a: la jouissance artistique.

Elle est une attitude qui tente de faire du passé un modèle pour l'avenir tout en vénérant à la fois ce passé et en défendant l'authenticité comme principe de la continuité de l'acte de créer. Cet acte est opéré par simple nature acquise dans le passé par l'esprit singulier. A ce propos, Nietzsche pense : “ ‘Seul l'individu singulier (der Einzelne) peut produire une grande pensée et que les convictions des masses ont toujours quelque chose d'imparfait et de flou. Par contre les pulsions de la masce sont plus puissante que celles de l'individu’ ” 563 . Dans cette perspective Nietzsche est contre le lieu Commun de l'indifférence, mais il est pour le lieu de l'unité, celui de la différence, d'où une vision philosophique qui tente de faire de lui un philosophe de la liberté.

La jouissance artistique signifie le rejet du principe de la combinatoire, un acte qui rassemble d'autres actes différents lors de la mise en forme d'une production artistique. Jouir devant une oeuvre d'art implique en réalité ce procédé deR. Barthes qui repose sur le rejet de l'inspiration, principe hégélien à travers lequel Hegel à tranché en faveur de l'inspiration à chaque instant de l'acte de créer. C’est ainsi qu’il souligne : ‘Ce que nous voyons représenté et reproduit sur des tableaux à la science ou ailleurs, nous le trouvons déjà dans ce que nous tenons du cercle plus ou moins étroit de nos amis et connaissance’ 564 . D’ailleurs, R. Barthes a engagé son point de vue quant à ce phénomène, dans la même perspective nietzschéenne et heideggerienne en disant : ‘Bien que toute création soit nécessairement une combinatoire la société en vertu du vieux mythe romantique de l'inspiration ne supporte pas qu'on le lui dise !’ 565  ”.

La jouissance artistique surgit donc de ce principe de l'unité et de la singularité. Elle alimente et argumente sa légitimité en mettant l'accent sur ce lieu de l'unité devenu un lieu de préférable. La jouissance artistique ne renvoie pas toujours au fanatisme intellectuel, mais elle est parfois (sutout lorsqu’elle est cultivée en tant qu’exception) le plus haut principe de la liberté humaine , car en lui et à travers lui l'essence de l'homme est perçue. Ce lieu de l'unité nous incite à aimer ce qu'on ne verra qu'une seule fois. Sa qualité se situe au niveau de son action. Il est le fondement du patrimoine. A son sujet Nietzsche souligne : “ ‘Il est temps que les ouvriers d'usines laissent la place aux philologues de l'avenir, ces artistes qui sauront sacrifier l'inspection minutieuse des détails à la considération esthétique du tout, et extraire de l'histoire des statues(...) ce n'est pas parce que quelque chose est passée qu'on est en droit d'entreprendre des recherches, mais parce que ce passé était meilleur que le présent et fait donc l'effet d'un modèle’  ” 566 .

La jouissance devant le passé se justifie donc à partir de ces affirmations qui tentent de nous faire comprendre que le passé ne passe pas. Cette attitude peut malgré tout traduire celle de crainte.

Notes
563.

Nietzsche cité par Ducat (Ph.) op cit.

564.

Hegel. Ibid.

565.

Ibid.

566.

Ducat (Ph.), Nietzsche sur Démocrite, op cit.