Sapir que revient en effet l'intérêt d'avoir mentionné le rôle de la vulgarisation scientifique qui est le transfert et la transmission des vérités scientifiques. C'est ainsi que D. Jacobi souligne en rapportant Sapir :

‘“ une vérité scientifique est impersonnelle et n'est pas affectée dans son essence par le moyen linguistique particulier qui l'exprime ; elle a surtout autant de portée en chinois qu'en anglais, mais il lui faut s'exprimer, et s'exprimer linguistiquement. En réalité la conception d'une vérité scientifique se fait par un processus linguistique, puisque la pensée n'est autre que le langage dépouillé de son enveloppe extérieur. Le moyen d'expression approprié d'un énoncé scientifique est donc un langage généralisé et symbolique dont toutes les langues connues sont des traductions. On peut traduire très exactement la littérature scientifique parce que l'expression scientifique initiale est elle-même traduction de symbole ” 505 .

Que ressort-il de ce passage ? D'abord le fait de dire qu'une vérité scientifique est impersonnelle renforce malgré tout l'idée de l'ouverture. Cette dernière s'inscrit dans la perspective de l'inspiration et de l'imitation. Car si l'on en croit les propos du précédent passage, on s'aperçoit que l'anonymat dans l'art de créer est l'oeuvre de toute vérité scientifique. Le principe de l'anonymat, procède par logique de la combinatoire. Il renforce un principe philosophique qui est celui de l'historialité de la vérité scientifique. Ce principe proprement heideggerien signifie qu'une vérité scientifique ne peut être réduite à une action à travers laquelle le sujet pensant se retourne vers l'histoire des mots et des concepts pour définir le sens des propositions. Il est aussi un principe qui s'oppose à la jouissance artistique ou esthétique qu'en fait le sujet. La vérité doit au contraire s'ouvrir sur le pour-autre-chose pour devenir historial. Car au départ elle fut une combinaison de signes qu'elle n'eut affecté par aucun signe linguistique motivé. C'est dans cette perspective que Hegel a laissé entendre que la parole est d'abord aux faits. La combinatoire est un processus et non un état. Elle permet au sujet d'user du langage symbolique comme support pour simplement illustrer et véhiculer des vérités scientifiques déjà acquises. Ce qui intéresse la vulgarisation scientifique dans cette démarche, n'est pas le retour à l'histoire des faits, mais ce qui l'intéresse est de les utiliser pour des fins d'extension du pouvoir cognitif. La vulgarisation scientifique s'astreint à rematérialiser, les faits factices, à les transformer et à les adapter aux besoins de la connaissance dans sa dimension exotérique. Par conséquent tout cela laisse entendre que les signes linguistiques sont immotivés, ils ne sont pas chargés d'intentions affectives. Le symbole peut véhiculer des vérités scientifiques. Car il prolonge le trait d'union de la tradition savante.

A partir de ce constat, on peut penser que c'est la traduction des symboles qui est l'aspect commun à toutes les langues lors de la transmission des vérités scientifiques. Or si on maintient que la science est un travail sur le symbole, alors, à partir de là surgit un nouveau problème philosophique qui est celui de la réduction du langage humain à l'acte du penser dans les signes. Que peut-on alors maintenir, est ce le propos de Leibniz qui consiste à dire que l'homme pense dans le signe, ou celui de Charles Peirce qui au contraire avance que l'homme pense avec le signe ? Du point de vue du concept de la vulgarisation scientifique la réponse à cette question problématique est tranchée en faveur du signe linguistique. En effet, pour diffuser, vulgariser, traduire, transmettre, il faut accroître les techniques rhétoriques, car si l'on en croît D. Jacobi, l'activité des vulgarisateurs est en elle même : “ ‘un art qui sert à retourner la nudité de la vérité scientifique et à la traduire dans une langue plus simple à la portée de tout un chacun’ ” 506 .

Cette activité artistique de la vulgarisation scientifique est une activité esthétique ;elle privilégie la clarté esthétique à la clarté discursive. Etant ainsi, elle réduit le problème de l'extension du pouvoir cognitif à la simple articulation du langage. Cela rappel le fameux cercle de Vienne qui privilégia la perspective logique pour accéder à la vérité des choses. Pour ce courant de pensée, toute crise de la connaissance est réduite à celle du langage, à une désarticulation des monèmes et des morphèmes, de l'axe paradigmatique et syntagmatique. La crise n'est même pas un problème d'extension du pouvoir de la misère et de l'ignorance. Or la crise de la communication n'est pas toujours une crise de classification des langues car la langue ne définit pas l'identité. La crise de la communication est une crise d'absence, non pas de rhétorique, mais d'efforts d'argumentations. Si l'on en croît J. Habermas 507 la crise de la communication est celle de l'absence de la rencontre, de l'accord préalable à toutes discussions, à toute argumentation rationnelle.

La vulgarisation scientifique qui propose ‘“ la transformation du lisible en visible’ ” 508 , tombe dans le problème du transfert des contenus par le biais des images dites didactiques ou de vulgarisations. Ce problème propre à la communication a été traité par M. Tardy dans Le Professeur et les Images . L'auteur y rappel l'argument d'Emmanuel Mounier qui décrit l'image sous l'expression : “ la petite peur du XX siècle ” 509 . Pour M. Tardy, “ ‘la crainte est petite sans doute, mais elle reflète une peur sûrement ’” 510 . A partir de là, l'image représente pour lui un luxe doublement condamnable.

Sur cette base réflexive, la condamnation de la vulgarisation scientifique dans sa prétention à la transmission de la vérité scientifique, est une chose qui désormais s'impose. Il est impossible pour elle de réaliser la tâche, de la transmission des recherches réussies car d'une part la vérité, la connaissance scientifique est définie en terme de tâche. Elle est comme l'être du monde, qui reste une tâche pour l'homme qui tente d'en apprécier l'extension du pouvoir physique, en l'appréciant et en l'expliquant. Et d'autre part parce que la vérité est en elle-même un pouvoir qui, lui, n'appartient à personne, il éclate de tout part. Il est donc impossible pour la vulgarisation scientifique d'enseigner ou de transposer la vraie vérité puisque celle-ci est incommensurable qu'elle échappe à l'authentique. En effet, dans sa réduction du lisible au visible, la vulgarisation scientifique soumet l'acte d'énoncer le vrai, à un phénomène de désisthétisation, qui rend la vérité scientifique une chose parmi les choses. Alors que la règle pour chercher à la fois le vrai et le transmettre, réside dans la rencontre, le rendez-vous, dans la pratique de la discussion qui émerge non pas de la rhétorique – comme le prétend la vulgarisation – mais de l'argumentation, et du débat rationnel. Ce dernier ne peut se constituer que dans le pôle de la formation, qui est celui de l'accroissement des écoles, des universités, des instituts de recherches et de formations ayant pour but l'aboutissement à la réalisation de l'extension du pouvoir cognitif, qui sera le seul moyen pour lutter contre le pouvoir de la misère et de l'ignorance. Car la vérité scientifique n'est pas une donnée immédiate. D'ailleurs d'une part, il n'y a d'une science que du caché, comme E. DurKheim l'a laissé entendre et d'autre part, rien n'est donné tout est construit comme G. Bachelard le laisse penser.

Dans cette perspective on doit rappeler cet argument de P. Fraïsse qui consiste à penser que le chercheur, qu'il le veuille ou pas, finit tôt ou tard à s'appuyer sur ses expériences heureuses ou malheureuses pour fonder des hypothèses. Que le lecteur de ce modeste travail, nous accorde le droit de lui livrer notre expérience de l'amour que nous avions toujours tenu à la formation, à la transposition didactique définie en terme d'amour de l'École de l'Université, et de la recherche. En effet, si notre première inscription à l'université fût en 1983 et qui se prolonge encore jusqu'à 1998 et peut-être au-delà, n'est pas une expérience fortuite, elle veut par hasard ou par nécessité, légitimer la donation du temps pour la formation, car comme nous venons de le voir avec Rousseau, le temps en éducation on doit mieux chercher à en perdre que d'en gagner. La donation du temps des études laisse J. Derrida penser à intituler un de ses récents textes : Donnez le temps . Ainsi, et à en croire toutes ces expériences tantôt heureuses et tantôt malheureuses (selon les circonstances de l'échec et de la réussite), on peut donc affirmer que le temps de la formation est un temps de formation permanente, c'est-à-dire un temps qui témoigne d'une relation de hommes à homme, animée par le débat argumentatif et discursif qui ne peut se réaliser qu'à travers le pôle de la formation et non pas à travers celui de l'information. Car celle-ci si l'on en croît Descartes dans les débuts de ses spéculations philosophiques, est en elle-même une déformation. La vulgarisation scientifique tente toujours de valider ses propres propos en réfutant les analyses précédantes avancées par Michel Trady. Mais cette réfutation n'est pas toujours admise. Pour mieux analyser sa prétention à la transmission des connaissances, partant de la définition de la continuité que lui assigne D. Jcobi : “ ‘Nous proposons de substituer à l'image véhiculée par la rhétorique de vulgarisation, une autre représentation de la réalité. Il n'y a pas d'un côté un discours scientifique source, discours incompréhensible par le public moyen et de l'autre un discours second, reformulation et paraphrase du premier destiné au plus grand nombre, mais un continuum, dans lequel les scripteurs, leurs textes et leurs diverses intentions se mêlent intimement’. ” 511

Pour pouvoir comprendre la teneur conceptuelle de cette citation, on doit résumer les missions que la vulgarisation scientifique prétend accomplir. Dans son passage de l'ésotérique à l'exotérique, elle se veut un discours qui érige le discours ésotérique sonore en spectacle. Elle prétend le mettre à nu via les images et les icônes. Elle le montre et l'exhibe, sans jamais l'effacer. Elle le montre, le dénature, le court-circuite sans pourtant le dévaloriser ou le remplacer effectivement. Ces tâches sont en général partagées par trois tendances qui parcourent le processus de la vulgarisation scientifique.

La première de ces tendances, privilégie l'emploi de figures rhétoriques, comme la comparaison pour renforcer la raison, l'analogie pour marquer la ressemblance des rapports, la double hiérarchie pour marquer le paradoxe etc.

Pour ne donner qu'un exemple de l'emploi de ces figures qui biaisent et altèrent le sens d'une proposition, tenons à souligner le glissement de Ph. Meirieu dans ce que Hegel a déjà appelé le frisson du sens. Par l'emploi des figures rhétoriques comme la métaphore, l'auteur tente de corriger le schéma traditionnel qui consiste à penser que dans toute communication, il y a d'abord processus d'identification, puis suit immédiatement celui de la signification, et enfin vient le processus d'utilisation. Ce schéma, aux yeux de Ph. Meirieu, n'est pas commode pour l'étude du processus supérieur de la personnalité qui est la perception.

En tout cas pour l'auteur, ce schéma traditionnel doit être dépassé et réfuté, car le processus de la signification doit être compris sous forme d'une spontanéité de l'action humaine qui use simultanément aussi bien de l'identification que de l'utilisation. A partir de là, on peut maintenant construire le schéma sur la base du texte 512 qui corrige le schéma classique :

Identification (repérage) a Signification (compréhension) a utilisation (application)

Ce schéma devient avec Ph. Meirieu :

Pour démontrer ce processus perceptif l'auteur part d'une observation fortuite, ordinaire : l'observation d'un adolescent qui “ dévale les pente d'une montagne ” 513 . Il se trouve – comme le texte le laisse entendre –, en relation de connexion nécessaire avec les causalités naturelles. Sa force physique aussi bien que celle de la nature lui permettent “ la maîtrise de la configuration générale du paysage ” 514 .

Cette manière de procéder à l'explication de la relation connexion nécessaire entre l'identification et l'utilisation pour donner sens à la signification est en elle-même une vulgarisation scientifique des processus supérieurs de la personnalité. La démarche incite à cultiver l'exception du sens du déjà-là, pour affirmer enfin que l'art et le sens peuvent être présent là où on ne se rend pas compte. Ainsi la vulgarisation scientifique de l'acte d'enseigner repose sur l'emploi des métaphores de la lumière, de celle du chemin qui ressortent du texte de l'ouvrage : Apprendre... oui, mais comment . 515 Cette connexion nécessaire entre le langage ordinaire et l'action du sujet est génératrice de sens. Elle incarne le processus de l'interaction qui réside entre nous et les choses. Ces dernières si l'on en croit l'auteur, nous renseignent de la même manière que le contenu d'un ouvrage nous forme lors du parcours de ses pages.

L'apprentissage est donc à la fois la racine et le fruit d'un processus d'interaction, qu'il faudrait expliquer ne se risque que d'une manière métaphorique et analogique pour renforcer son intérêt, et sa légitimité. Ainsi, le fait que l'auteur s'astreint à la recherche du sens de l'apprentissage et du chemin didactique, est en soi une incitation non pas à la vulgarisation scientifique, mais à la transposition didactique.

La question qui reste posée dans cette perspective et qui témoigne bien du glissement dans le frisson du sens est celle de savoir si vraiment on parcours nos textes de lectures de la même manière que cet adolescent parcourt le paysage. Une telle technique, une telle démarche serait néfaste sur le sens des contenus. On ne peut en aucun cas sauter et feuilleter des ouvrages et des articles intéressants sans nous arrêter, sans revenir à plusieurs reprises sur le mot clés, sur ce qui est au-delà des mots et des signes. En tout cas un bon lecteur, n'est pas celui qui saute et sursaute d'un chapitre à un autre. On pourrait d'ailleurs se poser la question : qu’est-ce qu'un bon lecteur ? En tout cas pour nous il n'est pas comparable à cet adolescent qui “ dévale les montagnes ” 516 . Pour lire et pour s'instruire, il faut donner du temps. Nietzsche a d'ailleurs rejeté cette démarche bien qu'il fut favorable à l'ouverture sur les choses de la vie. Pour lui en effet, le bon lecteur est celui qui se trace la perspective d'une “ lente lecture ” 517 .

La deuxième tendance à la quelle la vulgarisation scientifique est soumise, est celle du redoublement et de l'accroissement de la dimension métalinguistique. Cette démarche tente d'éclairer le lecteur et de lui faire comprendre le message. Parmi ses enjeux, on peut mentionner le changement des répertoires lexicaux lorsqu'il s'agit d'établir une relation entre transposition didactique et vulgarisation scientifique.

Enfin pour la troisième tendance, la vulgarisation scientifique s'astreint à éviter l'argument du distinguo. Elle évite de présenter des notions contradictoires faute de tromper le grand public large qui s'astreint uniquement à la connaissance de la vérité au lieu de la rechercher. C'est ainsi qu'elle privilégie, l'argument ou la démarche de la substitution par l'emploi des synonymes et des équivalences. Elle cherche à acquérir une nouvelle terminologie accessible à tout le monde.

Par l'usage de toutes ces techniques, la vulgarisation scientifique à en croire du moins D. Jacobi – use des analogies de l'expérience, des métaphores et des comparaisons, pour frapper l'imagination des acteurs. Elle procède ainsi pour toucher les âmes et leurs coeurs, d'un grand public exotérique en vue de sensibiliser pour mobiliser ses membres. C'est un jeu sans cesse, mais un jeu qui se joue uniquement au niveau de l'esprit du coeur. Ce qui fait que le vulgarisateur, doit à toute instant poursuivre ses interlocuteurs et ses auditoires présumés pour les rappeler à se souvenir à chaque instant des faits et des propositions. A partir de là on comprend ce que veut signifier le procédé pascalien : “ le coeur a ses raisons que la raison n'en n'a point ”. En effet, poursuivre les auditoires à chaque moment pour les rappeler, toute en s'adressant à leur imaginaire, est en soi du temps perdu. A partir de ce constat on peut certainement maintenir une analogie entre transposition didactique et vulgarisation scientifique, puisque l'une et l'autre se donnent à la perte du temps en vue de gagner l'information et la formation de leurs auditoires présumés. Mais nous pensons qu'il est préférable de s'adresser d'une manière argumentative et discursive pour les impliquer à jamais dans une cause, à laquelle il faut les rendre bienveillant et docile. Si l'objectif de la vulgarisation scientifique est d'agir sur le public pour le mobiliser, le but de la transposition didactique est d'agir sur lui, pour le pousser à bien penser à agir, à assimiler avant d'agir. Le travail de l'assimilation est un travail qui ne peut être acquis que par la formation, la rencontre et le débat discursif.

Les enjeux théoriques de la vulgarisation scientifique en tant que concept problématique, ne peuvent être clarifiés, qu'à partir de sa comparaison, avec l'autre concept qui lui est opposé à savoir celui de la transposition didactique .

Notes
502.

Jacobi, (D.), Diffusion et vulgarisation, op cit.

503.

Ibid.

504.

Verrêt (M.), Le temps des études , op cit.

505.

Jacobi (D.), Diffusion et vulgarisation , op cit.

506.

Ibid.

507.

Habermas (J.), L'éthique de la communication , traduit par Jean-Marc Ferry, Édit. P.U.F 1987. pp : 36 à 43. Pour une prise de position critique voir aussi, Logique des sciences sociales et autres essaies. , traduction avec un avant propos par Rainer Rochlitz, P.U.F. 1987 ; ainsi qu'une critique dirigée à l'encontre de J. Habermas l'ors d'un colloque de 1985 consacré à la théorie de l'activité communicationnelle , où Karl Otto Apel, incite à penser avec Habermas contre Habermas. Le contenu de cette critique se trouve dans un fascicule tiré à part, il s'intitule : Penser avec Habermas contre Haberma s, par Karl Otto Apel, traduit de l'Allemand par Marianne Charnière, Édit l'éclat 1990, 60 p.

508.

Tardy (M.), Le professeur et les images , op cit.

509.

Ibid.

510.

Ibid.

511.

Jacobi (D.), Diffusion et vulgarisation, op cit.

512.

Voir le texte de Meirieu (Ph.), in Apprendre Oui...; mais comment , op cit, pp : 54 & 55.

513.

Ibid.

514.

Ibid.

515.

Ibid, pp : 54 et 55.

516.

Ibid.

517.

Voir le sens nietzschéen de la philosophie de la lente lecture, in Friedrich Nietzsche, Sur Démocrite (Fragments inédits), par Ducat (Ph.), op cit. 149 p. Le sens de cette philosophie est important du point de vue éducatif, du point de vue du sens qu'on pourrait donner au temps des études. Ce sens est proche de celui dont Rousseau a laissé entendre que “ le temps en éducation il vaut mieux en perdre que d'en gagner ”.