2.2. Les étapes de la méthodologie expérimentale entre transposition didactique et vulgarisation scientifique , entre le hasard et la nécessité.

Le tableau-textes qui va suivre a été mis en forme d'après les critères suivants :

Nous avons d'abord réuni les textes qui traitent de la méthodologie expérimentale en biologie, en psychologie expérimentale et en psychopédagogie, tout en nous référant en particulier à trois personnalités si bien connues : Claude Bernard, Paul Fraïsse et Antoine Léon. Leur tâche a toujours été celle de la publicité, de l'application de l'approche expérimentale dans le domaine des sciences humaines. Ce tableau nous permettra par la suite d'analyser la transposition didactique des étapes de la méthodologie expérimentale.

On n'a pas tenu à reproduire dans ce tableau l'intégralité des textes qui exposent d'une manière exhaustive les enjeux, les difficultés de cette méthode. Nous tenons simplement à mentionner les ouvrages dans lesquels ils sont majestueusement élaborés et produits.

Pour ne pas mentionner à chaque fois la référence exacte des phrases que nous reprenons dans les cases de ce tableau, on préfère désormais indiquer les lieux spécifiques, qui nous ont permis de mettre en forme les résumés qui vont suivre.

Pour ce qui est des conceptions de Claude Bernard, nous avons été aidé par l'ouvrage de GRMEC Micro Drazen, un ouvrage publié avec le concoure du Collège de France, et qui s'intitule : Raisonnement expérimental et Recherches Toxicologiques chez Claude Bernard . Cet ouvrage montre l'intérêt des conditions et la structure des découvertes de C. Bernard. Les idées de ce dernier sont exposées d'une manière exhaustive dans l'ouvrage intitulé : Claude Bernard Introduction à l'étude de la médecine expérimentale. Chronologie et préface par F. Dagognet G. F Paris 1966.

Quant aux idées de P. Fraïsse, nous les retenons dans plusieurs endroits de ses écrits. Elles sont exposées dans son Traité de psychologie expérimentale, tomme I : Histoire et méthode dans son Que sais je? intitulé : La psychologie expérimentale , et dans son manuel didactique, intitulé : Manuel Pratique de psychologie expérimentale.

L'ouvrage d'Antoine Léon lui aussi défend à sa manière, l'usage de la méthode expérimentale en psychopédagogie. L'auteur a consacré une étude qui se présente sous forme d'un travail d'équipe de recherche. Son ouvrage s'intitule : Manuel de psychopédagogie expérimentale. Il est publié comme tous les autres aux Editions de Presse Universitaire de France.

Enfin arrive ce que nous considérons comme de la vulgarisation scientifique à savoir le Que sais-je ? intitulé : La psychologie expérimentale, de P. Fraïsse et l'ouvrage de Maurice Reuchlin qui s'intitule : Guide de l'Etudiant en psychologie. Ce dernier travail est à la fois la racine et le fruit d'un travail d'équipe, d'autant plus qu'il est publié aux mêmes Editons (PUF)

Bien qu'il ait une différence d'âge entre les différents écrits, il n'empêche qu'ils traitent tous – chacun à sa manière – d'un même objet de savoir et parfois d'une même problématique.

Le problème pour nous et à la lumière des distinctions précédentes entre vulgarisation scientifique et transposition didactique, est de savoir ce qui relève réellement de la première et ce qui est l'objet de la seconde.

Pour nous faciliter la tâche à relever et à analyser ce problème de fond, nous avons pris l'initiative de repérer les différentes formulations et reformulations du schéma O. H. E. R. I. C, (un schéma qui témoigne de la méthodologie expérimentale), pour pouvoir ensuite passer à l'analyse et à la distinction entre ce qui est vulgarisation scientifique et ce qui est de la transposition didactique. Ce problème de fond sera résolu suite à l'appréciation de la légitimité ou de l'illégitimité de chaque formulation et reformulation.

D'entrée, commençons donc par la mise en forme du tableau illustratif, dont nous rappelons qu'il n'est qu'un simple résumé, une simple reproduction des idées principales de chaque auteur.

Tableau-textes : Bref aperçu sur quelques conceptions du sens de la méthodologie expérimentale
BERNARD (C.) FRAÏSSE (P.) LEON (A.)
1) La méthode est un moyen non un but : “ J'ai réuni un certain nombre d'exemples qui m'ont paru les plus convenables pour atteindre mon but. Dans tous ces exemples, je me suis, autant, cité moi-même, par cette seule raison qu'en fait de raisonnement et de procédés intellectuels, je serai bien plus sûr de ce que j'avancerai en racontant ce qui m'est arrivé qu'en interprétant ce qui a pu se passer dans l'esprit des autres. D'ailleurs, je n'ai pas la prétention de donner ces exemples comme des modèles à suivre ; je ne les emploi que pour mieux exprimer mes idées et mieux faire saisir ma pensée.” GrmeK (M.D), Raisonnement expérimental et recherches toxicologiques chez Claude Bernard. Genève 1973 p : 2 1) La méthode expérimentale à un esprit : le premier mouvement de l'expérimentateur et de se soumettre à un fait : “ Si le premier mouvement de l'expérimentateur est la soumission au fait, il ne s'en satisfait cependant pas son idéale est d'arriver à produire le fait. L'expérimentateur ne peu y parvenir que s'il en connaît toutes les conditions d'apparition”. PAUL Fraïsse : Traité de psychologie expérimentale : P.U.F, Tome I p : 72. 1) “ L'approche expérimentale d'un problème en psychopédagogie, comme en psychologie, repose sur une conception scientifique de la discipline et suit une démarche qui consiste à aller d'un fait plutôt brut à un fait plutôt élaboré en passant par la formulation d'hypothèses ou de plusieurs aussi précises que possible ”. Léon (A.), Manuel de psychopédagogie expérimentale; Édit. P.U.F 1977 p : 27 à 28.
2) Les idées d'une méthode doivent être à la fois la racine et le fruit d'un processus d'inspiration : “ Les idées que nous allons certainement exposer ici n'ont certainement rien de nouveau; la méthode expérimentale et l'expérimentation sont depuis longtemps introduites dans les sciences physico-chimiques qui leur doivent tout leur éclat. A diverses époques, des hommes éminents ont traité des questions de méthode dans les sciences... Notre unique but est et a toujours été de contribuer à faire pénétrer les principes bien connus de la méthode expérimentale dans les sciences médicales...C'est moi qui fonde la médecine expérimentale dans son vrai sens scientifique; voilà ma prétention”. Ibid. p : 19 & 20. 2) L'expérimentateur peut produire et prédire un fait lorsqu'il en maîtrise toute les conditions d'apparition. “ A ce moment là il est capable de prédiction. Mais pour arriver à se terme, l'expérimentateur a du tisser la toile des relations entre tous les faits caractéristiques et, plus son objet est complexe, plus sa tâche est longue et difficile”.Ibid. 2) “ L'approche expérimentale d'un problème de psychopédagogie doit tenir compte de ce qu'est la psychologie scientifique et de quelques formes de déterminisme en psychopédagogie. ”. Ibid.
BERNARD (C.) FRAÏSSE (P.) LEON (A.)
3) L'effet d'une méthode se résume à son exception : on doit cultiver l'exception : “ Quand on veut juger l'influence qu'un homme a eue sur ses contemporains, ce n'est point à la fin de sa carrière qu'il faut le considérer lorsque tout le monde pense comme lui ; c'est au contraire à son début qu'il faut le voir, quand il pense autrement que les autres”. Ibid. p : 21. 3) “ L'expérimentateur peut produire et prédire un fait lorsqu'il en maîtrise toutes les conditions d'apparitions”. Ibid. (Cela signifie que l’expérimentateur doit asseoir l'esprit de sa méthode de recherche dans la perspective du principe de l'ouverture et non pas dans celle de l'achèvement). 3) La recherche en psychopédagogie expérimentale doit obéir à des “ principes et à des “ processus”. Ibid.
BERNARD (C.) FRAÏSSE (P.) LEON (A.)
4) La méthode de recherche en physiologie doit cultiver l'exception de l'ouverture sur le déjà-là : sur le monde du ouïe-dire et du sens commun, bref sur le pôle de l'information. C’est ainsi que Claude Bernard note :
“ Chacun suit sa voie. Les uns sont préparés de longue main et marchent en suivant le sillon qui était tracé. Moi je suis arrivé dans le champ scientifique par des voies détournées et je me suis délivré des règles en me jetant à travers champs. Ce que d'autres n'auraient peut être pas osé faire. Mais je crois qu'en physiologie cela n'a pas été mauvais, parce que cela m'a conduit à des vues nouvelles... Je crois que les grands expérimentateurs ont apparu avant les préceptes de l'expérimentation, de même que les grands orateurs ont précédé les traités de rhétorique ”. Ibid. p : 22.
4) Pour que l’expérimentateur puisse réaliser cette tâche précédente (la prédiction), il doit déterminer la ou les relations existantes entre les faits étudiés. “ Il s'agit de débrouiller un écheveau et, pour y réussir, (l’idéal est) de procéder par étapes. Chacune se caractérise essentiellement par l'établissement d'une relation entre deux ou plusieurs faits. Le réseau hiérarchisé de ses relations constitue le corps d'une science ”. Ibid. p : 72. 4) “ La recherche pédagogique englobe des démarches très diverses, allant de la simple relation d'une expérience vécue au contrôle rigoureux de certains hypothèses. ”. Ibid. p : 21
BERNARD (C.) FRAÏSSE (P.) LEON (A.)
5) La méthode scientifique se définit en terme d'aventure personnelle vécue par les savants-chercheurs : un domaine de ce qui est éprouvé : “ Je me suis délivré des règles en me jetant à travers champs. Ces règles doivent nous apparaître comme bien plus que l'usage littéraire d'aphorismes ou d'apophtegmes, mais expressément comme la généralisation réfléchie de l'enseignement tiré d'une aventure intellectuelle personnelle vécue. C'est, semble t-il cela seulement qui a toujours mérité le nom de méthode. ”. Ibid. p : 24. 5) “ L'expérimentateur doit décomposer un fait qui est combiné c'est à dire : qui est composer de plusieurs variables, et pour y parvenir il doit procéder par étapes. Le corps d'une science est déterminé par la hiérarchie dont témoigne un ou plusieurs faits ”. Ibid. 5) “ La recherche en matière d'éducation a pour objet essentiel le processus pédagogique, qui est étudié dans ses différents stades, allant des objectifs et systèmes définis par la société et les caractéristiques des élèves et des étudiants à l'évaluation des résultats en passant par la situation enseignement / apprentissage ”.
Ibid. p : 22.
BERNARD (C.)
FRAÏSSE (P.) LEON (A.)
6) La méthode expérimentale est d'abord une démarche qui comporte obligatoirement trois phases :
a) l'observation
b) l'hypothèse
c) l'expérience
La démarche expérimentale comporte obligatoirement trois phases :
“ obs. ”
“ H.P. ” “ Ex ”.
L'observation et l'expérience sont les deux termes extrêmes du raisonnement expérimental. Elles donnent la connaissance des “ faits ” et s'inscrivent dans la tradition de l'empirisme, mais entre elles est jetée un pont, “l'hypothèse ”. Cette hypothèse n'est qu'une idée scientifique préconçue ou anticipée... Le raisonnement ne sert qu'à donner une forme à nos idées, de sorte que tout se ramène primitivement et finalement à une idée. C'est l'idée qui constitue le peint de départ ou primum movens de tout raisonnement scientifique ”
. Ibid. p : 26 à 27.
6) La méthode expérimentale est un mode de connaissance qui permet la cohérence d'un système de relations contrôlées par l'expérience : “ La méthode expérimentale est en réalité un mode de connaissance. Sa caractéristique essentielle et de tendre à la cohérence d'un système de relations contrôlées par l'expérience. Ce mode de connaissance se distingue essentiellement de celui de la philosophie qui se fonde sur l'évidence des propositions et des exigences de la pensée réflexive pour aboutir à un système de connaissances aussi cohérent que possible ”. Ibid. 6)La typique de la recherche :
Dans son essence la recherche est typée : elle se différencie par son orientation, son cadre, son objet et son support.
1) Sur son orientation :
“ La vraie recherche ne doit pas être orientée vers de simple conclusions, vers de simples compréhensions de tel ou de tel phénomènes pédagogique, mais vers les décisions, vers l'élaboration et la mise en oeuvre de certaines mesures qui visent à modifier un ou plusieurs éléments du système éducatif. Si la démarche expérimentale est mieux appropriée aux opérations de production des connaissances qu'aux nécessités de l'action, il n'en reste pas moins qu'un souci commun de rigueur et de contrôle qui anime ou devrait animer le praticien ou la technologie de l'éducation comme le théoricien ou le chercheur ”
. Ibid. p: 22 à 23.
2) Sur le cadre de référence :
“ Une démarche doit par essence se référer aux concepts et aux méthodes de tel discipline scientifique ou de tel champ disciplinaire.
A travers cette méthode on doit :
a) : Planifier :
Cette étape de la planification ou du macro-niveau, est une étape qui nous permet d'envisager la place de l'éducation dans la société, la structure et le fonctionnement pédagogique. Ainsi toutes les disciplines qui ont le fait éducatif comme objet peuvent être ici mises à contribution.
b) : La prise en compte du niveau d'enseignement ou de niveau intermédiaire :
Lors de toute situation d'apprentissage, on doit prendre en considération les acquis antérieurs de l'apprenant :
* Les programmes .
* Les méthodes.
Mais aussi on doit prendre en compte les interactions sociales dans la situation d'enseignement : le comportement du maître, ainsi que l'apprentissage aussi bien que le comportement des élevés.
c) : Le niveau d'apprentissage ou macro-niveau :
Lorsque la recherche pédagogique est centrée sur la connaissance des élèves ou sur les conditions et les processus d'acquisition, à ce niveau la recherche doit être en liaison intime avec :
* L'investigation psychologique
* Le degré d'implication.
C'est à dire : avec l'analyse de situation éducatives ainsi que l'étude des rapports que l'élève entame avec la discipline enseignée ”.
Ibid. p : 23.
3) Sur l'objet et le support de la recherche :
Une recherche en plus qu'elle est typée, elle est susceptible d'être classée. En effet, la taxonomie d'une recherche repose sur la distinction entre une qui est empirique et l'autre qui est documentaire.
La première, ne désigne pas la simple accumulation de faits, mais la démarche qui, par opposition à la confrontation d'opinion repose sur l'élaboration de faits recueillis ou construit par le chercheur lui-même. Elle est réalisée sur le terrain de la pratique éducative, elle prend la forme des observations plus ou moins systématiques. Quant à la seconde, (la documentaire), elle a pour but l'analyse de documents passés ou contemporains et ce en vue de reconstituer l'histoire d'un secteur de l'éducation, de comparer les systèmes scolaires ou de confronter les résultats de différents chercheurs concernant le même domaine de recherche pédagogique. Or cette opposition se dissout lorsque les recherches empiriques font une place plus ou moins importante à l'investigation documentaire, car ces mêmes recherches empiriques doivent se situer à différents niveaux par rapport aux nécessités de l'administration de la preuve. Dire qu'il y a administration de la preuve revient enfin de comte à penser sa classification ”.
4) : L'administration de la preuve et ses niveaux :
“ Les recherches empiriques se distinguent entre elles. Celles qui sont digne de ce nom doivent être pratiques : elles doivent offrir une grande possibilité à modifier la situation pédagogique ou les variables dépendantes., dites aussi des variables causes, dont on veut évaluer l'influence sur les variables dépendantes, dites aussi : variables effets. Par exemple, dans une observation de variables indépendantes : (méthode pédagogiques, la personnalité des adultes); le chercheur n’intervient pas, car ces variables, sont précédées par elles mêmes et pour elle mêmes. En général le chercheur est soumis à des expériences :
1) : L'expérience invoquée.
2) : L'expérience provoquée.
Les variables indépendantes : (l'âge, le sexe, le statut socio-économique des élèves et), sont des variables qui ne peuvent être modifiées par le chercheur; par contre, la manière dont elles sont constituées selon des groupes différents, peuvent varier et par là même faire l'objet d'une évaluation pour permettre au chercheur de comprendre l'influence de ces variables sur tel ou tel comportement scolaire. L’expérience provoquée, est une composante sur laquelle le chercheur peut agir, en vue de modifier certaines variables indépendantes, à savoir l'organisation de l'espace pédagogique, l'utilisation d'une technique moderne etc. Et ce en fonction des exigences de l'administration de la preuve. Les rapports entre la nature de la recherche et la pratique envisagée peuvent être conçues selon des modèles ou des stratégies différentes. Qu'en est-il donc de ces modèles ?
5) : Modèles et stratégies de la recherches.
Deux modèles auxquels correspondent deux stratégies de recherches doivent être mis en oeuvre ou pris en compte.
1) : Le modèle académique correspond à la recherche opérationnelle.
2) Le modèle de gestion correspond à la stratégie de la recherche intervention ou recherche-action.
On peut rajouter un troisième  : le modèle de diffusion. Il se rapproche du premier et qui s'en distingue. Celui-ci incarne le problème de la diffusion et de la vulgarisation des connaissances ou des savoirs scientifiques. On pourrait rapprocher la notion de recherche-action, ou recherche intervention de celle de la recherche opérationnelle ”
. LEON (A.), op, cit : p : 24 à 29.
A ces trois modèles sont associés trois stratégies éducatives :
Le modèle académique, nous renvoie à penser que la simple diffusion des résultats universitaires entre pairs suffisait de réaliser le progrès scientifique aussi bien que la production du changement au niveau du comportement des apprenants et des éducateurs. A ce modèle est lié la stratégie de “ l'expérience pilote ”. Elle consiste à rassembler des donnés pour ensuite tenter de les généraliser par décision de l'administration centrale en vue enfin de répandre les résultats obtenus. Dans quelques classes ou dans des établissements expérimentaux. Au modèle de gestion, qui répond aux préconceptions du développement et à la transformation progressive du milieu éducatif, peut correspondre la stratégie dite : “d'essais généralisé ” qui consiste à étendre progressivement, les changements introduits localement dans le système éducatif.
“ Au modèle opérationnel diffusionnel peut répondre une stratégie qu'on peut qualifier aussi bien de participation que de représentation des enseignants aux expériences pédagogiques à l'École et au milieu scientifique ”. Ibid. p : 25 à 26.
BERNARD (C.) FRAÏSSE (P.) LEON (A.)
7) “ L'observation et l'expérience sont les deux termes extrême du raisonnement expérimental. Observation et expérience donnent la connaissance des faits ”. Ibid. 7) Si en philosophie le raisonnement est donc régi par des lois de la pensée réflexive, alors il ne va pas de même dans la science là ou, il est contrôlé par des vérifications empiriques. C'est ainsi que Paul Fraïsse souligne : “ Le raisonnement en philosophie est dirigé par des lois de la pensée, tandis que dans le cas de la science, ce contrôle est assuré par des vérifications empiriques. Il reste vrai que la tâche de l'expérimentateur ne consiste pas seulement à enregistrer des faits ou mêmes des relations ”. Ibid. 7) Le modèle de la recherche pédagogique et le profil du chercheur : “ Le chercheur doit prendre en considération le sens de la recherche en science de l'éducation et en pédagogie, sans qui n'est rien d'autre que la maîtrise des différences qui animent :
a) : L'orientation scientifique ou méthodologique des publics.
b) : L'appartenance à des catégories socioprofessionnelles.
De ce fait, une grande diversité de profil doit l'animer pour qu'il puisse mieux discerner le sens de propositions. Ainsi et pour y parvenir quelques exigences peuvent lui être imposées. Il doit :
1) : Maîtriser le plan théorique, technique, et méthodologique de l'une des disciplines des sciences humaines.
2) : Il doit avoir une compétence pratique dans un secteur de l'action éducative.
Pour la réalisation et le développement de ces trois ordres, une formation préalable à la démarche expérimentale lui doit être acquise voire imposée pour l'étude et la compréhension d'un problème de psychopédagogie. Qu'en est-il donc de cette démarche? ” Ibid. p : 26 à 27.
BERNARD (C.) FRAÏSSE (P.) LEON (A.)
8) L'hypothèse constitue un pont entre observation et expérience. Elle est une idée scientifique préconçue anticipée : “C'est l'idée qui constitue le point de départ de tout raisonnement scientifique ”. Ibid, p: 27. 8) L'expérimentateur doit faire oeuvre de sa pensée : “ L'activité scientifique est aussi oeuvre de pensée et comme l'a montré Claude BERNARD, il faut moins parler de méthode que de raisonnement expérimental. Le fait est invoqué ou provoqué essentiellement comme vérification de l'hypothèse, forgée par l'expérimentateur ”. Ibid. 8) L'approche expérimentale d'un problème de psychopédagogie. “Cette approche est analogue à celle de la psychologie : elle repose sur une conception scientifique. Elle consiste à aller d'un fait plutôt brut à un fait plutôt élaboré en passant par la formation d'hypothèses ou de questions aussi précises que possible ”. Ibid, p : 28.
Pour renforcer son argumentation, Antoine. Léon se réfère à Paul Fraïsse qui souligne : “ La comparaison d'un fait d'observation et d'un autre fait constitue à proprement parler, l'expérience ”. Léon (A.), op. cit., p : 28. Voir aussi P. Fraïsse in : Manuel pratique de psychologie expérimentale P.U.F, 1956.
“ Qu'est-ce que la psychologie scientifique ? ”. A cette question, la réponse d'Antoine Léon est comme suit :
“ Elle est d'abord ce qu'elle n'est pas ” :
1) : Elle ne se réduit pas à la simple collecte des données bruts.
2) : Elle ne se ramène pas à la simple interprétation des faits bruts sou à la juxtaposition des faits et de leur interprétation.
3) Elle n'obéit pas à une logique des attributs qui pense les caractéristiques selon des propriétés immuables.
De plus de ce qu'elle n'est pas, A. Léon souligne ce qu'elle est réellement :
1) : Elle s'appuie sur une logique des relations qui remplace toute observation dans un réseau de détermination qui l'éclairent et la dépassent.
2) : Elle met une réaction individuelle (R) en rapport avec des facteurs qui tiennent à la personnalité du sujet ou à la situation dans laquelle il se trouve placé. (S) : la situation ; est “ tout comportement observable, qui est en fonction de la personnalité et de la situation ”.
Si la formule d'Antoine Léon est donc  : Rf(P.S), alors cette formule se traduit par : la réponse est en fonction de la personnalité et de la stimulation). Le schéma qui la représente est celui-ci  : SPR, qui se lit dans l'optique d'Antoine Léon : Une réaction est toujours en fonction de la personnalité et de la situation dans laquelle un sujet se trouve. Cette même personnalité occupe une place intermédiaire entre la situation et la réaction. Mais les caractéristiques d'une bonne hypothèse quant à des faits ne s'arrêtent pas à ces conditions psychologiques héritées de la psychologie scientifique de Paul Fraïsse. Antoine Léon y ajoute deux formules qui sont cette fois-ci pédagogiques :
a) F1aQ ou HaF2, qui se lit : une démarche consiste à aller des premier faits observés à de nouveaux faits en passant par la formulation des questions ou d'hypothèses.
b)...Fn-1aQn-1 ou bien Hn1aFnaQn ou bien HnaFn+1..., qui se lit : le fait est toujours le point de départ et le point d'arrivé d'un processus inachevé. On peut même lire cette formule autrement : A des faits inachevés correspondent des questions ou des hypothèses diverses et variées, qui donneront d'autres faits inconnus et incommensurables à popos desquels on pourrait se poser d'autres questions ou d'autres hypothèses qui, par la suite donneront lieu à d'autres faits indéterminés, et ainsi de suite... A ce propos, Antoine Léon se pose la question suivante : qu'est-ce qui fait l'originalité du chercheur ? La réponse qu'il en donne est : “ C'est au niveau de la formulation des questions et des hypothèses qu'interviennent l'imagination ou l'originalité du chercheur, son expérience personnelle ou professionnelle, sa culture théorique et son information méthodologique et technique ”. Antoine Léon, op cit, p : 29. “ C'est par un et non par une interprétation subjective ou arbitraire qu'il convient de répondre à la question posée ou de contrôler l'hypothèse. La psychologie scientifique – doit être – soucieuse de :
1) : La vérification.
2) : L'administration de la preuve, et que : l'application du modèle Rf(P.S), implique l'adoption d'une attitude déterministe ”. Ibid.
BERNARD (C.) FRAÏSSE (P.) LEON (A.)
9) Le raisonnement expérimental doit être embarrassant : il doit marquer une continuité avec le passé et les observations aussi bien qu'avec les faits et les idées. C'est ainsi que Claude Bernard souligne : “ Le savant complet est celui qui embarrasse à la fois la théorie et la pratique expérimentale.
1° : Il constate un fait; 2° à propos de ce fait, une idée naît dans son esprit; 3° en vue de cette idée, il raisonne, institue une expérience, en imagine et en réalise les conditions matérielles. 4° De cette expérience résultent de nouveaux phénomènes qu'il faut observer, et ainsi de suite. L'esprit du savant se trouve en quelque sorte toujours placé entre deux observations : l'une qui sert de point de départ au raisonnement, et l'autre qui lui sert de conclusion ”.
Ibid, p : 27 & 28.
9) L'observation est un moment de la recherche expérimentale. Cette recherche est d'abord une démarche qui comporte quatre phases :
1 : L'observation
2 : L'établissement des hypothèses
3: L'expérimentation;
4 : L'élaboration des résultats ”
. Ibid, p : 77.
9) Quelques formes de déterminisme en psychopédagogie :
Déterminisme signifie : “ Tenir compte de ce qui est essentiel : le principe de causalité. Ce principe signifie : considérer que des causes identiques ensembles complets, sont des conditions qui peuvent influencer un phénomène produisant toujours des effets identiques ”. La psychologie scientifique propose un modèle : Rf(P.S).
Les causes peuvent relever soit de la situation soit de l'environnement : des caractéristiques objectives du milieu avec lequel l'individu est en contact, soit encore de sa personnalité, c'est-à-dire de tout ce que l'individu apporte sur le plan biologique ou psychologique, est un fait éducatif. La personnalité se construit à travers les milieux qui structurent l'existence individuelle. Les comportements observés d'un individu ne doivent pas être ramenés à un déterminisme simple et univoque, même à un jeu de déterminisme complexe ”. Ibid.
BERNARD (C.) FRAÏSSE (P.) LEON (A.)
10) La logique de la découverte scientifique n'est rien d'autre qu'un rattachement de l'idée au fait découvert. La conséquence de cela se résume à la relation de connexion nécessaire qui existe entre les faits et les idées. C'est ainsi que Claude Bernard souligne : “ Je pense que c'est l'idée qui se rattache au fait découvert qui constitue en réalité la découverte ”. Ibid. p : 28. 10) “ Entre l'observation et l'expérience il n'y a aucune différence de nature, mais une différence de degré ”. Cette relation de connexion nécessaire, se traduit par la facticité des faits, qui sont pour l'observation (comme pour l'expérience) des réponses à une question, à une proposition. Les expériences pour-voir, sont des observations; alos que les observations pour promouvoir sont des expériences. Ibid.; p : 78. 10) Les étapes de la recherche :
Pour Antoine Léon et son équipe, ces étapes sont plus ou moins de trois sortes :
“ Elles sont essentielles :
1) La préparation du projet de la recherche documentaire.
2) L'élaboration des hypothèses.
3) La construction de la situation expérimentale ”. Ibid p : 89.
(A titre de remarque seulement, soulignons que la deuxième et la troisième étape sont exposées et analysées sous la direction d'Antoine Léon – ou du moins en sa participation – par deux autres auteurs : Cambon & FwinnyKamen, qui ont participé à ce travail d'équipe). Que pense t-ils donc des étapes de la recherche ?
Pour Antoine Léon, “ L'étape de la recherche est celle de la préparation du projet de la recherche documentaire ”. Ibid.
Pour entreprendre une recherche des conditions doivent (aux yuex d'Antoine LEON et de son équipe) être ensembles réunies :
I) : La motivation.
“ Le chercheur est – dans la plupart des cas – motivé par l'idée qui le travaillait depuis son second cycle universitaire. Travail qui donnera et qui se prolongera en thèse de troisième cycle ”. Ibid p :39.
II) Le passage de l'intention au projet.
“ En général, le chercheur peut être affecté par la diversité des cheminements antérieurs. Cependant, il lui est nécessaire de passer d'un projet vague et structuré qui implique les règles suivantes ”. Ibid.
BERNARD (C.) FRAÏSSE (P.) LEON (A.)
11) Le raisonnement expérimental reflète un pouvoir sur la nature. Il acquiert une puissance sur la nature, pour nous en rendre maître et possesseur. C'est ainsi que Claude Benad souligne : “ A l'aide de ces sciences expérimentales actives, l'homme devient un inventeur de phénomènes, un véritable contremaître de la création; et l'on ne saurait sous ce rapport, assigner de limites à la puissance qu'il peut acquérir sur la nature, par les progrès futurs des sciences expérimentales ”. Ibid. p : 28. 11) Dans les circonstances de l'observation, l'expérimentateur doit distinguer deux niveaux d'observations :
1) : L'observation occasionnelle.
2) : L'observation systématique. Ibid, p: 79.
11) Règles et démarches de la recherche :

1) “ Préparation du projet et élaboration du plan du travail.
C'est une étape qui suppose un intérêt réel pour le thème qu'on tente d'explorer. Cet intérêt peut se développer soit :
a) à partir de l'expérience vécue,
b) à partir de lectures : congrès, article etc.
c) à partir de prise de conscience d'une contradiction entre opinions courantes et faits observés.
d) à partir de contradictions assignées à l'éducation et aux réalités pédagogiques ”. Ibid. p : 40.
BERNARD (C.) FRAÏSSE (P.) LEON (A.)
12) “ Dans le raisonnement expérimental, l'hypothèse occupe une place prépondérante. Elle est une idée a priori qui est créée à partir d'un fait et à propos de lui. Elle (l'idée) se trouve dans le sentiment. A ce propos Claude Bernad souligne : “ Au départ il y a toujours une observation empirique, c'est-à-dire une observation faite sans aucune idée préconçue et dans le seul but de constater le fait sans chercher à le comprendre (...) on procède par l'anticipation de l'esprit, mais il faut d'abord avoir un fait. Tout est là : un fait ”. Ibid, pp : 28 & 29. 12) “ La difficulté de l'observation est due à l'incommensurabilité de la variable personnalité du sujet ”. Ibid, p: 80. 12) “ La motivation n'est pas la seule condition nécessaire pour la construction du projet de recherche. Toute recherche doit aboutir à une épreuve précise, suscité par une question précise. Ainsi, ce qui est général est global ne peut susciter une recherche à caractère empirique ou expérimental. D'autre part, c'est la manière dont elle est formulée qui détermine le domaine d'investigation. Le travail de recherche doit répondre à certaines exigences :
a) : La clarté.
b) : La précision.
c) : La communicabilité.
Le choix de la recherche doit répondre à d'autres exigences :
1) : La motivation réelle du chercheur.
2) : La compatibilité avec les engagements et les obligations professionnelles, intellectuelle et autres...
3) l: La délimitation du thème de la recherche.
4) : Le chercheur doit témoigner de qualités intellectuelles et personnelles ”. Ibid, p : 39 & 40.
BERNARD (C).) FRAÏSSE (P.) LEON (A.)
13) “ L'hypothèse fonde le raisonnement expérimental ainsi que la méthode expérimentale. Le triplet immuable : le sentiment, la raison, et l'expérience, forme le contenu de la méthode expérimentale. La méthode expérimentale s'appuie successivement sur les trois branches de ce triplet immuable : les entiments, la raison et l'expérience. Dans la recherche de la vérité, au moyen de cette méthode, le sentiment a toujours l'initiative, il engendre l'idée a priori : l'intuition ; la raison ou le raisonnement développe ensuite l'idée et déduit ses conséquences logiques. Mais le sentiment dot être éclairé par les lumières de la raison, la raison a son tour doit être guidée par l'expérience ”. Ibid, p : 29 & 30 13) “ La mesure des observations repose sur la prise en considération de situation à haute densité perceptive : sur une analyse objective du “toujours-déjà ”. Cette analyse objective de ce “ toujours-déjà ” consiste en la prise en compte du langage, car chaque énoncé présuppose une énonciation ”. Ibid, p : 81. 13) “ Le plan du travail et le rôle de la recherche documentaire :
C'est une phase de la recherche qui repose sur la réalisation d'un inventaire de différentes tâches.
Cette phase conduira par la suite à la rédaction du compte rendu de la recherche. L'inventaire permettra de réaliser “ un ordre hiérarchique ” pour aboutir à la taxonomie de différentes tâches et problématiques inventoriées. Cet ordre permettra ensuite d'établir un choix : une distinction entre les tâches qui exigent de grands effets d'analyses et de réflexions ou d'orientations théoriques, et des tâches secondaires qui représentent un aspect formel comme par exemple : la correction d'orthographe, la ponctuation etc. Ce plan de travail est nécessaire, car il trace une ligne directrice de la recherche. Il permet le choix d'ouvrages à lire et à consulter pour marquer la recherche documentaire ”. Ibid, p : 42 & 43.

III) La prise en compte de l'information spécialisée :
“ Elle est une étape de la recherche qui aide le chercheur à progresser dans sa méthodologie et dans sa technique de travail ou encore dans la mise au point d'un dispositif expérimental ou dans ce traitement des données ”.Ibid.

IV) L'interprétation des résultats d'une enquête ou d'une expérience:
“ Elle est une étape qui, en psychopédagogie, nécessite une confrontation avec les résultats d'autres chercheurs, se rapportant au même thème. Pour atteindre cet objectif, plusieurs démarches peuvent être suivies : les entretiens avec les spécialistes, les consultations des revues spécialisées, de fichiers de bibliothèques etc ”. Antoine LEON, op cit, p : 43 & 44.
BERNARD (C.) FRAÏSSE (P.) LEON (A.)
14) L'hypothèse et le sentiment vont de pairs en méthodologie expérimentale. Il sont liés par le poids de l'idée. Cette dernière, est l'ensemble d'intuition imagination et conviction intime distinguant le vrai d'avec le faux:. C'est ainsi que Claude Bernad souligne : “ L'idée, une fois émise, on peut seulement dire comment il faut la soumettre à des préceptes définis et à des règles logiques précises dont aucun expérimentateur ne saurait s'écarter ; mais son apparition a été toute spontanée, et sa nature est toute individuelle. C'est un sentiment particulier, un quid propriam qui constitue l'originalité, l'invention ou le génie de chacun ”. Ibid. 14) Dans l'observation l'expérimentateur-observateur doit s'effacer devant le sujet qu'il aperçoit. C’est ainsi que Paul Fraïsse souligne : “ Il doit voir sans être vu, et ce pour accomplir le principe de l'objectivité ”. Ibid, p: 82& 83. 14) Le rôle de la recherche documentaire :
La recherche documentaire est d'abord nécessaire pour tout travail de recherche expérimentale ou empirique. La recherche documentaire est une phase de la recherche qui comporte d'autres étapes :
“ 1) La collecte d'information orales, écrite, ou iconographique quant à l'objet d'étude de la recherche.
2) L'organisation d'une phase systématique de lecture et prise de notes.
3) L'élaboration d'une synthèse représentant l'essentiel de la recherche.
Dans cette ordre, une question s'impose : comment se constitue une documentation à la fois si riche et pertinente d'une recherche ?
Réponse : seul le chercheur qui peut la mettre en forme à partir d'étapes suivantes :
* La délimitation du champs de la recherche et ce à partir d'une élaboration d'une problématique de la recherche pour situer – par là même – le thème étudié par rapport aux grandes orientations de la discipline et dans un large réseau de relations disciplinaires.
* La formulation des hypothèses quant à une recherche documentaire doit tenir compte d'autres suggestions fournies par les conclusions de certains comptes rendus : d'autres points de vue ”., LEON (A.), op cit.
BERNARD (C.) FRAÏSSE (P.) LEON (A.)
15) L'idée de hypothèse du raisonnement expérimental, n'est pas un sentiment spontané (Kant), mais un sentiment particulier. Elle est une exception successible d'être cultivée et surtout lorsqu'elle n'est pas analogue aux opinions admises (sens commun). C'est ainsi que Claude Bernard souligne : “ La raison ou le raisonnement ne servent qu'à déduire les conséquences de cette idée et à les soumettre à l'expérience (...) Il n'y a pas de règles à donner pour faire naître dans le cerveau, à propos d'une observation donnée, une idée juste et féconde qui soit pour l'expérimentateur une sorte d'anticipation intuitive de l'esprit vers une recherche heureuse (...), le matérialisme tue l'art et la poésie, le sentiment. Il faut deux choses, la science et l'art, la raison et le sentiment. (...) “Tout est sentiment. Qu'est-ce qui nous dit qu'un raisonnement est juste ? (C’est) Le sentiment. (...) L'essentiel est de sentir juste et non pas de raisonner juste. Les fous raisonnent juste mais sentent ou pensent faux (...) L'expérience sentimentale est un fait au même titre que l'expérience sensorielle ”. Ibid pp: 30 & 31. 15) L'expérimentateur-observateur “ observe des situations selon ses attitudes ”. Il a lui aussi un oeil avec lequel il juge, observe et met en forme des situations perceptibles. “ Il est conscient des enjeux de l'ouverture. L'expérimentateur-observateur prend parfois – sinon dans la plupart des cas – du recul quant à une observation continue, fortuite des variables personnalités des sujets ”. (Cela ressort des écrits de Paul Fraïsse,op cit, p : 84 & 85). 15) Nous allons désormais procéder à un résumé de deux articles de cet ouvrage collectif qui s'intitule : Manuel de psychopédagogie expérimentale, op cit. Les deux articles sont rédigés par J. Cambon et F. WinnyKamen.
Le premier article dont nous fournirons le résumé et l'analyse tourne autour du sens de l'hypothèse ; quant au second, il traite de la constitution de la situation expérimentale. L'élaboration des hypothèses :

1) Délimitation du problème :
L'élaboration d'une hypothèse doit d'abord inclure nécessairement :
“ La prise en compte des faits entre lesquels on présente l'existence d'une relation hypothétique. Ces faits on les nomes : faits ou variables ”. LEON (A.) p : 56 & 57.
Dans le choix des hypothèses, deux phases sont mêlées :
“ La préparation du sujet et la formulation de l'hypothèse ”; le temps de la préparation du projet, et aussi celui de la gestion des hypothèses ”. Ibid.

2) Définition de l'hypothèse :
L'hypothèse est une relation supposée entre deux faits. Deux nivaux doivent y être distingués :
a) Le sens commun.
b) Le domaine de recherche.
Pour le premier, la relation hypothétique n'est pas nécessaire, car quand on parle dans le langage ordinaire ou courant, la supposition d'un fait surgit pour élaborer une hypothèse.
Or pour le second, on suppose que la relation n'est pas encore déterminée – du moins suffisamment – et c'est la raison pour laquelle on parle de recherche. C'est l'une des raisons qui laisse aussi (dit Antoine LEON) Paul Fraïsse souligner : “Il n'y a hypothèse qu'à partir du moment où l'on explique une relation entre des faits observables ”. (Voir Paul Fraïsse, Tome I, op cit, p : 50 Edition P.U.F, 1970).
Dans le domaine des sciences de l'éducation, l'hypothèse repose sur un fait qui, trouve son sens à partir du constat d'Antoine LEON. Ce dernier souligne : “La formulation (d'une expression ou d'un fait) est la mise à l'épreuve des faits et des hypothèses qui portent sur l'existence d'une relation, sans aller au moins dans une première démarche jusqu'à l'explication de cette relation ”. L'hypothèse, repose aussi sur l'explication.. Cette dernière porte sur la nature du processus qui sous-tend la relation. Une hypothèse peut porter sur l'existence d'une relation qu'il s'agira alors de la description d'un ensemble de faits et non pas de son explication ”. Ibid, p : 56 & 57.
BERNARD (C.) FRAÏSSE (P.) LEON (A.)

16) Toute hypothèse présuppose l'existence d'un fait comme tout énoncé qui présuppose une énonciation : une manière de voir, une chrono-thèse du sens. Ceci est une expérience nécessaire. C'est ainsi que Claude Bernard souligne : “ Il est impossible de former une hypothèse quelconque qui appelle la vérification expérimentale, si préalablement on n'a pas un fait qui serve de base à cette hypothèse. Si un physiologiste, par exemple, est en face d'un sujet sur lequel il n'a aucun renseignement, il lui sera impossible d'avoir un point de départ rationnel pour concevoir une hypothèse probable. Alors ce physiologiste fera une première expérience, en quelque sorte à tout hasard (expérience pour voir), afin que le résultat obtenu, quel qu'il soit, donne à son esprit un premier jalon pour établir l'hypothèse qui appellera à sa vérification de nouvelles expériences, et ainsi de suite. On est malheureusement très souvent obligé d'agir ainsi en physiologie et il vaut toujours mieux procéder de cette manière (qui appartient aux sciences au début) que de ne rien faire. Et les découvertes sont toujours utiles de quelque manières qu'elles aient été faites ”. Ibid.p : 32.

16) “ L'auto -observation.
Elle est une technique que l'expérimentateur-observateur prépare suite à un questionnaire que celui-ci fourni à son auditoire : l'observateur. Le questionnaire peut être soit sous forme écrite ou orale. De l'une à l'autre, le but est le même: savoir ce qui se passe dans la tête du sujet : comment apprend-il ? Comment appréhende t-il les faits ? Ll'auto-observation doit fournir une réponse à interpréter ”. Ibid, p : 84 & 85.

16) Pour compléter sa définition de l'hypothèse, l'auteur continu à nous décrire ce qu'elle n'est pas.

3) Ce que l'hypothèse n'est pas :
Dans le domaine de l'éducation et en particulier de la psychopédagogie, l'hypothèse connaît des limitations :

a) la généralité :
L'hypothèse ne peut pas être une proposition trop générale. Elle peut l'être mais à condition de distinguer généralité discursive de la généralité fortuite.

b) La subjectivité :
Une hypothèse n'est pas une conviction intime qu'il faut à tout prix chercher à tenir pour véridique et à défendre, car un point de vue personnel n'est pas toujours établi et expliqué par l'expérience. Il ne faut donc pas chercher dans les faits uniquement ceux qui peuvent servir à étayer une opinion ou une position enthousiaste. Une telle démarche est piégée : elle ne peut que refléter un point de vue arbitraire. Ainsi et comme le souligne Clausse (A.) : “ Une hypothèse est simplement un essai, un moyen basé sur un ensemble d'information pour sortir d'une situation... et elle doit être prouvée ou informée, et non un point de vu qu'il faut étayer coûte que coûte”. Clausse A : Initiation aux sciences de l'éducation, Paris, Colin et Bourrelier, 1967, p : 3.

c) La taxonomie :
Il existe des nivaux dans l'hypothèse, car les hypothèses elles-mêmes se différencient. (Voir les différents types d'hypothèses dans le chapitre IV de l'ouvrage d'Antoine LEON, et dont le résumé va bientôt être présenté dans le chapitre qui va suivre). Avant de définir ces nivaux, l'auteur (Léon A.), pose la question suivante : Qu'en est-il de la problématique d'où découle le choix des hypothèses ?
4) Problématique de la recherche et choix des hypothèses:
Comment une idée de la recherche vient - elle au chercheur ?
Comment favoriser la recherche ou la formulation des hypothèses ?
Comment traduit-on une idée de recherche en hypothèse vérifiable?
“ Ces deux questions concernent directement les sources de l'hypothèse ”. En effet, le chercheur à qui on demande comment il trouve ses idées, est souvent incapable de fournir une réponse univoque. Pour comprendre la provenance des hypothèses (le lieu de la provenance), l'auteur (Antoine LEON) cite à nouveau Paul Fraïsse :
“ A l'élaboration des hypothèses on peut appliquer toutes les systématiques imaginées d'ordinaire à propos de l'invention oeuvre d'intuition, mais aussi de tâtonnements multiples. Chaque découverte, petite ou grande a son histoire particulière. L'invention est oeuvre d'imagination, mais l'imagination serait importante si elle ne s'appuyait pas sur une excellente culture scientifique... Seule cette culture permet d'apercevoir les rapprochements féconds et d'éviter de refaire des chemins parcourus ”. (Citation in : Traité de psychologie expérimentale T I par : J. Piaget, et P. Fraïsse p : 86 et suiv.; reprise par A. Léon, Ibid. p : 59).

5) Quelques erreurs à éviter :
Les erreurs à éviter sont de deux sortes. Elles évitent la confusion de pensée qui risque de stériliser une recherche dès son début : elle doit éviter :

* L'accumulation des faits bruts.
“ C'est une étape qui ne constitue pas une recherche, elle n'est pas en tant que telle génératrice d'hypothèse. Un très grand nombre d'observation de classe ne signifie rien si on n'a pas au préalable une idée de ce que l'on cherche, car ces observations peuvent se révéler inutilisables si on ne prend pas en compte la vérification de l'hypothèse. Ainsi, les observations systématiques nécessaires à la recherche doivent être collectées après que le problème a été bien défini. Donc on peut dire que : les hypothèses ne se déduisent pas d'un amas de faits inorganisés, mais de connaissances organisées sur les faits ”. Antoine LEON, op cit. p : 59 & 60.

* Positions théoriques et lois démontrées.
Parmi les erreurs qu'il faut éviter, celle de ne pas comprendre la position théorique qui peut être une idée générale très répandue de la loi démontrée. Il faut dissocier deux notions : expérience et efficacité, car des idées vécues peuvent être efficaces, mais non durables. Si l'expérience et l'efficacité sont effectivement en relation, alors le chercheur doit chercher à définir ce type de relation. Cette relation doit être déterminée en terme de passage du statut folKlorique d'une théorie à son statut scientifique. C'est ainsi – dit Antoine LEON – que TRAVERS souligne : “ Ce qui est communément appelé une théorie inductive serait plus fortement décrit comme folKlore que comme science. Ce que le chercheur en éducation doit se donner comme objectif c'est le passage du statut folKlorique au statut scientifique ”. TRAVERS (R.), An introduction to educationel Reserch New YorK McMillan Company 1964; p :15).Voir citation d'Antoine LEON Ibid. p : 60.

6) Postulat de mécanisme :
Il sont appelés aussi : constructions hypothétiques. Ce sont des mécanismes sous-jasants, non observables directement. Ils pourraient rendre compte de comportement observé. Ils ne doivent pas être considérés comme réalités de même niveau que les faits.
BERNARD (C.) FRAÏSSE (P.) LEON (A.)
17) L'hypothèse fournie par un sujet pensant, émerge d'une action hasardeuse, car un sujet plus il se perd plus il se retrouve. Cette action est en soi une expérience pour-voir. C'est ainsi que Claude Bernard souligne : “ Le point de départ d'une expérimentation qui promet d'aboutir à une découverte scientifique n'est pas n'importe quel fait fourni par l'observation. Il faut que ce soit un phénomène imprévu, c'est à dire un fait qui ne rentre pas dans les idées admises.(...) Toutes les découvertes partent nécessairement d'un fait nouveau observé et dont on poursuit la signification(...). L'origine d'un travail original est toujours la poursuite d'un fait qui ne rentre pas dans les idées admises...Ainsi on ne poursuit jamais une idée sans un fait, mais on poursuit un fait d'après une idée ”. Ibid. p : 32 17) L'établissement des hypothèses, une phase de la recherche :
“ Elle est plus importante. Du fait qu'elle est oeuvre de la pensée, elle est par là-même, un argument qui fonde la structure du réel : elle représente un poids de l'imagination créatrice au sens où elle aide le chercheur à imaginer la ou les relations existantes entre deux ou plusieurs faits ”. P. Fraïsse, op cit, p : 86.
17) Les sources d'idées de la recherche :
“ La principale source de l'idée ou des idées de la recherche repose sur l'hypothèse à mettre à l'épreuve, cette même hypothèse, elle est l'étude de la littérature publiée dans le domaine considéré ”. A Léon, op cit p :64.
A la question du, pourquoi ? L'auteur répond :
“ 1) Parce que dans la littérature concernée, on peut étudier une méthode. Ce qui signifie qu'à partir d'un travail déjà acquis, le chercheur s'en inspire pour construire une méthode de travail. Cette transposition aussi bien de méthodologie que de problème, peut aider le chercheur à mettre au point des hypothèses vérifiables.

2) Dans la littérature concernée, on peut analyser un ou des problèmes. Il est des chercheurs – dans des recherches voisines – n'aboutissent pas aux mêmes conclusions. Ainsi, la confrontation de leur travaux peut donner lieu à la naissance d'hypothèses
. A. Léon, op cit, p : 65.

3) dans la littérature concernée, on peut découvrir l'actualisation de travaux. Cette découverte peut aussi aider le chercheur à formuler des hypothèses. Cette actualisation lui fournie un conseil : celui de la découverte de solutions aux problèmes en cours dont les chercheurs précédents ont été – pour diverses raisons – incapables de fournir des réponses précises ou de formuler des hypothèses intéressantes, claires et rigoureuses.

4)Dans la littérature concernée, les suggestions des auteurs peuvent aider à formuler des hypothèses :
Cette consultation des auteurs peut aider à la formulation d'hypothèses. Il est rare qu'un chercheur qui communique les résultats d'une expérience ne termine pas sa publication par une discussion dans laquelle il souligne un certain nombre de points sur lesquels des recherches ultérieures seraient nécessaires. La valeur d'une recherche s'estime au moins autant par la qualité des questions qu'elle soulève que par celles qu'elle résout. Un chercheur débutant a tout intérêt à s'inscrire dans un courant de recherche, en commençant par un de ces points précis sur lesquels il peut être guidé par la publication concernée. Naturellement, il faut là aussi suffisamment de connaissance pour savoir distinguer la voie fructueuse de l'impasse ”
. Antoine Léon, op cit p : 67.
BERNARD (C.) FRAÏSSE (P.) LEON (A.)
18) Puisque dans le domaine des sciences physiologiques les imprévus multiplient les imprévus, alors l'expérimentation doit partir d'un phénomène imprévu. C'est ainsi que Claude Bernard pense que l'expérimentation est celle
“ D'un fait qui ne rentre pas dans les idées admises ”. Pour instituer une véritable expérience, il faut avoir une hypothèse, une idée directrice. Cependant, il ne faut pas s'attacher a elle. L'hypothèse est le désir du fait, et il importe de ne pas la confondre avec le fait. L'idée préconçue importe de ne pas la confondre avec le fait. L'idée préconçue est bénéfique voir indispensable, à condition qu'elle ne soit pas une idée fixe. (…) L'hypothèse est un instrument dont il faut se servir pour arriver à la découverte de la vérité mais auquel il ne faut pas tenir. Il faut chercher à renverser les hypothèses, c'est à dire leur trouver la contre épreuve ”.Ibid, p : 32 & 33.
18) L'induction lors de la formation de l'hypothèse :
Elle est née de l'observation des faits. Puisqu'il existe une relation entre les faits observables, alors cela signifie aussi que ces mêmes effets sont animés par l'existence d'une liaison logique reconnue dans les choses ou dans les faits. Par conséquent l'expérimentateur observateur doit aux yeux de FRAÏSSE : “ Supposer l'existence d'une relation entre les faits tel que la présence ou la modification, de l'un entraînera la présence ou la modification de l'autre en l'expliquant d'avantage ”.Ibid. p : 86.
18) Les sources d'hypothèses qui découlent des précédentes sont les suivantes : “La confrontation des connaissances et des expériences de plusieurs, la mise en commun des constatations, des progrès et des erreurs, est des plus fructueuses ”. LEON (A.), op cit p : 67.
Cela signifie ici que les hypothèses peuvent naître d'une rencontre où “ La coopération intra autant qu'interdisciplinaire pour toute recherche demeure évidente pour la mise en forme de nouvelles hypothèses lors de toute recherche. Le travail de groupe peut – à en croire A. Léon – enrichir les participants, car ceux-ci peuvent s'inspirer des compétences des autres. Mais le groupe ne peut exister qu'à partir de quelques conditions réunies :
* Compétences dans des différents domaines.
* Esprit de dialogue et de rencontre doit animer plusieurs membres du groupe.
* L'esprit d'ouverture sur des problèmes valables...
Ces conditions expliquent bien que l'hypothèse est à la fois un problème et un domaine ”. Ibid.
BERNARD (C.) FRAÏSSE (P.) LEON (A.)
19) L'hypothèse est une épreuve. Elle nous aide à lutter conte, la contre épreuve. C'est ainsi que Claude Bernard souligne : “ Le sentiment crée mais il ne vérifie pas. Il engendre les idées, les hypothèses; il ne suffit pas à l'établissement d'une théorie scientifique (...) Les théories sont des hypothèses sanctionnées à l'aide de l'expérience. Cette sanction se fait par la raison qui constate l'accord entre les déductions hypothétiques et les faits observés lors de l'expérimentation. A ce principe de vérification, on peut donner le nom de "critérium expérimental". ” (Cf : Ibid. Page 33). 19) L'hypothèse déduite :
“ Elle est un moment de la pensée qui use des relations déjà connues entre les faits ainsi que les théories qui les généralisent. La déduction présuppose un corps de connaissance déjà élaboré duquel l'esprit doit désormais s'inspirer. Les hypothèses déduites sont en générales des méthodes dites : hypothético-déductives ”. Ibid.; p : 87
19) L'hypothèse est un problème et un domaine :
“ N'importe quel hypothèse – peut importe sa source – est toujours relative à un problème bien déterminé. Par conséquent, ce problème doit faire l'objet d'une réflexion et d'une recherche rigoureuse de la part du chercheur. Pour que celui-ci puisse y parvenir, il doit éviter de traiter des problèmes vastes : il est préférable de combler les problèmes, car un problème vaste ne donnera jamais lieu à des hypothèses précises : à une démonstration valable et précise. Mais cela ne veut pas dire : rompre avec des problèmes généraux, au contraire, un problème particulier est une liaison avec un domaine plus large d'études auquel il se rattache et qu'il faut prendre en considération ”. Antoine LEON, op cit, p : 69.
Pour renforcer son argumentation, l'auteur se réfère à Paul Fraïsse, dont il cite la référence quant au sens qu'il attribut aux hypothèses induites. C'est ainsi qu'Antoine LEON rapporte et transpose Paul Fraïsse en disant :
“ Les hypothèses induites naissent de l'observation des faits (...), l'hypothèse se présente alors comme une réponse possible à la question que c'était posé le chercheur, et consiste à poser l'existence d'une relation entre les faits telle que la présence ou la modification entraîne la présence ou la modification de l'autre et l'explique en quelque sorte ”. (Voir, P. Fraïsse : Traité de Psychologie Expérimentale T I Edit. P.U.F p : 86. Citation reprise par A. LEON, op cit. p : 70).
“ La vérification d'une hypothèse induite peut être réalisée à partir d'observations planifiées, des interactions maîtres-élèves dans la classe. C'est en tout cas ce que certains auteurs comme Kester. S et LETCHWORTH.G, ont présenté ”. (Antoine LEON, op cit, p : 70).

* De la théorie à l'hypothèse :
L'auteur fait ici référence à Maurice Reuchlin. Nous traiterons des idées de ce dernier dans le chapitre qui va suivre, qui sera consacré à la vulgarisation scientifique de la méthode expérimentale et du sens des processus supérieurs de la personnalité. Restant pour l'heure dans l'optique d'Antoine LEON.
Pour lui – et par référence à M. Reuchlin – “ Une théorie ne pourra mener à la déduction d'une hypothèse que si elle est clairement explicitée : qu'on devra énoncer tous les présupposés ou postulats qui en découlent ”. (Cf: Maurice Reuchlin, Naissance de la psychologie appliquée, in Traité de psychologie appliquée TI, Application de la Psychologie, Paris P.U.F. 1971, sans page ; citation reprise par Antoine LEON, op cit, p : 70).
Qu'est-ce qui est confronté au fait ? Cette question trouve sa réponse chez Antoine LEON lorsque celui-ci souligne :
“ C'est l'hypothèse déduite d'une théorie explicitée – quant à ses présupposées – qui est confrontée aux faits dans la situation expérimentale(...), c'est l'hypothèse, qui valide la théorie. ”. Antoine LEON, op, cit p : 71.
BERNARD (C.) FRAÏSSE (P.) LEON (A.)
20) L'idée hypothétique doit cultiver l'exception de ce qui est en désaccord avec les conséquences logiques d'une théorie : “ Si une idée se présente à nous, nous ne devons pas la repousser par cela seul qu'elle n'est pas d'accord avec les conséquences logiques d'une théorie ”. (Claude Bernad cité par GrmeK Micro Drazen, op, cit). 20) Les critères d'une bonne hypothèse. Parmi ces critères on peut mentionner:
a) “ que l'hypothèse doit répondre d'une manière concise et précise à la question posée.

b) qu'elle doit être exhaustive: prendre en considération les connaissances acquises quant à la question qu'elle tente de traiter”. C'est-à-dire se fier au processus hégélien de l'inspiration. De ce point de vue, “ la bonne hypothèse doit être uniquement vraisemblable, qu'elle ne doit en aucun cas contredire les résultats scientifiques acquises ”. Ibid, p : 87 et 88.
20) Hypothèse et théorie.
L'hypothèse directe et l’hypothèse indirecte:
N'importe quelle hypothèse que le chercheur cherche à tester se rattache par essence à une théorie qui, peut être plus au moins générale.

1) En psychopédagogie la distinction entre théorie et position théorique est évidente :

“ On devrait que plutôt de théorie, parler de position théorique : de position générale, de point de vue admis avant démonstration ”. Ces questions théoriques sont aux yeux de l'auteur “ des vues cohérentes sur un problème plutôt que de réelles théories ”. Antoine LEON, op cit, p: 69.

2) Les cadres théoriques existent toujours dans une recherche:
L'auteur n'en dit pas grand chose ici. Il souligne simplement que : “ Par ailleurs, de véritables cadres théoriques existent sur lesquels se fondent beaucoup de recherches, et nous y reviendrons plus en détail ci -après ”. Antoine LEON, op cit, p : 70.

3) Les hypothèses doivent être déduites du niveau théorique du départ:
“ Si au contraire d'une telle déduction, les hypothèses sont posées comme généralisation à tout un ordre de faits, d'une relation observée, de façon respectée entre deux faits, on parlera alors d'hypothèses induites ”.Ibid.
CLAUDE BERNARD FRAÏSSE (P.) ANTOINE LEON
21) L'ouverture du chercheur sur les idées hypothétiques et sur le déjà-là d'un fait, lui permet de se rendre compte de la fausseté des théories proprement scientifiques. C'est ainsi que Claude Benard souligne : “ La seule chose dont nous soyons certains, c'est que toutes ces théories sont fausses absolument parlant (...) Toutes les opinions que nous avons sont nécessairement fausses. Ce ne sont tout au plus que des vérités provisoires. Car la vérité absolue suppose tout connu. On ne peut connaître la partie que par la connaissance du tout ”. Ibid, p : 34. 21) Toute bonne hypothèse digne de ce nom doit être vérifiable. Elle doit en résulter quelques conséquences :
1) être opérationnelle :
“ Une hypothèse pour qu'elle soit si opérationnelle, elle doit se répéter,
et par là même répéter les expériences et les vérifications. Dans ce processus de vérification, elle doit s'occuper des relations existantes entre les situations particulières et ce en procédant par des vérifications aussi bien directes qu'indirectes.

2) Etre apte à vérifier directement et indirectement :
La vérification directe surgit de l'observation directe. Or quand il s'agit de la présence d'une variable intermédiaire entre le stimulus et la réponse, la vérification présuppose l'ouverture et la vérification indirecte. Le cas échéant, en ait celui des actions régies par des motivations intrinsèques des caractères généraux d'une conduite, ou par des traits spécifiques de la personnalité.

3) Admettre la partialité:
Toute hypothèse est toujours partielle: elle est susceptible d'être renversée. D'autant plus qu'elle peut être faillible à l'erreur. Dire qu'il faut admettre la partialité, signifie dans les faits, le respect d'autres points de vue qui sont conséquents : en mesure de comprendre à la fois la variable dépendante et indépendante. L'expérimentation consiste en la manipulation de deux variables : dépendantes et indépendantes. Dans ce processus de manipulation, c'est le travail de la main qui est pris en considération, car il (le travail de la main), contribue à la variation d'une donnée et fait par là-même varier les observations quant à une conduite. Lors de ce processus où l'on s'astreint à faire varier les données d'une conduite; l'expérimentateur manipule un facteur qui est dit : variable indépendante ; par contre le facteur qu'il modifie – à travers ce processus méthodologique – est dit : variable dépendante ”. P. Fraïsse, op cit. p : 90).
21) Les différents types d'hypothèses:
Quatre remarques doivent être soulignées :
1) “ C'est de la nature du problème posé, de la recherche projetée, que dépendent aussi bien la nature et la forme de l'hypothèse.

2) Lorsque la recherche est souvent moins directement expérimentale, elle doit tendre à être tout aussi rigoureuse.

3) En plus de la rigueur, les moyens dont dispose le chercheur sur le plan des connaissances déjà acquises et sur celui des possibilités expérimentales doivent lui permettre de déterminer ses limites.

4) C'est la diversité des problèmes qui impose la diversité des modalités méthodologiques car, à chaque problème convient plus particulièrement une modalité méthodologique ”. Antoine LEON, op cit p : 72.
BERNARD (C.) FRAÏSSE (P.) LEON (A.)
22) Le raisonnement expérimental est un raisonnement fondé sur le sacrifice.

L'expérimentateur sacrifie autant de théories pour avancer : des théories valables à un moment donné sont sacrifiées au service d'autres théories qui raisonnent mieux ou qui ont des effets marquants dans le monde sensible. L'aventure de l'expérimentateur dans le risque gratuit à mettre sa vie en danger, est aussi l'une des formes du sacrifice savant. C'est ainsi que Claude Bernard souligne :
“ Les théories acceptées à un moment donné ne sèvrent qu'à être renversées. Dans les sciences expérimentales les vérités n'étant que relatives, la science ne peut avancer que par révolution et par absorption des vérités anciennes dans une forme scientifique nouvelle (...) jamais un expérimentateur ne survit ; il est toujours au niveau du progrès. Il sacrifie autant de théories qu'il faut pour avancer, comme ce général qui a des chevaux tués sous lui, mais qui avance (...). D'ailleurs une théorie qui est changée meurt au champs d'honneur ; elle a sollicité des faits nouveaux qui l'ont tués mais qui ont fait avancer la science (...). La science est fondée sur des éléments immuables : les principes et les faits. Les principes sont des vérités absolues dont nous avons en quelques sortes conscience parce quelles expriment des rapports ou des relations que l'esprit ne saurait concevoir autrement ”. (Ibid, p : 34 & 35).
22) Expérience invoquée et expérience provoquée.



C'est une terminologie qui a été déjà employée par Claude Bernard. Reprise par Paul Fraïsse, elle intéresse la psychologie expérimentale vue son utilité. C'est ainsi que Paul Fraïsse pense que “ L'expérience provoquée est la plus fréquente et la plus classique. Ainsi, lorsque le chercheur agit sur la variable indépendante et observe les résultats uniquement, l'expérience est provoquée. Mais lorsqu'il manipule une variable indépendante, sans qu'il intervienne par ses observations et ses actes, l'expérience est dites uniquement invoquée. L'expérience peut être à la fois invoquée quant à une variable et provoquée quant à une autre ”. Paul Fraïsse TI, op cit, p : 90.
22) Les hypothèses dans la recherche descriptive.



“ En général ce sont des recherches qui mettent en évidence une relation entre des faits, sans aller jusqu'à l'explication de la nature de cette relation ”.
Ces recherches peuvent se regrouper en deux niveaux :
“ 1) sous formes d'enquête: que le chercheur décrit l'état d'une situation dans le domaine considéré (...), des hypothèses peuvent cette fois-ci intervenir, non sur la situation, mais sur la modification de la nature, de la variété de la durée que représente cette situation avec l'âge, le sexe ou l'origine sociale de l'enquête.
2) sous forme d'analyse approfondie de certains états de faits. Il s'agit d'agir sur des faits sans modifier d'autres. Pour y parvenir, il faut une mise en scène d'une méthodologie plus élaborée qui permettra au chercheur – par la suite – de généraliser ses résultats sur certaines recherches ”. Antoine LEON, op cit p : 73 & 74.

Les résultats expérimentales à statut explicatif :
“ La recherche expérimentale donne l'occasion à la naissance d'hypothèses explicatives. Cette recherche expérimentale a pour objectif de mettre en évidence les relations de causes à effets en exposant un ou plusieurs groupes expérimentaux à une ou plusieurs conditions expérimentales et ce en comparant leur résultats à un ou plusieurs contrôles qui n'ont pas subi les conditions expérimentales ”. (Citation de COSTE P et LEBOUTET C, in Une expérience d'enseignement programmé dans une classe de lycée. Bulletin du CERP; 1965 n°: 8 page 1 à 17). (Citation reprise par Antoine LEON, op cit, p: 80 & 81).
A partir de cette citation, Antoine LEON cherche à déduire trois statuts de l'hypothèse :
“ 1) Hypothèse et degré de généralité d'une théorie.
2) Degré de précision de la prédiction hypothétique.
3) L'hypothèse et mise en oeuvre expérimentale ”. Antoine LEON, Ibid, p : 80, 81, et 82.
FRAÏSSE (P.) REUCHLIN (M.) LEON (A.)
23) La variation de la situation..
“ Une stimulation d'un sujet quelconque varie selon deux variables ”. Nous avons relevé ces variables ainsi que leurs sens à partir de ce qu'en pense l'auteur à différents endroits de ses écrits.

1) l'environnement.
2) la tâche.

La tâche est définie par le matériel sur lequel le sujet doit agir en fonction des consignes-but ; quant à l'environnement, il comprend deux aspects:
A) l'environnement physique;
B) l'environnement social.
Pour le premier (l'environnement physique), il est à la fois sensoriel et spatio-temporel. Il est considéré comme le cadre dans lequel le sujet est appelé à exécuter une tâche. Le contrôle de ces variables temporelles et sensorielles, est important, car elles peuvent avoir une influence directe ou indirecte sur les conduites du sujet. Quand les conditions de l'environnement interfèrent avec les stimulations propres à la tâche, l'influence est directe. Mais lorsque l'environnement, ne modifie pas les conditions du contrôle du sujet et ne fait qu'agir sur le sujet lui-même en modifiant ses motivations et ses sentiments vis à vis de la tâche ambiante, dans ce cas et dans ce cas seulement, l'influence est dite indirecte.
Qu'en est-il maintenant du second aspect : l'environnement social ?
Dans un environnement la présence de l'expérimentateur de sa personnalité est une variable importante de la situation. A travers sa manière de voir, l'expérimentateur-observateur ne fait que varier la nature de l'environnement. Ainsi, la vraie influence sur l'environnement dépend de la tâche et parfois de la personnalité du sujet.

Sur la tâche :
Elle se définit par les degrés d'implications du sujet dans le fait.

Sur la personnalité:
Elle se détermine par la consigne qui permet à l'expérimentateur de déterminer la situation telle qu'il a lui-même décidé de la définir. Cette consigne fixe sa motivation, et son importance qu'il attache aux succès et aux échecs d'une théorie ou d'une pratique expérimentale. Cette consigne connaît des variations aussi bien quantitatives que qualitatives. Ces variables peuvent être mentionnées au niveau de l'acte de créer, de l'acte de communiquer et de parler. A ce fait de ces variations, une réalité s'impose à savoir la classification et l'organisation des situations de variations.
L'organisation des variations est une chose importante. En effet, l'expérimentateur est aussi bien docile que bienveillant quant à la diversité des stimuli, car lorsque le sujet réagit à une situation S1, il n'est pas le même sujet lorsqu'il réagit à une situation S2. Par conséquent, l'expérimentateur doit considérer que :
1) L'ordre des variations est une variable en soi. Il est un fait de l'expérience.
2) De cet ordre peut résulter l'effet de présentation des variables. Dans cette organisation des variables l'expérimentateur doit aussi tenir compte du désordre, car l'ordre peut y résider implicitement. Dire qu'il y a de l'ordre dans le désordre, signifie que la conduite ainsi que le comportement sont animés par le principe de la combinatoire. Paul Fraïsse, op cit, p : 95 ; 96 et 97.
23) Les méthodes de la psychologie:
“ En psychologie certaines méthodes s'appliquent de façon rigoureuse à des conduites relativement simples observées dans un champs volontairement limité; d'autres moins rigoureuses peuvent être utilisées dans des conditions moins spécifiées et s'appliquent à des conduites plus complexes. Il ne s'agit là, bien entendu que de deux définitions schématiques et la plupart des méthodes du psychologue se situent quelque part entre ces deux pôles, chacune d'elles pouvant d'ailleurs être utilisées dans un esprit la rapprochant davantage de l'un ou de l'autre. Les plus rigoureuses définissent de façon univoque les notions qu'elles emploient. Elles peuvent avoir recours pour le faire à un mode opérationnel de définition: c'est l'opération par laquelle une notion est mise en évidence qui, par convention la définit. Elles utilisent des hypothèses comportant un nombre limité de conséquences bien définies dont on pourra constater sans ambiguïté qu'elles sont vérifiées ou non par des faits. Elles invoquent seulement des faits vérifiables, c'est à dire pouvant être décrits de la même façon par des observateurs différents. Ceci n'est possible que pour la méthode dont la démarche peut être entièrement explicitée, c'est-à-dire décrire de façon telle qu'un autre psychologue qualifié puisse la répéter. Aucune méthode utilisée en psychologie n'atteint cet idéal de façon parfaite. Mais elles s'en éloignent plus ou moins. Celles qui s'en éloignent le plus sont celles qui visent les conduites de chaque homme singulier considéré globalement dans sa relation avec le psychologue, conduites que celui-ci cherche à comprendre en partie au moins par intuition, dont il cherche à déceler les significations, les intentions.
(...)
Les méthodes de la psychologie vont ici être présentées dans un ordre qui conduira des plus expérimentales aux plus cliniques. Comme toutes les classifications de ce genre celle-ci n'a qu'une valeur indicative : les frontières entre catégories successives sont quelque peu arbitraires et les méthodes rangées dans la même catégorie diffèrent largement les unes des autres aussi bien sous l'angle du caractère qui a servi de principe de classification que sous l'angle d'un grand nombre d'autres caractères.
Toutes les méthodes ont à résoudre deux problèmes généraux, des plus expérimentales au plus cliniques, bien que toutes n'y apportent pas, des réponses de même forme ”.
1) Comment résumer les données d'observation et comment raisonner sur ces données ?
Dans ce chapitre l'auteur souligne le rôle ainsi que les tâches propres au psychologue. C'est ainsi qu'il souligne:
“ Le psychologue peut fonder ses conclusions sur une observation pratiquée en une seule occasion sur un seul sujet; cette idée ne peut être défendue que d'un point de vue seulement théorique ”.
23) L'évaluation de l'hypothèse.
“ Une bonne hypothèse – nous disent Antoine LEON ainsi que son équipe de recherche – requiert de son auteur une culture scientifique et générale suffisante, une connaissance approfondie du domaine considéré et des techniques possibles de recherche. Ainsi pour qu'elle soit évaluée, l'hypothèse doit être source à discussion avant sa mise en oeuvre ”. Ibid.
Pour évaluer l'hypothèse Antoine Léon nous livre deux critères. D'une part ceux qui s'appliquent directement aux choix de l'hypothèse, et d'autre part, ceux qui s'y applique indirectement. Les premiers sont nommés :
Critères de choix d'une hypothèse.
Les seconds :
Les qualités de l'hypothèse.
Pour les critères, ce sont ceux qui peuvent s'appliquer directement aux choix d'une hypothèse. Ils sont de trois sortes :

1) Les critères personnels :
Ce sont des questions que doit se poser le chercheur et que l'auteur formule ainsi:
“ Le chercheur possède t-il ou a t-il les moyens d'acquérir les compétences qui lui permettent de traiter ce problème valablement ? A t-il accès aux échantillons de sujets sur lesquels la recherche devra porter ? Dispose t-il de moyen techniques et financier suffisant ? Peut-il bénéficier des conseils et collaborations nécessaire ? Ibid, p : 83.

2) Critères généraux :
Ce sont aussi une série de question que l'auteur formule ainsi:
“ L'hypothèse vérifiée ajoutera t -elle quelque chose aux connaissances? Cette recherche (ou une recherche très voisine) n'a t-elle pas déjà été menée à bien ? Et si oui, qui est-ce qui rend souhaitable une éventuelle répétition ? Le problème est-il clairement délimité (ni trop vague ni trop étroit) ? Peut-on raisonnablement espérer qu'en l'état actuel des connaissances il puisse aboutir ? ” . Antoine LEON, op cit

3) Critères déontologiques:
C'est aussi une autre forme de poser des questionnements que l'auteur formule ainsi:
“ L'expérience ne risque t -elle pas de porter préjudice aux sujets? ”

Les qualités de l'hypothèse:
L'auteur reprend ici la définition de GAGNE. R, pour qui : “ Une bonne hypothèse est certes celle qui sera féconde ”. LEON (A.), op cit, p: 83.
Cette fécondité a pour l'auteur quelques caractéristiques:

1) L'adéquation au niveau des réponses:
“ Une hypothèse doit proposer une réponse claire et adéquate à la question posée. Si la procédure expérimentale valide l'hypothèse aura t-on au moins partiellement résolu le problème d'où l'hypothèse est issue? ”. Question que se pose l'auteur à la page 83 de son ouvrage : Manuel de psychopédagogie expérimentale.

2) L'hypothèse doit être vraisemblable.
Dire que l'hypothèse doit être ainsi, signifie qu'elle ne doit pas être aussi banale qu'on peut l'imaginer. Que signifie la vraisemblance d'une hypothèse ? A cette question implicite Antoine LEON nous répond en disant: “ Une hypothèse est vraisemblable si elle tient compte des connaissances scientifiques établies ”. Ibid, p :84.

3) L'hypothèse doit être vérifiable ou testable :
L'auteur souligne que le sens de cette vérification et de ce test repose sur le fait : qu'une hypothèse digne de ce statut (test et vérification), doit être confrontée aux faits ”. Ibid, p : 85.
FRAÏSSE (P.) REUCHLIN (M.) LEON (A.)
24) Les variations ne résident pas seulement au niveau des groupes d'équivalences, mais elle sont aussi l'une des caractéristiques de la personnalité:

* Les variations de la personnalité:
Dans son ensemble, la personnalité du sujet est dite d'abord : variable. Elle intègre un ensemble de données qu'on peut maîtriser, ainsi que d'autres forces qui sont par essence très différentes et qui peuvent nous échapper. Il y a des personnalités qui peuvent être modifiées par une action de l'expérimentateur, et d'autres qui peuvent varier selon les variétés offertes par la nature et par la société. D'une manière générale, la taxonomie des variations peut s'annoncer comme suit :

1) Les variations provoquées.
2) Les variations invoquées.


Pour ce qui est des premières, (les provoquées), on peut citer ce qui se passe lors de la modification du biologique. Comme on peut mentionner aussi, ce qui se déroule au niveau psychologique. Quant au secondes (les invoquées), elles sont celles qui ne changent pas comme par exemple le sexe, l'âge, l'expérience passée, le milieu social etc., des sujets. “Ces variables influencent les conduites des sujets. Le seul moyen pour déceler ces variables et de faire usage des exceptions qu'imposent les différences résultant de la nature et de la société ”. Paul Fraïsse, op cit, p: 101 & 102.

* Les variations de la réponse :
“ Les réponses du sujet varient telle qu'on ne peut en discerner le sens exacte. Toute réponse d'un sujet dépend de la stimulation aussi bien que de l'incommensurabilité de la variable (P) (Personnalité) des sujets: à des sujets différents correspondent des divers degrés de la variable ”
. Ibid.
24) “ Le psychologue doit soutenir la généralité :
Les fonctions psychologiques comme l'apprentissage ou la perception sont tout aussi générales que celles qui font l'objet des travaux des physiologiste, c'est-à-dire si l'on parvenait à en expliquer complètement le mécanisme général chez un seul sujet, il est bien probable que cette explication vaudrait pour tous les sujets.(...). Le psychologue clinicien pourrait soutenir de son côté que chaque individu, envisagé concrètement avec l'ensemble de ses motivations, de ses conflits, et de leur histoire constitue un cas rigoureusement singulier, de telle sorte que le psychologue toujours devant un cas unique. Le psychologue est appelé toujours à travailler sur des séries d'observations.
Pour éviter les erreurs de mesures le psychologue-expérimentateur doit utiliser plusieurs observations. Les facteurs susceptibles de faire varier les résultats d'une expérience sont trop nombreux pour qu'il soit possible de les contrôler tous pour chaque sujet examiné
 ”. Ibid.
24) Quelques problèmes généraux liées à la méthode expérimentale appliquée au domaine de la psychopédagogie:
“ Lors de la construction de la situation expérimentale, quelques données sont liées à l'expérimentation et à son statut dans le développement des connaissances ”. LEON (A.), op cit p : 92 & 93.Parmi les données qu'il faut rappeler, l'auteur souligne trois types:
“ 1) L'insuffisance de la méthode expérimentale.
2) La nécessité de la méthode expérimentale.
3) L'administration de la preuve ”
. Ibid.

1) La méthode expérimentale est insuffisante:
L'auteur reprend quelques citations d'autres auteurs et ce pour expliquer l'utilité aussi bien la nécessité de l'expérimentation. C'est ainsi qu'il souligne : “ Tandis que la pensée sans l'expérimentation peut être productive, l'expérimentation sans la pensée est utile ”. (Reprise de la citation de TRAVERS, op cit..
“ L'expérimentation ne peut suffire en tant que moyen d'approche et de manipulation de fait, à constituer les concepts et à fortiori le concept de la psychologie . Reprise deGRECO (P.), Epistémologie de la psychologie, in Logique et connaissance scientifique . Encyclopédie de la Pléiade, Paris N.R.F, 1967, p : 5 à 19.
“ Tout d'abord l'expérimentation n'est pas une construction libre ou du moins spontanée de l'intelligence, mais suppose sa soumission à des instances extérieures. Ensuite le donné immédiat sur lequel va s'exercer la méthode expérimentale est très complexe et il s'agit d'en dissocier les facteurs critiques. En fin, l'expérience n'est pas une simple lecture des faits, elle suppose une action sur la situation : il faut donc disposer, pour atteindre le fait expérimentale, d'un certain nombre de cadre déductifs ”.
Ce passage est de Leplat voir, La méthode expérimentale en psychologie appliquée. Il est repris par A. LEON, op cit. p : 92.

2) La méthode expérimentale est nécessaire:
L'auteur affirme que : “ La méthode expérimentale ne crée pas les concepts de la psychopédagogie (ni d'aucun des domaines auxquels on l'applique), elle ne peut les remplacer, elle s'y réfère nécessairement. Mais son rôle est indispensable pour en vérifier le bien fondé. Elle vérifie et elle contrôle. Elle interdit l'affirmation sans preuve des présupposés conceptuels sans lesquels elle ne saurait exister. Elle n'est d'ailleurs pas le seul moyen de l'administration de la preuve, mais elle en est le plus rigoureux ”. Antoine LEON, op cit p : 9.
FRAÏSSE (P.) REUCHLIN (M.) LEON (A.)
25) Les plans de l'expérience :
“ S'intéresser à une variable pour la faire varier lors de toute expérience, est un handicap pour la méthodologie expérimentale qui, dans son essence fait varier diverses variables qui agissent simultanément dans la détermination d'une conduite. A l'aide des plans factoriels, des plans en carré latin, on peut se rendre compte des variations des conduites du sujet dans des situations données ”. P. Fraïsse, op cit, p : 109
25) “ La multiplication des cas est donc indispensable pour que l'expérience clinique puisse être significative. Les énoncés d'observations bien qu'ils soient nécessaires au psychologue, ils lui posent malgré tout quelques problèmes d'ordre méthodologiques généraux:

1) Le psychologue ne pourra pas utiliser sous la forme d'une simple énumération les données qu'il aura successivement recueillies. De ce fait, il devra donc les résumer.

2) Le psychologue devra raisonner sur ces séries ainsi résumées. Il devra se demander dans quelle mesure ses résultats, compte tenu de leurs variations, sont généralisables à d'autres sujets qu'il a observés. Il devra conclure, avec vraisemblance, à partir des données recueillies et compte tenu de leurs fluctuations, que l'hypothèse qu'il mettait à l'épreuve doit être rejetée ou non.
A ces deux problèmes, les méthodes proches du pôle expérimental apportent des solutions différentes de celles qui sont adoptées par les méthodes proches du pôle clinique.
Pour les psychologues proches du pôle expérimental, c'est la statistique qui aide à résumer les observations nombreuses, de raisonner sur elles et de mettre certaines hypothèses à l'épreuve des faits. De ce fait l'acte de raisonner est pour le psychologue un acte de calculer.

1) Les méthodes expérimentales :
Le sens de la démarche expérimentale est lié à la vérification. En effet pour l'auteur (M. Reuchlin), on expérimente chaque fois que l'on vérifie une hypothèse en comparant ses conséquences prévisibles à des observations spécialement recueillies à cette fin. (…). L'expérimentateur va contrôler des variables parasites de différentes façons. L'emploi de la méthode expérimentale n'est pas aussi simple que pourrait le laisser croire cette présentation. (...), l'hypothèse de l'expérimentateur peut ou bien être rejetée par des faits, ou bien compatible avec eux ”.
Reuchlin (M.), op, cit..
25) L'administration de la preuve :
Pour administrer une preuve, l'auteur nous annonce qu'il existe pour cela, des étapes qui sont en général classique.

1) les prédictions hypothétiques :
Elles sont celles qui doivent être déduites d'une théorie ou d'un corps de connaissances.

2) La validité de ces prédictions est en générale éprouvée.
Pour renforcer cette argumentation, l'auteur se réfère à une citation de LEPLAT (J.) qui souligne :
“ A partir d'une situation expérimentale qui permettra de recueillir des données aux prédications précédente, cette épreuve se fera à partir de méthodes statistiques, méthodes qui auront été définies avant l'expérience et dont il aura été tenu compte pour concevoir la situation expérimentale ”. LEPLAT (J.), op cit p : 23. Citation reprise par Antoine LEON. Ibid, p : 93.

3) Le raisonnement hypothético-déductif:
“ Lui seul (dit A. LEON), permet la prédiction à partir de la théorie. C'est en fonction de l'hypothèse que la situation expérimentale est prévue (...), les hypothèses validées ou partiellement validées ne peuvent pour autant servir de preuve de la vérité de la théorie (...); mais elles peuvent indiquer simplement la validité de la vérité avec les faits ”. LEON (A.), op, cit p : 93.
PAUL FRAÏSSE REUCHLIN (M.) LEON (A.)
26) L'élaboration et la généralisation des résultats : “Elle est une phase décisive dans le domaine de l'expérimentation, décisive au sens où elle implique l'emploi et l'application de procédures scientifiques, d'imaginations créatrices et un effort argumentatif pour faire admettre des résultats. Cette phase comporte trois moments essentiels :
1) L'élaboration des résultats.
2) Les explications.
3) La généralisation.

Pour ce qui est du premier moment (l'élaboration des résultats), ou l'établissement d'un ordre, le sens de ces résultats ne peut être dégagé qu'à partir d'une éventuelle multiplication des éclairages. Pour se faire, trois moments peuvent aider à la réalisation de cette tâche :
1) Le tableau.
2) Les graphes.
3) L'élaboration statistique ”. Fraïsse (P.), op cit. Tome I. pp : 115 à 116.

Pour ce qui est maintenant du second moyen (les explications des résultats), il permet à la science d'annoncer et de chercher à expliquer l'inexplicable. Expliquer signifie :
“ Chercher dans chaque cas si le type de relation établi ne serait pas un cas particulier d'une loi plus générale connue et déjà plus ou moins vérifiée ”. Ibid.
“ Dans l'explication des résultats, l'erreur fondamentale est de prendre une cause partielle pour une véritable cause.
Enfin pour le troisième moment : la généralisation des résultats, il signifie que lorsque l'expérimentateur organise une expérience de vérification il abandonne le niveau de l'organisation aussi bien que celui de la vérification pour déterminer une situation concrète où il observera une réponse particulière. Il passe par là même du général au particulier, et ce en choisissant un exemple représentatif et non un cas singulier. Pour mieux comprendre un sujet et son action émotive, il serait d'une importance capitale de découvrir la signification de cette action émotive comme rapport du sujet à son univers vécu. Nul ne peut en effet douter de la conduite magique dont témoigne toute émotion. Elle transforme la nature de la situation. Par conséquent, le fruit de l'expérience mentale, de l'activité de l'esprit des sujets ne doit pas être ignoré. Le processus de généralisation doit s'étendre à quatre aspects différents du processus expérimental :
1) La généralisation de la situation.
2) La généralisation de la réponse.
3) La généralisation au niveau des personnes.
4) La généralisation des résultats.
Le premier aspect est lié à la répétition des observations qui permet de limiter une généralisation conjecturale à certains types d'attente.
Le second, consiste en la constatation de diverses manifestations de proches en proches qui sont nommées : concepts d'impatiences.
Quant au troisième aspect, il signifie la représentativité au niveau du choix des personnes étudiées.
Pour prouver la scientificité, d'une expérimentation, l'expérimentateur-savant, doit accroître son choix et contribuer – par là même – à l'extension d'une relation au fur et à mesure qu'elle est confirmée sur des populations de plus en plus nombreuses et variées.
En fin, pour le quatrième aspect, (la généralisation des résultats), il consiste en le rapprochement de plusieurs nivaux de relation pour en dégager un mode de relation plus général qui sera pris comme explicatif par rapport à des conduites singulières. Or on ne peut pas généraliser d'une manière fortuite, car dans le laboratoire, les conditions de généralisations sont bien vécues qu'elles ne le sont pas dans le domaine de la pratique : le domaine de la vie de tout les jours ”. Fraïsse Paul, op cit, pp: 118 & 119.
(N.B) : C'est à la page 119, que s'achève l'analyse de Paul Fraïsse quant au sens qu'il donne à la méthode expérimentale, sens qui ressort de la première partie du Traité de psychologie expérimentale, Histoire et méthode Tome I.
26) La manipulation des variables indépendantes : “ Certaines des conditions que l'expérimentateur modifient pour éprouver les hypothèses concernent la situation dans laquelle se trouve placé le sujet de l'expérience. (...) La situation peut être modifiée plus largement lorsque ce sont des animaux qui sèvrent de sujets d'expériences. Les expériences de psychologie sociale peuvent utiliser différents dispositifs destinés à contrôler par exemple les conditions susceptibles de modifier la perception d'autrui, les rapports de coopérations entre individus, la circulation de l'information, etc. L'un des procédés employés pour la manipulation des variables indépendantes en psychologie sociale consiste à utiliser au sein d'un groupe des “ compères ” qui expriment certaines opinions, adoptent des connaissances déjà acquises. Les hypothèses qui permettent seulement de prévoir l'apparition d'une conduite sont en général moins heuristiques que celles qui portent sur le mécanisme par lequel l'apparition de cette conduite s'explique ”. Ibid. 26) Variables invoquées en situation expérimentale:
L'auteur se pose – implicitement – la question de la distinction des variables invoquées et des observations planifiées. Antoine LEON et son équipe se réfèrent à Maurice Reuchlin qui pense les variations invoquées en relation du sens qu'en donne l'expérimentateur. C’est ainsi qu’il note : “ Les observations planifiées ont un sens avec le milieu ”. Ainsi “ les deux définitions se différencient par la référence à la notion de milieu naturel ”. LEON Antoine, op cit, p : 98 à 101.
En situation strictement expérimentale on peut – dit Antoine LEON – “ Invoquer une variation systématique naturelle que le chercheur ne saurait provoquer directement ”. Ibid, p : 101.

1) Variable invoquée en situation de laboratoire.
Lorsqu'on est en situation de laboratoire, l'auteur pense qu'on invoque une variable linguistique. C'est ainsi qu'il souligne :
“ La possession ou la non possession du langage. Cette variable – pense l'auteur – est soumise à deux méthodes : la génétique et la comparative. Pour renforcer son argumentation, l'auteur se réfère à une citation de P. Oléron qui explique bien le sens de ces deux méthodes c'est ainsi qu'il souligne : “ (...), La première: (la génétique) ne dépasse pas l'usage du tâtonnement, la seconde est déterminée par le raisonnement et la réflexion ” (Cf: Oléron (P.), Recherches sur le développement mentale des sourds muets. Contribution à l'étude du problème langage et pensée. Paris C. N. R S 1957, p :21).
Pour penser le langage en terme de variable invoquée en situation expérimentale, l'auteur Antoine LEON, se réfère à nouveau à P. OLERON qui souligne :
“ On a interprété la démonstration expérimentale comme relation causale, ce qui est simplement une relation de succession temporelle, attribue une efficacité à un élément : le langage qui peut se trouver seulement en progression concomitante avec le développement des autres capacités ”. OLERON (P.), op cit p : 11 ; repris par Antoine LEON Ibid. p : 101.
A travers ces deux références, Antoine LEON se force à démontrer que le langage en tant que variable invoquée et planifiée est aussi bien innée qu'acquise. En maintenant qu'il y a plus d'acquis que de l'inné, l'auteur livre des exemples d'illustration et concrets pour renforcer son propos. Voir Antoine LEON, op cit p : 101 et Suiv.

2) Expérience à variables indépendantes invoquées et manipulées.
Lorsque le chercheur s'astreint à faire une expérience, Antoine LEON nous affirme qu'il doit : “ avoir à manipuler conjointement deux variables indépendantes ”. De ce fait, les expériences auxquelles il a affaire “ sont partiellement invoquées, qu'il ne s'agit nullement d'observations planifiées ”. Ibid.

3) La recherche de l'interaction de deux variables invoquées:
Antoine LEON pense : “ qu'un plans expérimental peut rechercher l'effet de deux variables invoquées sur les réponses des sujets ”. Ibid, p: 103.
Dans ce cas, LEON assume la responsabilité au chercheur qui – à l'en croire – doit “ Construire ses groupes de sujets de façon à pouvoir administrer la preuve de cette interaction ”. Ibid.
FRAÏSSE (P.) REUCHLIN (M.) LEON (A.)
27) La méthodologie expérimentale vue par le Manuel didactique et par le Que-sais-Je ? qui traitent de la psychologie expérimentale et de sa méthode.

Précision historique :
Le tome I du Traité de psychologie expérimentale – que nous venons de citer – a été publié par Paul Fraïsse en 1963. La première édition du manuel didactique intitulé : Manuel pratique de psychologie expérimentale a été publiée en 1956. La première édition du Que-sais-je ? intitulé : La psychologie expérimentale en 1966. Tous ces travaux, ont été édités chez P. U. F. Qu'en est-il du sens de la méthodologie expérimentale dans ces différents travaux ?
Commençons par le Manuel pratique de psychologie expérimentale, et ensuite par le Que sais-je ? qui s'intitule : La psychologie expérimentale.

1) Le Manuel....
Dans ce manuel, l’exposé du sens de la méthodologie expérimentale commence déjà dès l'avant propos. Ce sens trouve son fondement dans l'expression : “ Défense de la méthode expérimentale en psychologie ”, avacée par l'auteur. Le résumé de ce sens – que nous présentons ici – commence à partir de la page 1, jusqu'à la page 39 de l'ouvrage.
“ Depuis 1960, la psychologie expérimentale est centenaire si on admet que l'ouvrage de Fechner, Elemente der PsychophysK, lui a apporté sa première contribution systématique ”.
Malgré cela, il y a “ Une nécessité de s'en expliquer en vue des différentes interprétations que cette même discipline à connue au moins dans notre pays ”. Pour la définir, l'auteur ajoute : “ La psychologie expérimentale est la psychologie élaborée par la méthode expérimentale. Cette seule affirmation ne peut cependant suffire car les difficultés naissent selon la manière dont on comprend le rôle, la portée et les moyens de la méthode elle-même. La maîtrise du sens de la psychologie expérimentale est le seul moyen d'échapper à la confusion ”. (Cf : Paul Fraïsse. Manuel de Psychologie Expérimentale P.U.F 1956 p : 1).
“ Pour beaucoup – dit P. Fraïsse – la psychologie expérimentale est la psychologie du laboratoire, que l'on distingue de la psychologie animale, pathologique, génétique, sociale, comme si dans ces différents domaines la méthode expérimentale n'était pas utilisable et utilisée. D'autres vont encore plus loin dans un sens restrictif, qui ne conçoivent la psychologie expérimentale qu'armée d'appareils complexes et coûteux et qui l'opposent par exemple à la méthode des tests qui peut se contenter de simples questionnaires ”. Ibid.
Ces confusions sont dues dit l'auteur à “ Des mauvaises habitudes qui se trouvent dans les dénominations des chaires et des laboratoires, des certificats et des diplômes et jusque dans les titres des ouvrages ”. Ibid.
Parfois aussi souligne l'auteur dans une note qui comporte le N°1, “ On confond souvent la psychologie animale qui précise un objet et la psychologie comparée qui indique une méthode. ”. Ibid, p : 2.
Pour relever cette confusion, l'auteur tranche en faveur d'un argument de substitution et de coexistence. C’est ainsi qu’il souligne  : “ Il apparaît immédiatement – dsait-il – que la méthode expérimentale peut être employée, en psychologie animale comme en psychologie pathologique ou sociale, par des gestaltistes, des réflexologistes ou même par des analystes ”. Ibid.
Aux yeux de l'auteur, toutes les pratiques psychologiques vont vers l'unité. C’est ainsi qu’il ajoute : “ Méthodes et théories dans leurs implications réciproques concourent à l'édification d'une science psychologique qui va vers l'unité ”. La psychologie expérimentale finit tôt ou tard par s'inspirer “ d'autres méthodes qui la complètent, certaines attitudes en fonction des besoins de l'expérience. De tels procédés doivent être employés dans des conditions déontologiquement acceptables, et cette remarque vaut plus encore pour une seconde catégorie de variables indépendantes, caractérisant le sujet en situation. Les possibilités de modifier à des fins expérimentales les caractéristiques des sujets humains sont relativement limitées ”. Ibid.

Le contrôle des variables parasites:
L'auteur souligne que le contrôle des variables parasites peut s'effectuer dans un lieu et qu'il peut aussi exiger certains critères: “ Le contrôle directe des variables parasites peut s'effectuer dans des chambres noires et dans des chambres sourdes. Dans les premières on peut arriver à éviter au sujet toute stimulation visuelle incontrôlée. Quant aux secondes, elles aident à la suppression de toute stimulation sonore fortuite ”. Ibid.

Observation et expérimentation :
“ Il n'y a pas lieu d'opposer à la méthode expérimentale d'autres méthodes qui ne sont que des moments ou des modalités de la démarche scientifiques ”. Ibid.
L'auteur passe à une définition de ce que pourrait être le sens d'une science. Celle-ci doit dépasser les opinions admises : “Une science – dit-il – cherche à expliquer l'ensemble des phénomènes de même nature en les mettant en relation les uns les autres. Elle tend sans cesse à dépasser le cadre de nos impressions immédiates et naïves pour lesquelles nous nous contentons d'explications verbales qui relèvent encore le plus souvent de la pensée magique ou animiste. (La pierre tombe parce qu'elle est lourde, l'enfant pleure parce qu'il fait des caprices, ne réussit pas parce qu'il est paresseux). Ibid. page: 3.
Ces descriptions, “ sont elles-mêmes (dit l'auteur) des lois plus générales qui mettent en relation des faits de plus en plus nombreux en diminuant sans cesse le nombre des concepts premiers ”. Ibid.
Après avoir souligné ces descriptions, Paul Fraïsse passe à la définition du raisonnement scientifique. A ses yeux, ce raisonnement : “ Consiste à partir des faits, à dégager des hypothèses sur leurs relations, qui, soumises à vérification, deviennent des explications scientifiques ou des lois (en un sens plus limité), lois qui s'intègrent à leur tour en des hypothèses de plus en plus générales qui constituent la théorie scientifique ”. Dans la démarche expérimentale, l'auteur souligne : “ L'expérience proprement dite n'est qu'un moment ”. Ibid.
Pour renforcer ce constat, Paul Fraïsse se réfère à Claude Bernard, pour qui dans la méthode expérimentale, on doit considérer deux moments. C'est ainsi qu'il souligne : “ Il y aura deux choses à considérer dans la méthode expérimentale :
1) l'art d'obtenir des faits exactes au moyen d'une observation rigoureuse;
2) l'art de les mettre en oeuvre au moyen d'un raisonnement expérimental afin d'en faire ressortir la connaissance de la loi des phénomènes. Nous avons dit que le raisonnement expérimental s'exerce toujours et nécessairement sur deux faits à la fois ; l'un qui lui sert de point de départ : l'observation ; l'autre qui lui sert de conclusion ou de contrôle : l'expérience. Toute fois, ce n'est, en quelque sorte, que comme abstraction logique, en raison de la place qu'il occupe, qu'on peut distinguer dans le raisonnement, le fait observation du fait expérience ”. Claude Bernard, Introduction à l'Etude de la Médecine Expérimentale, Paris G. Flammarion 1952, p : 47 ; passage repris par Paul Fraïsse, op, cit, p : 3.
27) “ Les conditions dans lesquelles se déroule une expérience sont toutes rigoureusement fixées ”. L'auteur pense que le contrôle directe exige que les sujets de l'expérience soient affectés au hasard aux différentes conditions dont la comparaison constitue l'objet de l'expérience.
“ Le choix de ces sujets ne doit pas exiger la fixation au départ d'une règle explicite. Dans une expérience bien organisée – dit l'auteur –, tous les facteurs de variation fortuites non contrôlé directement ne suscitent que des fluctuations aléatoires des résultats : d'une mesure à la suivante, les effets qu'ils produisent changent de signe de façon imprévisible, et des effets de faible amplitude se produisent plus souvent que les effets plus important.
D'autres variables incontrôlées peuvent dans une expérience mal organisée, suscitée des variations systématiques qui amèneront l'expérience à fournir non pas des résultats moins précis, comme le font les fluctuations aléatoires, mais des résultats erronés. Pour affirmer cela, l'auteur prend un exemple qu'il espère significatif : des traces olfactives laissées dans un labyrinthe par les premiers animaux qui l'ont parcouru peuvent guider les suivants à l'insu de l'expérimentateur. Celui-ci doit même dans certains cas se défier de lui-même. S'il manipule des animaux dont les uns, d'après son hypothèse, doivent parcourir un labyrinthe plus cite que les autres, il peut favoriser involontairement les premiers. Dans certaines expériences, ces manipulations sont effectuées, pour cette raison, par des dispositifs mécaniques automatiques.
De nouveau, il est évident que toutes ces précautions ne peuvent être prises au même degré dans tous les types d'expériences ”. Ibid.
27) Principes et règles d'organisation de la situation expérimentale en psychopédagogie.

1) Buts de l'organisation de l'expérience

Pour distinguer les sens de cette organisation, Antoine LEON se réfère à Paul Fraïsse, à son ouvrage intitulé : Manuel pratique de psychologie expérimentale . Pour compléter les buts avancés par cet auteur, A LEON distingue trois buts de l'organisation de l'expérience:

La vérification :
Le but de l'organisation de l'expérience (dit Antoine LEON), est
de vérifier l'existence des effets sur la variable dépendante des variations de variables indépendantes manipulées ou invoquées, qu'elles soient relatives à la situation (nature des tâches proposées, condition d'apprentissage, effectifs des groupes d'élèves etc...), à la personnalité des sujets (âge, intelligence, anxiété, etc.) ou à l'ordre de présentation des différentes parties de l'expérience.

2) Le contrôle des variables parasites:
“ On doit prendre en considération les autres variables
parasites : autres que celles dont on veut étudier l'influence. ”.

3) La précision des traitements statistiques:
Ces traitement comme le souligne Antoine LEON, peuvent nous aider à “déterminer l'existence d'une relation entre variable indépendante et variable dépendante ”. LEON Antoine, op cit, p : 104 & 105.

4) Degrés de finesse des variations de la variable indépendante :
Puisque comme le souligne l'auteur, “ Les variables indépendantes peuvent prendre plusieurs valeurs ”, alors “les possibilités de manipulation de ces variables posent des problèmes pour l'expérimentateur. Ces variables peuvent présenter de finesse changement : qu'une variable indépendante peut prendre diverses “ valeurs ”. A titre d'exemple la valeur de la variable indépendante: “possession du langage parlé ”, peut prendre deux valeurs : existe ou non ”. LEON Antoine, op cit, p: 105
Pour mieux comprendre ces variations l'expérimentateur (aux yeux d'Antoine LEON) doit “manipuler la variable active qui est provoquée par lui. Dans la même expérience où l'on veut vérifier que l'effet des encouragements est le même pour les garçons que pour les filles, on introduit une variation “ invoquée ” liée au sexe qui est une nouvelle variable indépendante à deux valeurs. Mais le nombre de répétition nécessaires à l'apprentissage (variations quantitatives) d'une tâche ou le statut professionnel du chef de famille (variation qualitative) s'ils figurent dans une expérience à titre de variable indépendante peuvent prendre plus de deux valeurs, le nombre de celles-ci étant fixé en fonction du problème et indiqué par l'hypothèse ou les hypothèses à vérifier ”. Antoine LEON, op cit .
Pour organiser l'expérimentation pédagogique afin de pouvoir interpréter aussi exactement que possible les relations entre les réponses des sujets (variable dépendante) et le “ traitement ” expérimental (variable indépendante), la valeur de l'interprétation dépend en particulier de la rigueur du contrôle des variables parasites ”. Antoine Léon, op cit.
Qu'en est-il donc de ces variables parasites ?

5) Le contrôle des variables parasites:
Pour définir les modalités de ce contrôle, l'auteur se réfère à un texte de Maurice Reuchlin, un texte qu'on peut retrouver dans son Que sais-je ? intitulé: Les méthodes en psychologie , là où l'auteur souligne : “ Une variable parasite est contrôlée si la résultante globale de ses effets sur la variable dépendante est annulée ou déterminable (...), il existe des degrés dans la rigueur de ces contrôles et dans le nombre des sources de variation parasite que l'on tente de contrôler ”. Reuchlin (M.), op cit, p: 38
Dans ce contrôle de variables parasites, Antoine Léon, distingue trois niveaux :

1) Variables parasites de type aléatoire.
2) Variables parasites systématiques.
3) Modalités du contrôle des variables parasites.
Pour les premières, elles concernent soit la situation soit les sujets. Elles peuvent répondre à l'exemple des conditions dans les quelles se trouvent les sujets au moment de l'expérience.
Pour les secondes, Antoine LEON souligne : “ Les modifications de conduites qu'elles suscitent sont plus stables que pour les précédentes et amènent parfois l'expérimentateur à confondre leur influence avec celle de la (ou des) variables indépendantes qu'il étudie. Ainsi, croyant mesurer l'effet d'une nouvelle méthode pédagogique, on risque de mesurer en fait celui de la motivation des enseignants qui l'utilisent ou du milieu socio-économique auquel appartiennent les élèves qui en bénéficient. Leur contrôle pose des problèmes pour lesquels diverses solutions ont été proposées ”. Ibid.
Pour les dernières, elles relèvent de la différence qui réside entre la situation et les sujets.

a) Sur la situation.
“ la maîtrise des variables parasites peut passer par l'établissement des conditions expérimentales qui permettent de réduire la quantité des micro-facteurs susceptibles d'intervenir et d'éliminer les variations systématiques possibles, par des précautions prises en vue de l'aménagement des locaux et du matériel, l'installation des sujets, la précision des consignes pour l'exécution des tâches, etc. L'expérimentation au laboratoire de pédagogie, quand il en existe, facilite le contrôle de ces variables. Elles sont beaucoup plus difficiles à maîtriser sur le terrain, dans la salle de classe et il faut en tenir compte au moment de l'interprétation des résultats ”.
Antoine LEON, op cit.

b) Sur les sujets .
“ On les choisit en fonction des valeurs et des modalités des variables indépendantes entrant dans l'énoncé de l'hypothèse. Mais certaines caractéristiques des individus autres que celles qui intéressent l'expérimentateur risquent d'influencer les résultats. Mais il existe des variations plus stables liées par exemple à l'âge, au milieu familial, au niveau d'études des sujets : il s'agit de l'action de variables parasites systématiques (...) Pour mieux contrôler ces variables, on doit respecter quelques règles pour la sélection des sujets et la constitution des groupes que l'on va comparer afin de vérifier l'hypothèse ”. LEON Antoine, op cit, p : 105 & 106.

6) Constitution des échantillons de sujets et problème de l'équivalence des groupes:
“ L'important est de porter la recherche sur plusieurs groupes de sujets pour enfin comparer leurs résultats. Cette démarche exige que les groupes doivent être équivalents au départ pour différer ensuite seulement par le traitement expérimental appliqué, ce qui revient à maîtriser les variables parasites ”.
L'auteur dresse cinq situations qui se présentent sous forme de groupes :

1) Groupes dans lesquels une seule variable étrangère est maintenue constante.
2) Groupes équivalents ou parallèles.
3) Groupes appariés.
4) Constitution des groupes par tirage au hasard des sujets (randomisation)
5) Intégration de la variable à contrôler dans le plan d'expérience ”
. LEON Antoine, op cit p : 108 à 112.

6) Validité de l'expérience:
“ Une expérience en psychopédagogie expérimentale est validée, si la vérification de l'hypothèse est fondée sur des inférences et repose sur des modèles probabilistes. Deux formes de validités de l'expérience sont à mettre en valeurs : la validité interne qui concerne la vérification de l'hypothèse et la validité externe qui est en rapport avec la généralisation des résultats, et ils examinent les différents facteurs pouvant affecter l'une ou l'autre ”.
LEON Antoine, op cit p : 112 & 113.
FRAÏSSE (P.) REUCHLIN (M.) LEON (A.)
28) Si pour Claude Bernard (comme le souligne Paul Fraïsse) “ observation et expérience marchent toujours de front ”, alors l'important en psychologie est de “ bien préciser le rôle de l'une et de l'autre dans le processus expérimentale ”, ajoute Paul Fraïsse. Ibid.
L'auteur (Paul Fraïsse), pense “ qu'il est vain d'opposer la méthode clinique et la méthode expérimentale ”, cela le ramène par là même à s'expliquer sur cette non opposition, et ce tout en définissant les limites de la méthode clinique et de la méthode expérimentale. Pour lui, “ La méthode clinique se caractérise par la prédominance de l'emploi de l'observation qui, à l'instar de celle du médecin, ne se contente pas forcément de ce que les yeux voient et de ce que les oreilles entendent, mais s'enrichit des résultats d'analyses qui emploient, ici le microscope ou l'éprouvette, là des épreuves standardisées (test) ou non, révélatrices de niveaux d'efficience ou de traits de caractère (la clinique armée, selon l'expression de Daniel Lagache). Parmi les finalités de la méthode clinique, Paul Fraïsse cite:
“ Poser un diagnostic au service d'un individu, à orienter, à conseiller ou à soigner, il va de même pour le psychologue, qui part lui aussi de l'observation de lui-même, de ses proches, des sujets ”. “ La méthode clinique, au service de la recherche, n'est qu'un cas particulier de l'observation et elle n'est alors en fait que le premier moment de la démarche expérimentale ”. Pour mieux démontrer cela, l'auteur se réfère à nouveau à Claude Bernard, pour qui : “ La constatation exacte d'un fait (se fait) à l'aide de moyens d'investigation et d'études appropriées à cette constatation ”. Voir Bernard (Cl.), op. Cit. p : 46.
L'observation expérimentale va au-delà de l'observation clinique et ce lorsque (dit Fraïsse tout en rapportant Claude Bernard) , “ l'observateur transforme le fait brut en un fait scientifique au moment où il pose, à partir du donné, une interrogation ou, plus exactement, au moment où il donne corps à une hypothèse implicite. Le fait n'apparaît qu'à celui qui interroge la nature et qui a déjà ébauché un raisonnement et posé un problème ”. A nouveau pour renforcer cette argumentation, Paul Fraïsse, se réfère à Claude Bernard qui souligne : “ Un fait n'est rien par lui-même; il ne vaut que par l'idée qui s'y attache ou par la preuve qu'il fournit ”. Bernard (Cl.), op, cit. p: 93 ; citation reprise par Paul Fraïsse, op cit. p : 4.
Même si l'observation d'un fait est fortuite, elle peut parfois et par là même suggérer des hypothèses, c'est d'ailleurs ce qui se passe dans celles qui nous animent par hasard et non pas par nécessité. A ce sujet Paul Fraïsse souligne :
“ Que l'observation d'un fait suggère des hypothèses et qu'elle ne puisse donc se suffire à elle-même ne signifie pas qu'elle ne soit pas rigoureuse. Les psychologues ont longuement étudié leurs méthodes d'observation et développé les conditions de leur objectivité (techniques de l'entretien, enregistrements, pluralité des juges, échelles d'estimation, voire psychanalyse de l'observation) ”.
Paul Farïsse, op cit p :4 et 5.
Paul Fraïsse donne un sens particulier à l'hypothèse en disant:
“ L'hypothèse suggérée par l'observation appelle la recherche de la preuve. pour légitimer et renforcer cette idée ”, l'auteur se réfère encore une fois à Claude Bernard, pour qui: “ La méthode expérimentale ne fait pas autre chose que porter un jugement sur les faits qui nous entourent à l'aide d'un critérium qui n'est lui-même qu'un autre fait disposé de façon à contrôler le jugement et à donner l'expérience ”. Claude Bernard, op, cit p : 48, repris par Paul Fraïsse, op cit p : 5.
Le sens de l'expérience aux yeux de Paul Fraïsse repose sur “ La comparaison du fait d'observation et d'un autre fait ”. De ce fait, l'hypothèse peut être soit invoquée, soit provoquée. C'est ainsi que Paul Fraïsse souligne : “ Mais suivant la nature des sciences et des hypothèses, le fait qui sert de preuve peut être de nature très différente. Ce peut être simplement un autre fait naturel qui est alors invoqué, comme le dit Claude Bernard, à l'appui du premier. L'expérience est réalisée – normalement ou accidentellement – par nature, sans qu'interviewe d'une manière active l'expérimentateur Mais, souvent, il doit provoquer une expérience. Celle-ci, dans ce contexte, apparaît comme n'étant pas une fin mais une simple étape du raisonnement expérimental ”. Paul Fraïsse, op cit, p : 5.
Pour soutenir le lien intime entre la méthode clinique et la méthode expérimentale, entre l'hypothèse, l'expérience et l'observation, Paul Fraïsse ajoute :
“ Tant vaut l'hypothèse et tant vaut l'expérience. Aussi bien, si l'expérience a une place prééminente dans l'administration de la preuve, l'observation est cependant fondamentale. Et il est vrai que les expérimentalistes ont parfois donné des arguments à leurs détracteurs en se préoccupant plus de la rigueur de leurs moyens que de leurs hypothèses. Les “ cliniciens ” confrontés avec la nécessité d'aider le malade ont été souvent amenés à mettre, les premiers, le doigt sur les vrais problèmes psychologiques. Ainsi en a -t -il été de l'affectivité et de la motivation. L'expérimentaliste doit toujours repartir de l'observation ”.Paul Fraïsse, op, cit, p: 5.
Pour comprendre certains faits, l'auteur, nous incite à “ la recherche de nouvelles hypothèses par la suite d'une observation minutieuse en milieu naturel, c'est à dire dans des conditions moins naturelles où des actes incomplets ou fragmentaires peuvent révéler les véritables séquences ”. Paul Fraïsse, op, cit p : 5 & 6.
28) “ Certaine conduite pourra comparer des groupes de personnes différents systématiquement de façon naturelle et indépendante de l'intervention de l'observateur en ce qui concerne ce facteur (..) Il est un caractère fort important que méthodes expérimentales et méthodes comparatives possèdent en commun: elles sont les unes et les autres des méthodes repérables dont les résultats sont donc vérifiables ”.

2) La psychologie différentielle comme méthode:

“ Elle emploie la technique de l'étude des différences entre groupes d'individus définis a priori par un certain caractère. (ici le sexe ou le milieu). Comme elle emploie aussi la technique des jumeaux): une technique utilisée dans les recherches ayant pour objet d'étudier les influences respectives de l'hérédité et du milieu sur les différences constatées entre individus. La méthode différentielles utilise aussi les différences entre individus (et non plus les différences entre groupes) ”.
28) Validité interne et validité externe d'une expérience:

1) Validité interne:
Antoine LEON reprend la définition de LEPLAT J, pour qui la validité interne d'une expérience est caractérisée par sa capacité à éprouver l'hypothèse en fonction de laquelle elle a été conçue ”. Cela veut dire enfin de compte que la validité interne de l’expérience peut contribuer à “répondre à la question de savoir si les effets observés sont dus au traitement expérimental ou s'ils sont attribuables à d'autres variables parasites (...). On sait que les variables parasites si elles ne sont pas contrôlées, peuvent exercer une influence dont les résultats risquent d'être confondus avec ceux de la variable indépendante étudiée et entraîner ainsi une imputation causale erronée ”. LEON Antoine, op cit p : 112.

2) Validité externe d'une expérience:
Elle est liée au problème de la “ généralisation des résultats de l’expérience sous trois aspects: la population, les situations et les variables auxquelles l'effet observé à la suite d'un traitement expérimental peut être étendu ”. Il y a quelques éléments qu'on doit – aux yeux de Campbell – prendre en compte pour juger de la validité externe d'une expérience:

1) “ Les effets éventuels du pré-test: l'application d'un pré-test peut en effet, rendre le groupe auquel il a été appliqué, plus sensible à l'influence de la variable expérimentale, de sorte que les résultats obtenus sur ce groupe ne peuvent pas être généralisés à des sujets n'ayant pas passés le pré-test.

2) Les particularités de la
situation expérimentale: le caractère artificiel ou tout au moins inhabituel de l'expérimentation ne permet pas toujours de généraliser les résultats à des sujets en dehors de cette situation.

3) Les interférences entre plusieurs traitements expérimentaux: ceux-ci peuvent être spécifiques à la situation expérimentale et ne pas se rencontrer dans le milieu de vie habituel, le milieu scolaire en particulier.

4) Les effets de la sélection des sujets: ils sont souvent aggravés par la moralité expérimentale et font que les groupes expérimentaux manifestent des réactions différentes de celles de la population générale ”. LEON Antoine, op, cit p : 113 &114.
FRAÏSSE (P.) REUCHLIN (M.) LEON (A.)
29) Aux yeux de Paul Fraïsse, “L'observation précède l'expérience ”. Pour renforcer cette affirmation, l'auteur reprend l'argument de D Lagache, pour qui : “ Une expérience bien conçue et bien menée peut être décisive, mais en psychologie, comme dans les autres sciences, elle n'est possible qu'à un stade avancé de la recherche ”. (Cf : Lagache (D.), l'Unité de La Psychologie, Paris P.U.F 1949, p : 49; repris par Paul Fraïsse, op cit, p :6.
Pour marquer l'exception de l'expérimentation, Paul Fraïsse met l'accent sur un point crucial. C'est ainsi qu'il souligne : “Beaucoup de travaux qu'on qualifie d'expérimentaux ne sont en réalité que des observations systématiques. Le fait qu'elles utilisent des révélateurs (accomplissement de tâches motrices ou verbales, questionnaires, interprétations de taches ou d'images, etc.) peut faire une fois encore illusion, tant la confusion entre le moyen et la fin est grande ; de toutes manières le psychologue aura toujours besoin de mieux connaître les conduites qu'il a pour mission d'expliquer ”. Ibid.
L'auteur continue à se poser la question du sens de l'expérimentation aussi bien dans le domaine des sciences humaines que dans celui des sciences psychologiques, et ce en disant : “ Le psychologue, peut-il toujours passer ensuite au stade de l'expérience, ou devra t-il se contenter de l'observation dans certains domaines? ”.
Pour répondre à cette question, l'auteur tranche en faveur de l'argument du préférable : pour une préférence non pas de l'extension du pouvoir cognitif simplement, mais aussi une préférence de l'extension de la pratique expérimentale. C'est ainsi qu'il souligne quelques réserves quant à elle : “ La méthode expérimentale – disait Paul Fraïsse – augmente sans cesse le champs des possibilités, mais il faut reconnaître que certaines conduites n'en relèveront jamais ”. Ainsi et pour illustrer cette exception qu'il faut cultiver Paul Fraïsse se réfère à nouveau à Daniel Lagache, pour qui : “ Des situations peuvent que difficilement ou pas du tout être créées et contrôlées artificiellement pour des raisons d'ordre morale ou technique : la psychologie de la jalousie amoureuse, du crime passionnel, du suicide a peu à attendre de l'expérimentation ”. (Cf: Lagache (D.), op cit p : 13 & 14; repris par Paul Fraïsse, op cit.. pp : 6 & 7.
Dans ces cas, “ La méthode expérimentale (souligne Paul Fraïsse) peut légitimement recourir à l'expérience réalisée par la nature. Les enfants élevés par des bêtes sauvages ont confirmé des lois de la socialisation de l'individu ”. Paul Fraïsse, op cit.
C'est donc l'importance du raisonnement par analogie qu'il ne faut pas négliger. De ce fait, la psychologie ne peut se constituer comme science que lorsqu'elle admet qu'elle est et restera toujours “ une science d'observation ”, car cette constatation du bon sens ne doit pas cependant faire oublier que le développement de toute science se fait par sa transformation progressive de science d'observation en science expérimentale.
C'est ainsi que Paul Fraïsse va douter du poids de l'expérimentation et de sa légitimité, et ce en disant :
“ Mais il ne suffit pas de pouvoir expérimenter pour que l'expérimentation soit légitime. Les contempteurs de la méthode expérimentale s'en prennent moins à sa possibilité qu'à sa valeur et nous rencontrons de nombreuses objections, qui visent inséparablement la méthode et son but, c'est à dire la constitution de la psychologie en tant que science. Ces objections nous les ramènerons à trois :
La psychologie scientifique sacrifierait:
1) La connaissance de l'individu à une science du général ;
2) Une connaissance globale à une connaissance analytique;
3) La subjectivité essentielle de l'homme à l'objectivité. Ces objections d'ailleurs se recoupent et se complètent et nous ne les étudierons successivement que par souci de clarté et de précision ”. Paul Fraïsse, op cit p : 8.
29) “ Les différences individuelles n'apparaissent en général pas au hasard lorsqu'on pratique plusieurs mesures sur les mêmes individus. Certains variables tendent à être associées par des corrélations relativement élevées et à constituer des groupes cohérents, alors que des corrélations plus faibles ou nulles s'observent entre groupes, on peut décrire ces structures de variables par l'analyse factorielle. Du point de vue théorique, l'existence de tels groupement de variables suggère qu'il existe des causes de variation communes à certaines des variables observées, et cette indication peut faciliter la recherche de ces causes. (...) Il n'est pas toujours nécessaire d'effectuer des analyses factorielles pour atteindre de façon plus ou moins approchée ces objectifs théoriques ou appliqués. Dans des enquêtes psycho-socio –pédagogiques utilisant un grand nombre de variables (par exemple 250) mesurées sur un grand nombre de sujet (par exemple 10000), on a pu procéder par recoupements pratiqués sur des variables choisies de façon raisonnée, dont on a cherché les liaisons avec d'autres variables également choisies en fonction de certaines hypothèses. De nombreuses autres méthodes d'analyses statistiques sont employées en psychologie différentielle.

3) La psychologie génétique comme méthode:
On peut penser que le fonctionnement de intelligence sous sa forme adulte s'expliquera par la façon dont elle est édifiée dans le cours du développement de l'enfant. C'est pour suivre cette édification que des observations ou des expériences sont pratiquées régulièrement à des âges successifs et que leurs résultats sont comparés (...) Dans la pratique, les travaux portant sur la psychologie génétique de l'intelligence apportent aussi des éléments de connaissance sur l'intelligence de l'enfant en chacun de ses âges successifs, et ouvrent des perspectives d'application, notamment dans le domaine éducatif et pédagogique ”. Reuchlin (M.), op cit.
29) Les différents niveaux de l'organisation de la situation expérimentale :
Définitions:
Les différents niveaux de l'organisation de la situation expérimentale ainsi que les différents plans de l’expérience s'ordonnent en fonction du contrôle plus ou moins rigoureux des variables parasites. Comment définir les plans de l'expérience ?
A cette question implicite (que se pose l'auteur), la réponse réside dans une citation qu'il a repris chez Leplat qui souligne :
“ Dans un sens large, le plan expérience englobe la définition de la situation expérimentale. Dans le sens étroit ou il sera pris ici, il désignera l'ensemble des procédures prescrivant, dans une situation déterminée, le mode de recueil et d'exploitation des données (variables dépendantes) de façon que l'épreuve de l'hypothèse soit satisfaisante. ” Antoine LEON, op cit p : 114.
“ Dans l'organisation de la situation expérimentale en psychopédagogie, on doit choisir entre divers plans d'expérience; ainsi et même que chacun de ces plans est mieux adapté au problème que le chercheur étudie, celui-ci doit – néanmoins – éclairer son choix par la suite d'une taxonomisation des plans d'expérience. pour les ordonner du plus simple au plus élaboré ”. L'auteur se réfère au classement qu'en donnent deux chercheurs: Campbell et Stanley. Ce classement qui s'annonce ainsi:
“ 1) les plans préexpérimentraux;
2) les plans quasi expérimentaux,
3) les plans expérimentaux proprement dits comprenant:
4) les plans factoriels;
5) les plans en carré latin et en carré gréco-latin.
Cette taxonomisation permet au chercheurs (ajoute Antoine LEON) de “ Choisir ou d'adapter les meilleurs de ces plans en fonction du problème étudié, et en tenant compte des limitations imposées par les conditions pratiques de la recherche pédagogique ”. LEON (A.), op cit, p: 115.

L'auteur ajoute : “ Les expériences organisées selon certains plans permettant de rendre cohérentes les différentes activités de l'expérimentateur et la façon dont il traite ses résultats pour parvenir à une conclusion. Une expérience mal organisée n'utilise pas au mieux les possibilités de l'expérimentateur, et elle peut fournir des résultats ne permettant pas de conclure. (...) On sait organiser des expériences au cours desquelles plusieurs variables indépendantes sont modifiées simultanément. Par exemple dans le cas de l'apprentissage massé ou distribué pourront être étudiées chacune sous deux conditions de motivation forte ou faible. Ces deux variables indépendantes considérées simultanément définissent donc quatre conditions expérimentales. Si les sujets sont affectés au hasard à ces quatre conditions, l'expérimentateur pourra répondre à trois questions : L'apprentissage est-il indépendant de sa forme massée ou distribuée? Est-il indépendant du degré de motivation? Les effets éventuels de l'une de ces variables sont-ils indépendant de l'autre ? ”. LEON (A.), op cit.

Les méthodes comparatives:
“ Le psychologue désirant étudier l'influence d'un certain facteur sur une variable. Les réponses, qui ne se formulent toujours, comme on l'a dit, qu'en termes de probabilités, sont obtenues en comparant certains groupes de résultats à certains autres: tous ceux qui ont été obtenus par un apprentissage massé à tous ceux qui ont été obtenus par un apprentissage distribué ; tous ceux qui ont été obtenus en motivation faible à tous ceux qui ont été obtenus en motivation forte; etc.. D'autres méthodes en psychologie utilisent également des comparaisons d'observations en vue de répondre à une question définie. En ce sens ces méthodes prolongent directement les méthodes expérimentales et pourraient leur être rattachées. Elles s'en distinguent cependant par certains caractères qui en font souvent à la fois des méthodes moins précises et des méthodes à champs plus large. C'est pourquoi nous distinguerons ces méthodes “ comparatives ” des méthodes expérimentales ”.
FRAÏSSE (P.) REUCHLIN (M.)
30) L'individuel et le général.
L'auteur commence dans son Manuel de la psychologie expérimentale à douter de la scientificité de la discipline psychologique, et ce tout en pensant que la science en soi n'a d'objet que du général. Or puisque la psychologie est la science de chaque individu, alors elle ne peut en aucun cas s'ériger en science du général. C'est ainsi que Paul Fraïsse souligne dans son manuel :
“ Parce que il n'y a de science que du général, la psychologie qui doit être connaissance de chacun ne saurait s'ériger en science ”. Pour que la psychologie soit une vévitable science l'auteur nous incite à nous aligner sur le sens que lui attribua Aristote. En effet, du point de vue philosophique, Aristote (ajoute Paul Fraïsse), “n'oppose pas le général à l'individuel, mais à contingent. Dans le contexte de sa philosophie, il ne saurait y avoir qu'une science des formes, seules intelligible, et non du contingent qui résulte de l'individualisation par l'union de la forme à la matière non intelligible ”. La pensée moderne (dit Fraïsse) a retenu cet “ aphorisme aristotélicien mais dans un autre sens : elle oppose général à singulier, elle (la science) n'a pas encore renoncée à rendre compte de toutes les particularités d'un corps, d'un organisme ou d'un individu, mais son but est de comprendre le singulier – au sens absolu – serait intelligible ”. Mais qu'en est-il du sens du singulier ? La réponse à cette question implicite que se pose l'auteur, ressort d'une de ses citations où il souligne : “ Le singulier serait ce qui par tous ses caractères, apparaît comme nouveau et inconnu. ” (Cf : Paul Fraïsse: Manuel Pratique de Psychologie Expérimentale, op, cit., pp : 8 & 9).

Mais qu'est-ce que l'individu ? que peut-on faire pour qu'il devienne objet d'étude ? A ces questions l'auteur répond par :
“ Pour que l'individu devienne objet d'étude, il faut qu'il ne soit unique par quelques caractères, tous les autres étant déjà de l'ordre du connu. L'esprit ne procède qu'en réduisant le plus d'aspects possibles du nouveau à l'ancien et chemine ainsi du plus général au plus individuel. Et à la limite l'individuel est un noeud de lois générales. ” Ibid, p : 8 et 9.
Pour expliquer une conduite tel que le Crime par exemple, le psychologue (ajoute Paul Fraïsse) doit y parvenir par “ Le détour des lois générales, en plaçant le cas dans des cadres de moins en moins généraux ”. Cette conduite criminelle finit tôt ou tard par s'expliquer par ce que Paul Fraïsse appelle : “ La manière dont plusieurs lois générales ont réagi les unes sur les autres, les différences entre les individus ne signifient pas que chacun échappe par un ou plusieurs caractères à la loi générale, mais qu'au point de vue envisagé la loi générale a été modifiée par une ou plusieurs autres lois générales (...), la science part des cas individuels pour expliquer le cas individuel par le détour des lois générales. Il n'y a pas d'autre voie de l'intelligibilité ”. Ibid

La psychologie est-elle une science pratique ou une pratique scientifique des savants ?
La réponse à cette question ressort de ce que l'auteur souligne quant à l'objection des phénoménologues à l'égard de la psychologie. Cette objection aux yeux de l'auteur “ ne vise pas le caractère général des lois que la psychologie prétend établir, mais leur nature de loi et la méthode qui y mène. (....), L'objection elle-même repose sur une équivalence entre le passage à la loi par l'induction et l'explication scientifique. Il ne suffit pas que le savant, par le jeu des méthodes de concordance ou de différence, ait décelé la liaison de deux phénomènes pour que le processus soit achevé. A ce stade, il peut aboutir à l'énoncé d'une relation exacte, mais ce n'est qu'une étape sur la voie de l'explication, qui rendra alors la relation intelligible. (...), L'objection de la phénoménologie en première analyse n'atteint que la loi imparfaite, mais non la méthode expérimentale envisagée dans son cycle complet. Il y a plus, il est vrai dans son affirmation que les conduites doivent être comprises et non expliquées. (...), L'induction empirique fait progresser notre connaissance des conduites humaines, alors que les phénoménologues – sur ce plan – se contentent d'exprimer dans leur propre langage, des significations, acquises le plus souvent par les travaux des autres et par les méthodes qu'ils jugent sévèrement ”. Ibid, p : 9 & 10.

Des avis psychologiques non partagées...
Des psychologues sont du même avis que les phénoménologues en insistant, au point de vue méthodologique, sur l'intérêt fondamental que présente l'étude approfondie de cas individuels plutôt que la recherche des caractères généraux de plusieurs cas ”. Cet avis Paul Fraïsse ne le partage pas, il va plus loin pour insister sur l'aspect général d'une conduite, d'un comportement et ce en disant : “ Mais l'étude d'un cas ne peut progresser que si beaucoup d'aspects ont été expliqués par réduction à des lois générales ”. Même la psychologie clinique, elle aussi tend à la généralisation, Freudsouligne Paul Fraïsse – “ a bien abouti à des hypothèses ayant valeur générale ”. Pour distinguer l'être apparent de l'être réalité, “ seule l'étude approfondie d'un cas permet d'éviter de prendre une apparence pour une réalité ”. Ce constat est confirmé par un passage de GOLDSTEIN auquel Paul Fraïsse, n'hésite pas de se référer. Ce passage souligne : “ L'accumulation de faits même très nombreux ne sert à rien, s'ils ont été établis d'une manière imparfaite; elle ne conduit jamais à la connaissance de choses telles que se passent dans la réalité. Il faut choisir des cas qui permettent de porter des jugements décisifs. Mais alors, ce qu'on aura établi dans un cas vaudra aussi pour tous les autres ”. (Cf: Goldstein: La structure de l'organisme, Edit. Gallimard, 1951; p : 25). Citation reprise par Paul Fraïsse, op cit p : 10 & 11).
“ La véritable démarche scientifique doit être dialectique, avec alternativement une étude poussée d'un ou de plusieurs cas, une vérification de l'hypothèse suggérée sur un échantillon plus important, puis un retour à des cas particuliers pour un nouvel approfondissement et ainsi de suite ”. Ibid.
Que faut-il choisir lors d'une situation expérimentale : la multiplicité des cas ou l'exception d'une situation unique à cultiver comme exemple et comme modèle ? A cette question implicite Paul Fraïsse répond en disant :
“ Ce n'est pas la multiplicité des cas qui fonde le caractère général d'une loi ou d'une explication. Le cas unique suffit, mais en théorie seulement, car qui prouvera jamais qu'une source d'erreur n'a pu se glisser dans une observation et que toutes les variables ont été contrôlées ”.
Pour renforcer cet argumentation Paul Fraïsse se réfère à Claude LEVI-STRAUS. pour qui : “ Les cas doivent toujours être sélectionnés et que c'est la base de la sélection qui est la seule en cause. Ainsi et plus le problème est relativement simple et plus le cas étudié risque d'être représentatif ”. “ Le recours à la multiplicité des cas n'est pas un idéal, il est la voie pour séparer le réel de l'accidentel ” Paul Fraïsse, op, cit p : 12 et suiv.
30) La condition de groupe équivalent.
“ L'équivalence des groupes repose sur l'accord préalable quant aux problèmes étudiés. Pour mentionner les équivalences entre des groupes sociaux donnés, le passage des variables biologiques à des variables sociales ou encore à des variables de personnalité, est un moyen pour distinguer des groupes appareillés. Entre eux, les tâches des sujets sont aussi bien homogènes qu'hétérogènes ”. Reuchlin (M.), Manuel de l'étudiant en psychologie, op cit pp : 88 à 99.
“ De ces considérations d'ordres générales sur la méthode analytique en psychologie on doit retenir – pour mieux préciser les problèmes – deux formes qui montrent bien que la méthode expérimentale ne se contente pas de l'étude des fonctions séparées. la première forme est nommée : structurale, tandis que la seconde est baptisée : relationnelle. Le psychologue à une tâche double : d'une part il doit rechercher les instances fondamentales de la personnalité ainsi que leur indépendances. A titre d'exemple, lorsqu'il s'agit d'une réponse, la méthode expérimentale, cherche à établir des lois de structure de type R1 en relation avec R2. Cette analyse relationnelle doit partir de conduites humaines. Et d'autre part, – en plus de la prise en compte de la structure d'une conduite – le psychologue, doit établir des liaisons existantes entre des fonctions, par conséquent, sa méthode expérimentale devienne celle qui choisie les corrélations pour regrouper des conduites afin de dégager des composantes ou des fonctions simples permettant de rendre compte de la variété des réactions. Ces analyses structurales n'impliquent pas le postulat d'une nature humaine indépendante de l'éducation et du milieu. Soustraction par rapport à l'état normal. On peut supposer qu'elle suscitent dans l'organisme atteint une réorganisation fonctionnelle permettant à cet organisme de tirer le parti le meilleur des possibilités qui lui restent. Les modalités de fonctionnement alors observées peuvent être différentes des modalités normales. Cette objection vaut aussi pour les théories psychologiques générales ayant l'ambition de s'appliquer à l'individu normal, mais qui sont fondées sur des observations ou des réflexions pratiques au cours de psychothérapies (psychanalyse).
Les comparaisons peuvent se faire entre sujets normaux et sujets malades ou infirmes. Par exemple, l'étude du rôle du langage dans le développement de l'intelligence peut utiliser la comparaison d'enfants normaux à des enfants qui, sourds, n'ont pu acquérir le langage (sourds-muets étudiés par P. Oléron).
Mais des comparaisons peuvent aussi se faire entre sujets atteints de maladies ou d'infirmités différentes. On a pu se demander dans le cadre de la théorie du développement de l'intelligence de Piaget, si le langage jouait dans ce développement un rôle plus important que l'activité manipulatrice du sujet. On a alors comparé, dans des épreuves d'intelligence, des enfants sourds-muets (handicapés pour le langage, ils ne le sont guère dans leurs activités) à des enfants aveugles (qui parlent notamment, mais ne peuvent avoir une activité aussi libre que celle des enfants voyants) (Travaux d'Y Hatwell).

4) Les méthodes cliniques
On aura sans doute remarqué que les méthodes comparatives diffèrent plus largement les unes des autres que ne différaient entre elles les méthodes expérimentales. Le qualificatif de “ clinique ” est appliqué à des méthodes plus largement différentes encore. Alors que certains d'entre elles sont parfaitement compatibles avec les postulats généraux d'une “ psychologie du vérifiables ”, d'autres rejettent explicitement ces postulats et se situent dans le champ “ d'une psychologie du vécu ” qui n'a plus rien à voir avec la première. D'autre part, il ne faut pas confondre, malgré l'étymologie, la méthode clinique avec le domaine clinique dans lequel certains psychologues collaborent avec des médecins, dans les hôpitaux et les dispensaires. Bien que la méthode clinique soit largement employée dans ce domaine, on y emploi parfois aussi des méthodes de recherches et d'examen relevant d'avantage de la tradition différentielle, notamment par ses aspects statistiques. En outre, la méthode clinique s'applique dans d'autres domaines tels que la psychopédagogie, l'orientation, etc.

Quelques conceptions de la méthode clinique:
Gesell, dont le nom a été déjà cité à propos de l'observation en psychologie génétique, se réclame de la méthode clinique. Il souligne le souci qu'il a eu d'adapter les modalités de l'examen à chaque enfant particulier, de respecter la personnalité de chacun. Peut-être y a t - il une certaine contradiction entre le souci et celui de recueillir des observations comparables (pour des enfants différents, et à des dates différentes pour le même enfant).
Cette orientation des travaux de Gesell, qui en fait la valeur essentielle aux yeux de bien des psychologues de l'enfant, impose en effet une normalisation des procédures d'examen qui est difficilement compatible avec l'orientation clinique. Sous l'effet sans doute de cette dernière, Gesell s'est défendu de fournir des “ normes ”, c'est à dire des résumés statistiques établis sur un échantillon représentatif d'une population et permettant de savoir si un enfant donné, appartenant à cette population, se développe plus vite, aussi vite au moyen vite que la moyenne des autres. Mais il a été facile d'établir de telles normes à partir de ses travaux. Binet avait vécu la même contradiction.
FRAÏSSE (P.) REUCHLIN (M.)

31) Pour étudier un fait, une conduite ou un comportement Paul Fraïsse pense que l'idéal serait de comprendre “ Les processus d'intégration de la personnalité sous leurs aspects généraux ”. Cette étude approfondie des cas, “ doit être saisie non seulement à un moment de leur histoire, mais dans tout le dynamisme de leur évolution ”. Pour contribuer à cette étude, deux approches sont possibles: “ L'étude monographique ne s'oppose pas à l'étude expérimentale. Sur un individu comme sur un groupe, l'observation et l'expérimentation sont possibles mais elles interviennent normalement à des étapes différentes de l'évolution de la science ”. Ibid.
Pour soutenir l'approche généralisante lors de l'étude des phénomènes psychologiques, Paul Fraïsse souligne: “ En bref, les lois psychologiques ont un caractère générale, non parce qu'elles ne dégageraient que ce qu'il y a de commun entre les hommes, mais parce qu'elles cherchent à saisir les rapports réels entre les faits psychologiques. La mise en lumière de ces rapports, loin de détourner la psychologie de la connaissance de l'individuel, permet seule cette connaissance sur un plan scientifique ”. Paul Fraïsse Ibid.

La loi est -elle abstraite ou concrète ?
A cette question implicite l'auteur répond par:
“ La mise en cause du caractère général des lois est parfois présentée au nom de leur nécessaire abstraction, alors que la vie ne nous présente jamais que des situations concrètes ”.
L'auteur pense que la loi scientifique est purement logique. Pour placer le problème de la loi scientifique, Paul Fraïsse évoque d'une manière implicite la problématique de la loi scientifique entre deux méthodes : l'intuition logique et l'intuition expérimentale. Et pour replacer le problème, il a tranche en faveur de l'intuition logique et ce en disant:
“ La loi, au contraire, cherche à rendre compte du phénomène concret, non pas dans son apparence, mais dans sa réalité dynamique. Il est justement de la nature des lois scientifiques, que plus leur valeur explicative est grande et plus grande est leur généralité. Newton n'a pu montrer que la même loi gouverne le cours des astres et la chute des corps qu'en se détournant de l'apparence sensible et concret des phénomènes ”.
Il est donc clair avec Paul Fraïsse, que la vraie loi scientifique adéquate pour l'explication et la légitimation des faits est celle qui est explicative, exhaustive et hypothético-déductive, car Paul Fraïsse met l'accent non seulement sur l'argumentation fondée sur la structure du réel : sur la liaison logique reconnue dans les choses, mais sur l'argumentation fondant la structure de celui-ci. Celle-ci impose au réel des principes logiques, qui sont par essence généraux, reconnus par l'esprit aux choses.

Pour ou contre le caractère général et abstrait des lois scientifiques ?

L'auteur souligne deux points de vues. L'un qui est favorable à l'aspect général des lois scientifiques, l'autre contre cet même aspect. Pour ce qui est du premier, Paul Fraïsse souligne : “ Le reproche d'abstraction formulé contre les lois générales vise souvent le fait qu'elles ne sont que statistiques et reposent sur des moyennes ou des corrélations relatives ”. Pour donner un exemple de ceux qui mettent en cause l'emploi de la mesure en psychologie, Paul Fraïsse fait référence à H Wallon pour qui le nombre ne fait pas partie du psychisme. Wallon à nos yeux dirige ici une critique à l’encontre de Jean Piaget pour qui le nombre n'est que le fruit d'une représentation factice. Et pour renforcer son argumentation, Paul Fraïsse reprend cette même citation de Wallon qui dit : “ (...), En raison de l'antinomie qu'il y aurait entre les qualités du psychisme et les caractères du nombre : comme si le nombre appliqué aux choses devait faire partie de leur nature et y réalisé substantiellement ”.
Après avoir mentionné ceux qui sont contre le caractère abstrait des lois scientifiques, l'auteur mentionne les raisons de ceux qui sont pour la mesure en psychologie, pour la généralisation des résultats obtenus sur un échantillon choisi au hasard. Pour démontrer cela, Paul Fraïsse commence par une référence à une citation de Claude Bernard, pour qui : “ Dans les sciences expérimentales la mesure des phénomènes est un point fondamental, puisque c'est par la détermination quantitative d'un effet relativement à une cause donnée que la loi des phénomènes peut être établie ”. Or, on peut se demander pourquoi à certains endroits le même Claude Bernard s'oppose ouvertement à l'emploi des “ moyennes et de la statistique. ” Pour répondre à cette question, Claude Bernard répond par la recherche d'une taxonomisation des situations de mesure: là où les conditions exactes d'un phénomène sont bien connues et bien déterminées, il serait inutile de recourir à la mesure et à la statistique. C'est ainsi qu'il note :
“ On ira pas par exemple rassembler les cas pour savoir combien de fois il arrivera qu'on coupant le nerf sciatique on ait la paralysie des muscles auxquels il se rend. Ce n'est donc que lorsqu'un phénomène renferme des conditions encore indéterminées qu'on pourrait faire de la statistique; mais ce qu'il faut savoir, c'est qu'on ne fait de la statistique que parce qu'on est dans l'impossibilité de faire autrement, car jamais la statistique suivant moi ne peut donner la vérité scientifique et ne peut constituer par conséquent une méthode scientifique définitive ”.
De ce fait Paul Fraïsse comme Claude Bernard restent au service de la méthode d'observation et de l'interprétation des résultats, car – et à les en croire – la statistique en soi “ établit un fait, qu'elle ne l'explique pas. Elle suggère par l'ensemble des données que les conditions du milieu et d'enseignement sont moins favorables ici que là au développement intellectuel, mais cette hypothèse a besoin d'être vérifiée par des rapprochements avec d'autres faits invoqués ou provoqués ”. Pour achever ce débat Paul Fraïsse glisse à la prise d'une position favorable à l'extension du pouvoir de la statistique ; de ce fait, il mentionne son intérêt et ce en disant: “ La statistique ne se contente pas d'établir des moyennes ou des fréquences qui peuvent masquer notre ignorance. Aujourd'hui elle permet de décider si deux ou plusieurs échantillons de mesure appartiennent à un même ensemble, de déterminer le degré de relation de deux ou plusieurs échantillons de mesure (coefficients de corrélation), de chercher les facteurs simples qui rendraient possible l'interprétation des co-relations de nombreux phénomènes (analyse factorielle) ou de fixer l'influence relative de plusieurs variables agissant simultanément (analyse de la variance)...(...), Au service de l'observation ou de la vérification des hypothèses, la mesure et la statistique restent toujours des moyens. L'idéal du psychologue n'est pas d'obtenir un résultat chiffré mais d'expliquer, et tout doit y rester subordonné ”.Ibid, p : 16 à 18

31) Jean Piaget et son école emploient une méthode qu'ils qualifient aussi de “ clinique ”. Ils refusent une normalisation stricte des procédés d'examen, car ils voient dans cette normalisation une source d'erreur possible (fausser l'orientation d'esprit de l'enfant qu'on interroge, lui suggérer certaines réponses) et une limitation incommode voir stérilisante (le psychologue devant pouvoir faire varier librement les conditions de chaque examen pour s'adapter aux réponses de l'enfant, pour vérifier ses hypothèse dans le contexte de chaque examen particulier). Ce qui est essentiel est de situer chaque réponse dans son contexte mental et ce contexte varie d'un enfant et d'un examen à l'autre. En partie sans doute à cause de cette attitude, Piaget n'emploie guère la méthode statistique qui ne lui paraît pas fournir d'explications sur les processus mentaux dont elle décrit les résultats. En cela il rejoint aussi l'attitude d'esprit de certains expérimentateur. En effet, la méthode de Piaget relève aussi de la méthode expérimentale. Les circonstances dans lesquelles il pratique ces interrogations “ cliniques ” sont de petites expériences au cours desquelles l'enfant est appelé à agir, à manipuler un certain matériel et à donner des raisons de ce qu'il fait et de ce qu'il voit.
Des réticences ou moins le désintérêt à l'égard des méthodes statistiques ont eu sur les travaux de Piaget le même effet que sur celui de Gesell : ils les ont détournés de la description des différences individuelles et ont probablement limité leur applications dans les examens psychologiques individuels. Des épreuves normalisées inspirées des travaux de Piaget ont été cependant construites.
Les travaux de Gesell ou ceux de Piaget peuvent être considérés comme des recherches. Il ne se fondent pas sur une application pratique de la psychologie à des problèmes individuels et ne prétendent pas fonder une telle pratique. Beaucoup d'autres psychologues ayants étudié la méthode clinique l'ont fait à la lumière et en vue d'une activité concrète à l'égard d'individus qu'il s'agit de soigner d'aider, de conseiller.
Parmi eux, A Rey est l'un de ceux qui ne fondent pas leurs travaux sur la psychanalyse. Pour lui, la psychologie clinique est une testologie organisée en fonction du problème posé par le sujet. Des tests normalisés et étalonnés statistiquement sont nécessaires, dans sa conception, pour finir les données du problème individuel, les influences du comportement ”.
FRAÏSSE (P.) La méthodologie de la psychologie expérimentale vue par le Que sais-je ? de Paul Fraïsse
32) Pour conclure sur l'aspect général des lois scientifiques, Paul Fraïsse, reste conséquent et fidèle à son idée de départ : à l'argumentation fondant la structure du réel. C'est ainsi qu'il souligne: “ En définitive, le caractère général, abstrait, quantitatif des lois psychologiques n'est pas imputable à une méthode qui négligerait le singulier, le concret ou le qualitatif, mais au souci de dépasser les apparences pour atteindre des relations réelles entre les phénomènes. L'expérience, la mesure, le recours à la statistique n'ont d'autres buts que d'éliminer les aspects contingent par rapport au phénomènes étudiés. Le cas pur et représentatif est en théorie plus probant qu'un ensemble de cas complexes, mais il n'est pratiquement jamais donné. Le réel est mutilé seulement quand le psychologue ne tient pas compte de toutes les données d'une situation pour se contenter d'étudier des parties qui peuvent avoir des significations différentes dans des ensembles différents ”. Paul Fraïsse, op cit.

Connaissance globale et connaissance analytique:
Pour situer le problème de la connaissance entre le général et le particulier, entre le synthétique et l'analytique, Paul Fraïsse se réfère à deux auteurs: Daniel Lagache et Claude Bernard. Dans cette référence, Paul Fraïsse pense le problème de la connaissance comme étant le reflet d'un débat qui oppose “ les humanistes et les naturaliste ”. Paul Fraïsse doit à Daniel Lagache l'explication de cette distinction. En effet pour Daniel Lagache : “ Selon la tendance humaniste, le tout est antérieur aux parties et ne saurait être recomposé à partir de ses éléments ; tout fait psychologique ne peut être qu'artificiellement isolé de l'ensemble des relations de l'organisme et du milieu ou, en style humaniste, de personne et du monde ”.
Puisque c'est ainsi, Daniel Lagache pense que cette situation n'est plus une situation expérimentale, mais au contraire une situation clinique qui aspire à la psychologie clinique; au sens où “ ce qui la caractérise, ce n'est pas l'emploi exclusif mais la prédominance et la prévalence d'une observation inspirée par le principe de l'unité de l'organisme et orientée vers la totalité des réactions d'un être humain concret et complet aux prises avec une situation ”.
A en croire cette analyse on peut désormais penser qu'à la psychologie clinique est liée la connaissance globale, alors qu'à la psychologie expérimentale est liée la connaissance analytique. Pour s'en expliquer, Paul Fraïsse, se réfère à Claude Bernard pour qui : “ toutes les parties d'un corps vivant sont liées ; elles ne peuvent agir qu'autant qu'elles agissent toutes ensemble: Vouloir en séparer une de la masse, c'est la reporter dans l'ordre des substances mortes, c'est en changer entièrement l'essence (...) Prescrire l'analyse – disait Claude Bernard – des organismes au moyen de l'expérience, c'est arrêter la science ”. En réalité pour Paul Fraïsse, l'approche analytique n'est pas opposée à l'approche globaliste ou synthétique ; elle est au contraire opposée à “ l'intuition, qui est une saisie immédiate de l'être dans son essence, est un mythe que ne saurait réaliser notre esprit, qui, comme le regard ou le discours, ne procède que dans la succession. A moins que l'on nomme intuition l'aptitude à saisir l'essentiel en écartant l'accessoire ”. Paul Fraïsse, op cit p : 19 & 20.

L'analyse des corps est nécessaire.
“ Pour procéder à une telle méthode, la décomposition d'un ensemble en ses parties est une démarche essentielle dans n'importe quelle analyse. Ainsi le fait de connaître un organisme repose sur l'étude fonctionnelle de ses différents éléments. L'important à analyser dans un fait, ce n'est pas ses formes apparentes, mais ses contenus. L'étude des formes est utile mais elle n'est pas nécessaire pour la connaissance des grandes fonctions de notre adaptation dans un tel milieu ou tel autre. Le plus important dans la méthode analytique est la poursuite des différents niveaux de manières simultanées. Pour que la démarche analytique soit adéquate pour la méthodologie expérimentale, la psychologie en tant que discipline autonome doit chercher à analyser les grandes fonctions de l'être humain. Ces mêmes grandes fonctions ne peuvent en aucun cas être dégagées par une simple observation ou une simple étude compréhensive du dynamisme du comportement humain. C'est à partir de cette méthode qu'elle peut échapper aux apriorismes dogmatiques. Par conséquent, la prise en compte de l'interdépendance des fonctions psychologiques hiérarchisées aide à l'évolution de la méthode expérimentale en psychologie, car le fait d'étudier une seule fonction toute en maintenant les autres variables constantes aide par la suite et dans d'autres études à reconnaître le degré de dépendance des autres variables.
Seuls ces travaux permettent de déterminer dans quelle mesure des fonctions sont plus ou moins indépendantes les unes des autres pour enfin progresser dans la connaissance de la personnalité. Or l'exception peut être prise en compte : il arrive parfois qu'une situation devienne une cause déterminante pour la totalité du comportement humain ”. Et pour valider cette hypothèse, Paul Fraïsse cite à nouveau Claude Bernard, pour qui : Une dislocation ou un dérangement des plus complexes peut être ramené à un déterminisme simple initial qui provoque ensuite des déterminismes plus complexes. Inversement, si on veut étudier l'importance de la personnalité dans la réaction à une situation, on pourra maintenir constante cette fois le facteur situation. Deux moyens principaux s'offrent à l'expérimentation, suivant les cas, pour agir sur le facteur personnalité. Il y a des déterminations de la personnalité qui sont variables chez un même individu; mais parfois sinon dans la plupart des cas, les aspects de la personnalité ne sont pas modifiable au gré de l'expérimentateur. Il lui reste alors la possibilité d'utiliser les différences naturelles (innées ou acquises) qui existent entre les individus. Il est aussi possible d'étudier grâce à des plans d'expérience plus complexe, des variations concomitantes, des facteurs S et P.
La psychologie appliquée, clinique, ou psychométrique s'est plus préoccupée de dégager des types, des traits, des facteurs de l'intelligence, voire de la personnalité, selon les principes de l'analyse structurale ”.
32) Dans son petit ouvrage : La psychologie expérimentale, Edit P.U.F, Collection Que sais-je ? Paul Fraïsse (soucieux de la mise en forme et en mouvement de son propre savoir) donne un sens très réduit de la psychologie expérimentale. L'explication quant à cette réduction sera donnée dans l'analyse comparative que nous présenterons dans la prochaine étape (analyses et appréciations des différentes formulations et reformulations), de cette recherche. Pour l'heure tenons à reproduire le texte intégrale qui traite du sens de ce domaine de recherche qui se veut autonome.
Paul Fraïsse dès l'introduction de l'ouvrage souligne:
“ Comment définir la psychologie expérimentale ? Tout simplement comme psychologie élaborée grâce à la méthode expérimentale, méthode qui a fait ses preuves dans les science de la nature: physique, chimie, biologie. Cette définition nous permet d'emblée d'éliminer certains contresens encore trop fréquents aujourd'hui. Et d'abord le mot expérimental n'implique pas le recours à l'expérience au sens banal du terme. Sans doute toute connaissance est fondée sur une forme d'expérience. (...); Mais le psychologue n'a le droit d'employer le mot expérimental que lorsqu'il fait appel à l'expérimentation, c'est-à-dire qu'il organise une expérience. Il serait également simpliste d'assimiler psychologie expérimentale et psychologie du laboratoire. Le Laboratoire est souvent nécessaire à l'expérimentation, mais il n'est qu'un moyen dont la portée est subordonnée au but scientifique poursuivi et à la technique utilisée par l'expérimentateur.
Enfin, la psychologie expérimentale ne se caractérise pas par l'emploi des tests. Ceux-ci ne sont qu'une technique propre à la psychologie appliquée.
Les démarches de la méthode expérimentale appliquées au vivant et en particulier à l'homme ont été analysées magistralement par Claude Bernard en 1860. La première étape consiste à observer avec soin la réalité. Cette phase peut être assez longue, elle reste toujours indispensable, même au cours de l'expérimentation qui doit être poursuivie sous un regard vigilant. Qu'il s'agisse d'une observation fortuite, comme il nous arrive à tous d'en faire, ou systématique, comme peut l'être celle du pédagogue et du médecin, ou organisée, comme il arrive aux premiers stades d'une recherche qui déjà se propose des objectifs est amenée à formuler une hypothèse. Des enquêtes individuels permettent au psychologue d'émettre certaines hypothèses sur les causes de ces influences, hypothèses qui seront vérifiées par l'emploi de tests convenablement choisis. On voit que l'usage de “ normes ” statistiques n'est pas présenté ici comme une sorte de négation de l'individualité: ces normes permettent au contraire de définir explicitement quelle est la position propre de l'individu par rapport à la population. Beaucoup de psychologues cliniciens centrant leur activité pratique ou théorique sur l'individu se rattachant directement ou indirectement à la psychanalyse. C'est le cas notamment pour Daniel Lagache pour qui la psychanalyse est une sorte “ d'ultra-clinique ”, qui pousse plus loin que la psychologie clinique ne peut le faire l'étude des cas individuels. L'attitude méthodologique caractérisant le clinicien se définit ainsi, pour, Daniel Lagache : Envisager la conduite dans la perspective propre, relever aussi fidèlement que possible les manières d'être et de réagir d'un être humain concret et complet aux prises avec une situation, chercher à en établir le sens, la structure et la genèse, déceler les conflits qui motivent et les démarches qui tentent à résoudre ces conflits... Lagache insiste sur l'unité de l'organisme, sur la nécessité de saisir la totalité de ses réactions. Il pense que l'évolution de la psychologie clinique et de la psychologie expérimentale se fait vers une future unité de la psychologie. Pour J. Favez-Boutonier, autre psychologue clinicien se rattachant à la psychanalyse, il est utile au contraire que ces deux méthodes s'affirment indépendantes, voire parfois inconciliables.

Unité et diversité de la méthode clinique :
Il est difficile de dégager, sous cette diversité des conceptions cliniques, des caractères communs très spécifiques. De façon générale, on voit que la méthode clinique se fonde sur l'étude prolongée de cas individuels. Mais cette étude “ prolongée ” peut porter en fait sur des durées très inégales: le temps d'une expérience et d'un entretien dans les travaux de Piaget; des années pour le clinicien d'inspiration psychanalytique qui cherche dans l'enfance de son sujet l'explication de troubles qu'il présente à l'âge adulte. Le fait d'étudier un cas individuel n'implique pas nécessairement que l'on utilise la méthode clinique: la méthode génétique longitudinale, dont il a été question se fonde bien sûr l'analyse de développements individuels, mais elle peut le faire en terme objectif, éventuellement quantitatifs, sans référence à une quelconque dynamique de conflits inconscients saisis par intuition, alors que cette référence constitue pour beaucoup de cliniciens le caractère essentiel de leur méthode. L'emploi de techniques normalisées et quantitatives est en général rejeté, chaque sujet devant fournir le cadre particulier nécessaire à l'interprétation de chacune des conduites; mais, là encore, de notables exceptions ont été signalées.
La méthode clinique se propose en général de n'utiliser que des situations concrètes, mais la définition de ce qu'est une situation concrète varie largement d'un auteur à l'autre. Ce peut être une épreuve et un interrogatoire de forme assez libre pour les uns, une situation conflictuelle amenant le sujet à consulter un psychothérapeute pour les autres. Le caractère unitaire, global, des conduites étudiées peut aussi être invoqué souvent, mais en des sens très largement différents: les lois de totalité régissant les structures de l'intelligence que Piaget décrit, n'ont rien à voir avec les totalités immédiatement significative de a dynamique des motivations. Nous nous limiterons ici à quelques indications relatives au moyens mis en oeuvre par ces derniers. L'entretien du psychologue avec le sujet constitue sans doute la technique clinique par excellence. Il peut être conçu de plusieurs façons très différentes. Il peut constituer l'occasion permettant que s'établisse une rencontre, que se crée ce champ d'intersubjectivité où va jouer l'intuition du psychologue. Le psychologue est engagé dans cette relation au même titre que le sujet, mais il doit pouvoir contrôler ses propres réactions émotionnelles, et certains considèrent qu'il est nécessaire qu'un psychologue choisissant cette modalité d'intervention ait subi lui-même une psychanalyse.
L'entretien peut aussi être conçu dans une perspective non directive. L'ouvrage présent ne peut prétendre résumer l'ensemble des résultats acquis par la méthode expérimentale. De plus gros traités y sont consacrés ”.
(Et l'auteur ajoute une note en bas de page sou forme d'un renvoi au textes originaires de son traité de psychologie expérimentale, un travail d'équipe et que nous venons de citer dans notre introduction). “ Son propos (le propos de la méthode expérimentale) est de montrer dans quel esprit travail la psychologie expérimentale, quelles méthodes elle choisit d'appliquer dans un domaine où beaucoup n'ont pas cru – et ne croient pas encore – que l'expérimentation soit possible et féconde ”.

“ Les limites de l'action du psychologue :
Le psychologue ne pourra jamais tout savoir d'un homme. L'homme n'est pas un objet, d'autant plus qu'il est toujours le sujet d'une existence inachevée. L'homme ne peut être objet pour lui-même car si tel est le cas celui-ci fini tôt ou tard par se figer. Le psychologue doit essayer d'apporter des solutions au problèmes vécus par les sujets. Expliquer l'homme concret: les conduites particulières, peuvent être considérées comme la résultante d'un grand nombre de lois fondamentales.
Dans une perspective universitaire, on peut certainement penser que l'étude des méthodes les plus rigoureuses de la psychologie constitue une culture de base, crée une attitude d'esprit, qui sont indispensables aux étudiants envisageants de se spécialiser à un niveau plus global; et que l'initiation aux méthodologies plus concrètes et plus globales constitue une utile mise en garde pour de futurs expérimentalistes. Un psychologue idéal serait capable de maîtriser toutes les méthodes de la psychologie en leurs différents niveaux et de saisir ainsi toute la hiérarchie des conduites comme une structure unique.
Le développement de chacun des niveaux de recherche est tel, que, dans le cours de sa formation, l'étudiant n'échappera pas en fait à l'inéluctable nécessité d'une spécialisation. On peut seulement souhaiter qu'elle n'intervienne pas prématurément et qu'elle soit choisie en pleine connaissance de cause. Le langage est la manifestation la plus élaborée de la fonction sémiotique qui, d'une manière très générale, consiste à utiliser des signes comme outil de communication et éventuellement comme moyen de représentation. La fonction sémiotique a été abondamment étudiée chez l'animal où on mis en évidence une grande diversité des mots de communication (danse des abeilles, communication par signaux acoustiques chez les oiseaux, par mimiques chez les singes) et certaines capacités symboliques (apprentissage des codes chez les chimpanzés).Elle se manifeste aussi chez le jeune enfant avant l'apparition de la fonction symbolique. Chez homme cette fonction sémiotique ne se réduit pas à l'usage des signes linguistiques (mimiques, codes culturels et sociaux).
Les grands thèmes de la psycholinguistique concernent l'acquisition du langage (tableau chronologiques et mécanismes, relation avec les autres acquisitions) et son rôle dans la communication et dans la représentation.
Les premiers travaux de psycholinguistiques analysant le langage dans le cadre de la théorie mathématique de l'information, théorie qui formalise la communication par une chaîne comprenant un émetteur (avec mécanisme de codage), un canal et un récepteur (avec mécanisme de décodage). Cette théorie permet une quantification de l'information transmise à partir de la mesure de la réduction de l'incertitude relative à l'apparition d'un événement. Par la suite on a mis l'accent sur les relations entre des structures linguistiques innées et le langage considéré comme leur manifestation de surface. A l'heure actuelle la recherche en psycholinguistique est centrée sur l'activité du locuteur et les aspects sémantiques du langage sont passés premier plan. Le langage est étudié en interaction avec les autres fonctions cognitives et l'on tient compte de tous les déterminants extra -linguistiques des conduites langagières (le contexte situationnel par exemple).
La motivation est une condition des diverses activités de l'organisme. il y a deux aspects dans cette notion: un aspect dynamique, la motivation fournit l'énergie nécessaire à la conduite; un aspect directionnel, la conduite est orientée vers un but. En d'autres termes, l'activité dépend de l'état du sujet (besoins, tendances) et de l'environnement (présence de certains stimuli).
La motivation peut être étudiée en elle-même. On demande alors, par exemple, quelle est l'issue des conflits éventuels entre diverses motivations, ou quelle sont les conséquences de la non -satisfaction de certaines motivations. La motivation peut aussi être étudiée en relation avec d'autres domaines de la psychologie: l'apprentissage et la personnalité, notamment.
Une motivation trop faible rend les apprentissages impossibles, mais une motivation trop forte, par la désorganisation de la conduite qu'elle provoque, a également des effets négatifs. De nombreuses théories de la personnalité font de la motivation la base même de la personnalité. Pour la psychanalyse, par exemple, la dynamique motivationnelle est source de conflits (entre motivation, avec la réalité) et c'est le mode de résolution de ces conflits qui explique la structure de la personnalité. A l'heure actuelle, on insiste beaucoup sur les composantes cognitives du phénomène motivationnel: représentation des buts, image de soi, besoins spécifiquement cognitifs (besoins de stimulation, besoin de cohérence). On insiste beaucoup également sur les aspects sociaux des motivations: recherches des facteurs sociaux déterminant les motivations et b leur évolution, analyse de motivations sociales (besoin d'affiliation, besoin de reconnaissance sociale). Nous avons vu que les liens sont étroits entre la psychologie expérimentale et d'autres secteurs de la psychologie comme la psychophysiologie, la psychologie de l'enfant ou la psychologie animale. Il en va de même avec la psychologie mathématique.
L'usage des mathématiques est fréquent en psychologie principalement sous forme de statistiques. Les mathématiques Sont alors employées comme auxiliaires de la psychologie. On parle de psychologie mathématique lorsque l'hypothèse du chercheur se présente sous forme d'un modèle formalisé. (H Rouannet). Il y a alors intégration des mathématiques et de la psychologie. Un tel mode de formulation des hypothèses permet des déductions rigoureuses et conduit à des prédictions précises. Le domaine de la psychologie mathématique, en droit, est aussi vaste que celui de la psychologie expérimentale. On rencontre des travaux faisant appel à la formalisation dans secteurs variés de psychologie: l'apprentissage, les problèmes de décision, vigilance sensori-motrice; elle est également très fréquente en psycholinguistique et en psychologie sociale expérimentale ”.

Complément d'information sur le sens de l'expérimentation vue par Claude Bernard dans L'Introduction à l'étude de la médecine expérimentale.

‘“ Pour être digne de ce nom , l'expérimentateur doit être à la fois théoricien et praticien. S'il doit posséder d'une manière complète l'art d'instituer les faits d'expérience, qui sont les matériaux de la science, il doit aussi se rendre compte clairement des principes scientifiques qui dirigent notre raisonnement au milieu de l'étude expérimentale si variée des phénomènes de la nature. Il serait impossible de séparer ces deux choses : la tête et la main. Une main habile sans la tête qui la dirige est un instrument aveugle; la tête sans la main qui réalise reste impuissante ”. Claude Bernard Introduction à l'étude de la médecine expérimentale. , Edit. G. Flammarion, 1966 p : 27.

Pour une relation de connexion nécessaire entre observation et expérience.L'homme ne peut pas tout observer. C’est ainsi que Claude Bernard souligne : “ ‘Le plus grand nombre échappe naturellement à ses sens et l'observation simple ne lui suffit pas’ ”. Ibid. p 33.

‘“ L'homme ne se borne pas à voir; il pense et veut connaître la signification des phénomènes dont l'observation lui a révélé l'existence. Pour cela il raisonne, compare les faits, les interroge, et, par les réponses qu'il en tire, les contrôle les uns par les autres. C'est ce genre de contrôle, au moyen du raisonnement et des faits, qui constitue, à proprement parler, l'expérience, et c'est le seul procédé que nous ayons pour nous instruire sur la nature des choses qui sont en dehors de nous. Dans le sens philosophique, l'observation montre et l'expérience instruit ”. Ibid. ’ ‘“ L'observation serait la constatation des choses ou des phénomènes tels que la nature nous les offre ordinairement, tandis que l'expérience serait la constatation de phénomènes créés ou déterminés par l'expérimentateur ” . “ L'observateur se distingue de l'expérimentateur; le premier étant passif dans la production des phénomènes, le second y prenant, au contraire, une part directe et active ”. Ibid. ’ ‘“ La séparation entre observation et expérimentation est difficile à faire lorsqu'on descend sur le terrain, cette même séparation peut parfois même entraîner de l'obscurité ” Ibid. p : 34. ’ ‘“ Si l'on voulait admettre que l'observation est caractérisée par cela seul que le savant constate des phénomènes que la nature a produits spontanément et sans son intervention, on ne pourrait cependant pas trouver que l'esprit comme la main reste toujours inactif dans l'observation, et l'on serait amené à distinguer sous ce rapport deux sortes d'observations: les unes passives, les autres actives ”. Ibid. p: 35.

Dans l'observation médicale, C Bernard nous donne l'exemple d'un médecin qui se force à observer des épidémies ou des maladies. Il (le médecin) dit C. Bernard peut faire plusieurs types d'observation:

  1. une observation spontanée et passive, une observation opérée par hasard sans y être conduit par une idée préconçue. Il arrive aussi pour un astronome de regarder le ciel et de faire des observations fortuites et passives. Mais lorsqu'il cherche les raisons du passage par hasard d'une planète devant ses lunettes, il fait par là même des observations actives ou provoquées.
  2. une observation provoquée ou active, celle qui cherche la ou les relations entre la cause (les circonstances métrologiques ou autre ) et l'effet (la maladie ou l'épidémie).
  3. une observation passive ou fortuite, peut aussi s'opérer lors de la constatation des phénomènes qualifiés d'expérience, et là où l'activité manuel de l'expérimentateur n'intervient pas toujours, puisqu'il arrive que ces phénomènes peuvent se présenter comme des observations passives ou fortuites. Ibid.
‘“ L'expérience implique l'idée d'une variation ou d'un trouble intentionnellement apportés par l'investigateur dans les conditions des phénomènes naturels. Cette définition répond en effet a un groupe nombreux d'expériences que l'on pratique en physiologie et qui pourraient s'appeler expérience par destruction. (...), cette définition suppose nécessairement que l'expérimentateur doit pouvoir toucher le corps sur lequel il veut agir, soit en le détruisant, soit en le modifiant afin de connaître ainsi le rôle qu'il remplit dans les phénomènes de la nature ” Ibid. pp :. 37 & 38.’ ‘“ L'expérience n'étant en effet qu'un jugement, elle exige nécessairement comparaison entre deux choses, et ce qui est intentionnel ou actif dans l'expérience, c'est réellement la comparaison que l'esprit veut faire. (...), Il n'est donc pas nécessaire que l'un des faits à comparer soit considéré comme un trouble; d'autant plus qu'il n'y a dans la nature rien de troublé ni d'anormal; tout se passe suivant des lois qui sont absolues, c'est-à-dire toujours normales et déterminées. Les effets varient en raison des conditions qui les manifestent mais les lois ne varient pas. L'état physiologique et l'état pathologique sont régis par les mêmes forces, et ils ne diffèrent que par les conditions particulières dans lesquelles la loi véritable se manifeste ”. Ibid. p : 39. ’ ‘“ Acquérir de l'expérience et s'appuyer sur l'observation est autre chose que faire des expériences et faire des observations ”, carnous dit Claude Bernard -: l'expérience doit être liée à l'instruction. en effet, “ dans la langue française, le mot expérience signifie d'une manière générale et abstraite l'instruction acquise par l'usage de la vie. Quand on applique à un médecin le mot expérience pris au singulier, il exprime l'instruction qu'il acquise par l'exercice de la médecine, (...) Ensuite on a donné par extension et dans un sens correct le nom d'expériences aux faits qui nous fournissent cette instruction expérimentale des choses ” Ibid. p: 39 & 40. ’ ‘“ Quand on parle d'une manière abstraite, et quand on dit s'appuyer sur l'observation et acquérir de l'expérience, cela signifie que l'observation est le point d'appui de l'esprit qui raisonne, et l'expérience le point d'appui de l'esprit qui conclut ou mieux encore le fruit d'un raisonnement juste appliqué à l'interprétation de faits. D'où qu'il suit qu'on peut acquérir de l'expérience sans faire des expériences , par cela seul qu'on raisonne convenablement sur les faits bien établis, de même que l'on peut faire des expériences et des observations sans acquérir de l'expérience, si l'on se borne à la constatation des faits ”. Ibid.’

Pour affirmer que l'homme est libre face aux faits, Claude Bernard se réfère à Goethe duquel il retient cette citation: ‘“ L'expérience corrige l'homme chaque jour’ ”; Claude Bernard l'explique et la détaille en disant: “ ‘L'observation est donc ce qui montre les faits; l'expérience est ce qui instruit sur les faits et ce qui donne de l'expérience relativement à une chose. Mais comme cette instruction ne peut arriver que par une comparaison et un jugement, c'est-à-dire par suite d'un raisonnement, il en résulte que l'homme seul est capable d'acquérir de l'expérience et de se perfectionner par elle’ ”. Ibid. p : 40.

Pour Claude Bernard, l'expérience n'a de sens qu'en relation avec le raisonnement: “ ‘L'expérience peut donc s'acquérir par un raisonnement empirique et inconscient; mais cette marche obscure et spontanée de l'esprit a été érigée par le savant en une méthode claire et raisonnée, qui procède alors plus rapidement et d'une manière consciente vers un but déterminé. Telle est la méthode expérimentale dans les sciences, d'après laquelle l'expérience est toujours acquise en vertu d'un raisonnement précis établi sur une idée qu'à fait naître l'observation et que contrôle l'expérience. (...), La méthode expérimentale ne fait pas autre chose que porter un jugement sur les faits qui nous entourent, à l'aide d'un critérium qui n'est lui-même qu'un autre fait disposé de façon à contrôler le jugement et à donner l'expérience ”. Prise dans ce sens général, l'expérience est l'unique source des connaissances humaines. L'esprit n'a en lui-même que le sentiment d'une relation nécessaire dans les choses, mais il ne peut connaître la forme de cette relation que par l'expérience’ ”. Ibid. p : 41 & 42.

Au niveau de la recherche scientifique Claude Bernard pose deux principes: le premier est celui de la distinction de l'observateur et de l'expérimentateur; le second est celui de la distinction entre ce qu'il appelle: méthode d'investigation et méthode d'observation. Deux chapitres sont consacré à ces études. Voici quelques citations qui peuvent résumer ses différents propos quant à cette différenciation.

Dans le chapitre III, Claude Bernard souligne:

‘“ Dans l'investigation considérée comme art de recherches expérimentales, il n'y a que des faits mis en lumière par l'investigateur et constatés le plus rigoureusement possible à l'aide des moyens les mieux appropriés. Il n'y a plus lieu de distinguer ici l'observateur de l'expérimentateur par la nature des procédés de recherches mis en usage. (...), l'observateur et l'expérimentateur sont des investigateurs qui cherchent à constater les faits de leurs mieux et qui emploient à cet effet des moyens d'étude plus ou moins compliqués, selon la complexité des phénomènes qu'ils étudient Ils peuvent, l'un et l'autre, avoir besoin de la même activité manuelle et intellectuelle, de la même habileté, du même esprit d'investigation, pour créer et perfectionner les même appareils ou instrument d'investigation qui leur sont communs pour la plupart ”. Ibid. pp. : 42 & 43.

Pour souligner le poids de l'exception, le poids du détail aussi bien de l'idée que de l'ouverture sur les faits, Claude Bernard termine ce paragraphe III, par cette citation: “ ‘(..) en un mot, les plus grandes vérités scientifiques ont leurs racines dans les détails de l'investigation expérimentale qui constituent en quelque sorte le sol dans lequel ces vérités se développent (..) bien sentir toute l'importance de tous ces détails de procédés d'investigation, qui sont souvent ignorés et méprisés par les faux savants qui s'intitulent généralisateurs’ ” Ibid. p : 44.

Dans le chapitre IV,contrairement au précédent –, Claude Bernard, procède cette fois-ci à une distinction entre l'observateur qui incarne les sciences d'observation, et l'expérimentateur qui représentent les sciences de l'expérimentation. Dans le chapitre précédent, l'auteur procède par l'argumentation de la non distinction, argument de coexistence et de substitution, il y a donc négation qui témoigne de la non opposition et de l'observateur, et de l'expérimentateur. Or qu'ici, on retrouve à nouveau, l'argument de la négation de la négation: une argumentation du distinguo. De ce fait, Claude Bernard pose une question et à laquelle tout de suite après il donnera une réponse. La question s'annonce : “ ‘Où donc se trouve dès lors, demandera t-on, la distinction entre l'observateur et l'expérimentateur ? La voici: on donne le nom d'observateur à celui qui applique les procédés d'investigation simples ou complexe à l'étude des phénomènes qu'il ne fait pas varier et qu'il recueille, par conséquent, tels que la nature les lui offre. On donne le nom d'expérimentateur à celui qui emploie les procédés d'investigation simples ou complexes pour faire varier ou modifier, dans un but quelconque, les phénomènes naturels et les faire apparaître dans les circonstances ou dans des conditions dans lesquelles la nature ne les lui présentait pas. Dans ce sens, l'observation est l'investigation d'un phénomène naturel, et l'expérience est l'investigation d'un phénomène modifié par l'investigateur’ ”. Ibid. p : 45.

‘“ La simple constatation des faits ne pourra jamais parvenir à constituer une science. On aurait beau multiplier les faits ou les observations, que cela n'en apprendrai pas davantage. Pour s'instruire, il faut nécessairement raisonner sur ce que l'on a observé, comparer les faits et les juger par d'autres faits qui servent de contrôle ”. Ibid. ’ ‘“ (...), l'observateur se transformant en expérimentateur, imagine des procédés d'investigation pour pénétrer dans les corps et faire varier les conditions des phénomènes ”. L'expérimentation n'est que la mise en oeuvre des procédés d'investigation qui sont spéciaux à l'expérimentateur ”. Ibid., p : 46. ’ ‘“ C'est là précisément dans cette puissance de l'investigateur d'agir sur les phénomènes, que se trouve la différence qui sépare les sciences dites d'expérimentation, des sciences dites d'observation. ” Ibid. p : 47. ’ ‘“ (...), Il n'y a pas, au point de vue de méthode philosophique, de différence essentielles entre les sciences d'observation et les sciences d'expérimentation, il en existe cependant une réelle au point de vue des conséquences pratiques que l'homme peut en tirer, et relativement à la puissance qu'il acquiert par leur moyen. Dans les sciences d'observation, l'homme observe et raisonne expérimentalement, mais il n'expérimente pas; et dans ce sens on pourrait dire qu'une science d'observation est une science passive. Dans les sciences d'expérimentation, l'homme observe, mais de plus en plus il agit sur la matière, en analyse les propriétés et provoque à son profit l'apparition de phénomènes, qui sans doute se passent toujours suivant les lois naturelles, mais dans les conditions que la nature n'avait souvent pas encore réalisée. A l'aide de ces sciences expérimentales actives, l'homme devient un inventeur de phénomènes, un véritable contremaître de la création; et l'on ne saurait, sous ce rapport, assigner de limites à la puissance qu'il peut acquérir sur la nature, par les progrès futurs des sciences expérimentales ”.’

Pour soutenir une idée chère à Kant et à Hegel, à savoir celle du sens qui réside dans “ le frisson de sens ” qui, lui, surgit des faits observés fortuitement et qui témoigne de ce que François Dagognet pensera plus tard sous l'idée de “ Toute chose palpite de la vie ”, Claude Bernard n'hésite pas à rappeler que parfois la nature peut nous donner des modèles de vie. C'est ainsi qu'il souligne : “ ‘(...), on a pu soutenir que la vie était indivisible et qu'on devait se borner à observer les phénomènes que nous offrent dans leur ensemble les organismes vivants sains et malades, et se contenter de raisonner sur les faits observés ”. Or dans le chapitre V, il reste fidèle à son raisonnement de la négation de la négation surtout quant il rappelle que “ l'expérience n'est au fond qu'une observation provoqué’ ”. Ibid. p : 48 & 49.

Claude Bernard va dans le chapitre V essayer de nous montrer en quoi le fait de l'expérimentation est-il diffèrent de celui de l'observation. C'est ainsi qu'il souligne :

‘“ Malgré la différence importante que nous venons de signaler entre les sciences dites d'observation et les sciences dites d'expérimentation, l'observateur et l'expérimentateur n'en ont pas moins, dans leurs investigations, pour but commun et immédiat d'établir et de constater des faits ou des phénomènes aussi rigoureusement que possible, et à l'aide des moyens les mieux appropriés; ils se comportent absolument comme s'il s'agissait de deux observations ordinaires. Ce n'est en effet qu'une constatation de fait dans les deux cas; la seule différence consiste en ce que le fait que doit constater l'expérimentateur ne s'étant pas présenté naturellement à lui, il a dû le faire apparaître, c'est-à-dire le provoquer par une raison particulière et dans un but déterminé. D'où il suit que l'on peut dire: l'expérience n'est au fond qu'une observation provoquée dans un but quelconque. Dans la méthode expérimentale, la recherche, des faits, c'est-à-dire l'investigation, s'accompagne toujours d'un raisonnement, de sorte que le plus ordinairement l'expérimentateur fait une expérience pour contrôler ou vérifier la valeur d'une idée expérimentale. Alors on peut dire que, dans ce cas, l'expérience est une observation provoquée dans un but de contrôle ”. Ibid. p : 49. ’ ‘“ (...), Pour contrôler une idée il n'est pas toujours absolument nécessaire de faire soi-même une expérience ou une observation. On sera seulement forcé de recourir à l'expérimentation, quand l'observation que l'on doit provoquer n'existe pas toute préparée dans la nature ”. Ibid.

Claude Bernard insiste donc bien, sur le fait que l'invocation et la provocation des faits ont pour objectif le contrôle et la vérification des idées expérimentales. A ce même sujet, l'auteur nous incite à nous appuyer sur le déjà-là, sur les connaissances et les expériences acquises par d'autres. De ce fait, il renforce son argumentation par le biais d'une référence à un principe implicite : celui du processus de l'inspiration propre à la création. C'est ainsi qu'il souligne :

‘“ Mais si une observation est déjà réalisée, soit accidentellement, soit même par les mais d'un auteur investigateur, alors on la prendra toute faite et on l'invoquera simplement pour servir de vérification à l'idée expérimentale. Ce qui se résumerait encore en disant que, dans ce cas, l'expérience n'est qu'une observation invoquée dans un but de contrôle. (..) et pour raisonner expérimentalement, il faut généralement avoir une idée et invoquer ou provoquer ensuite des faits, c'est-à-dire des observations, pour contrôler cette idée préconçue. ” Ibid. p : 50.

De cette idée que l'observateur impose aux faits, Claude Bernard glisse à la définition de ce qu'elle peut engendrer à savoir ce qu'il appelle: “ L'expérience pour voir ”. Pour lui, ces expériences, “ ‘sont destinées à faire surgir une première observation imprévue et indéterminée d'avance, mais dans l'apparition pourra suggérer une idée expérimentale et ouvrir une voie de recherche. (...) on peut donc dire alors que l'expérience est une observation provoquée dans le but de faire naître une idée’ ”. Ibid. p : 50 & 51.

Pour finir ce chapitre, Claude Bernard résume la méthodologie expérimentale en trois rôles :

  1. le rôle de l'investigateur: L'investigateur “ Cherche et conclut ; il comprend l'observateur et l'expérimentateur, il poursuit la découverte d'idées nouvelles, en même temps qu'il cherche des faits pour en tirer une conclusion ou une expérience propre à contrôler d'autres idées ”. Ibid.
  2. le rôle de l'expérimentateur: L'expérimentateur “ est celui qui invoque ou provoque, dans des conditions déterminées, des faits d'observation pour en tirer l'enseignement qu'il désire, c'est-à-dire l'expérience ”.Ibid.
  3. le rôle de l'observateur: L'observateur, “ est celui qui obtient les faits d'observation et qui juge s'ils sont bien établis et constatés à l'aide de moyens convenables. Sans cela, les conclusions basées sur ces faits seraient sans fondement solide. C'est ainsi que l'expérimentateur doit être un bon observateur, et que dans la méthode expérimentale, l'expérience et l'observation marchent toujours de front ”.Ibid.p: 51.

Au sujet de cette non opposition, Claude Bernard fait immédiatement suivre un chapitre : le VI, pour justement expliquer ce qu'il vient de souligner dans le précédent. Ce chapitre s'intitule : ‘“ Dans le raisonnement expérimental, l'expérimentateur ne se sépare pas de l'observateur ’”. Qu'en est-il donc de cette non séparation ?

D'abord, (dit Claude Bernard) ,   ‘Le savant doit avoir une idée qu'il soumet au contrôle des faits ; mais en même temps il doit s'assurer que les faits qui servent de point de départ ou de contrôle à son idée, sont justes et établis ; c'est pourquoi il doit être lui-même à la fois observateur et expérimentateur’ ”. Pour affirmer la spécificité et le risque de l'observation dans le domaine de la pratique scientifique, Claude Bernard, met en garde l'observateur contre une simple observation fortuite. C'est ainsi qu'il souligne :

‘“ L'observateur ne doit avoir d'autre souci que de se prémunir contre les erreurs d'observation qui pourraient lui faire voir incomplètement ou mal définir un phénomène . A cet effet, il met en usage tous les instrument qui pourront l'aider à rendre son observation plus complète. L'observateur doit être le photographe des phénomènes, son observation doit représenter exactement la nature. Il faut observer sans idée préconçue; l'esprit de l'observateur doit être passif, c'est-à-dire; il écoute la nature et écrit sous sa dictée. (...) L'esprit de l'expérimentateur doit être actif, c'est-à-dire qu'il doit interroger la nature et lui poser les questions dans tous les sens, suivant les diverses hypothèses qui lui sont suggérées. (...), L'expérimentateur doit alors disparaître ou plutôt se transformer instantanément en observateur; et ce n'est qu'après qu'il aura constaté les résultats de l'expérience absolument comme ceux d'une observation ordinaire, que son esprit reviendra pour raisonner, comparer et juger si l'hypothèse expérimentale est vérifiée ou infirmée par ces mêmes résultats. (...) l'expérimentateur pose des questions à la nature; mais que dès qu'elle parle, il doit se taire; il doit constater ce qu'elle répond, l'écouter jusqu'au bout, et, dans tous les cas, se soumettre à ses décisions. L'expérimentateur doit forcer la nature à se dévoiler, a t -on dit. Oui, sans doute, l'expérimentateur force la nature à se dévoiler, en l'attaquant et en lui posant et en lui posant des questions dans tous les sens; mais il ne doit jamais répondre pour elle ni écouter incomplètement ses réponses en ne prenant dans l'expérience que la partie des résultats qui favorisent ou confirment l'hypothèse. (...) l'expérimentateur ne doit pas tenir à son idée autrement que comme à un moyen de solliciter une réponse de la nature. Mais il doit soumettre son idée à la nature et être prêt à l'abandonner, à la modifier ou à la changer, suivant ce que l'observation des phénomènes qu'il a provoqués lui enseignera (..), il y a donc deux opérations à considérer dans une expérience. La première consiste à préméditer et à réaliser les conditions de l'expérience; la deuxième consiste à constater les résultats de l'expérience. Il n'est pas possible d'instituer une expérience sans une idée préconçue; instituer une expérience avons -nous dit, c'est poser une question; on ne conçoit jamais une question sans l'idée qui sollicite la réponse. Je considère donc, en principe absolu, que l'expérience doit toujours être instituée en vue d'une idée préconçue, peu importe que cette idée soit plus ou moins vague, plus ou moins bien définie. Quant à la constatation des résultats de l'expérience, qui n'est elle-même qu'une observation provoquée, je pose également en principe qu'elle doit être faite là comme dans toute autre observation, c'est-à-dire sans idée préconçue ”. Ibid. p : 51-52 et 53.’

Pour légitimer l'emploi de la présence de l'idée dans le monde sensible, (un héritage issu du retour à Kant), Claude Bernard met l'accent sur l'importance des hypothèses, c'est-à-dire des idées préconçues, et ce en disant : ‘Ceux qui ont condamné l'emploi des hypothèses et des idées préconçues dans la méthode expérimentale ont eu tord de confondre l'invention de l'expérience avec la constatation de ses résultats. Il est vrai de dire qu'il faut constater les résultats de l'expérience avec un esprit dépouillé d'hypothèses et d'idées préconçues. Mais il faudrait bien se garder de proscrire l'usage des hypothèses et des idées quand il s'agit d'instituer l'expérience ou d'imaginer des moyens d'observation. (...), On doit au contraire donner libre carrière à son imagination; c'est l'idée qui est le principe de tout raisonnement et de toute invention, c'est à elle que revient toute espèce d'initiative. On ne saurait l'étouffer ni la chasser sous prétexte qu'elle peut nuire, il ne faut que la régler et lui donner un critérium, ce qui est bien différent. Le savant complet est celui qui embrasse à la fois la théorie et la pratique expérimentale. 1: Il constate un fait; 2: à propos de ce fait, une idée naît dans son esprit; 3: en vue de cette idée, il raisonne, institue une expérience, en imagine et en réalise les conditions matérielles. 4: De cette expérience résultent de nouveaux phénomènes qu'il faut observer, et ainsi de suite. L'esprit du savant se trouve en quelque sorte toujours placé entre deux observations: l'une qui sert de point de départ au raisonnement, et l'autre qui lui sert de conclusion (...) L'observateur et l'expérimentateur répondraient donc à des phases différentes de la recherche expérimentale. L'observateur ne raisonne plus, il constate; l'expérimentateur au contraire, raisonne et se fonde sur des faits acquis pour en imaginer et en provoquer rationnellement d'autres. Mais, si l'on peut, dans la théorie et d'une manière abstraite, distinguer l'observateur de l'expérimentateur, il semble impossible dans la pratique de les séparer, puisque nous voyons que nécessairement le même investigateur est alternativement observateur et expérimentateur’  ”. Ibid. p : 54 & 55.

A lire la totalité de l'ouvrage : Introduction à l'étude de la médecine expérimentale, on s'aperçoit de l'idée qui consiste à dire que tout produit intellectuel est à la fois la racine et le fruit du climat qui régnait à son époque, ainsi, la définition de la philosophie est liée à son historie, d'autant plus qu'on ne peut en aucun cas – comme le pense Heidegger – pensait sans histoire de la pensée. Toute pensée est aussi bien historique qu'historial, et non pas anhistorique.

Chez Claude Bernard le retour à Kant et parfois même à Hegel, est fortement ressenti. Le passage qui peut en tout cas légitimer notre propos s'annonce comme suit : ‘(...) Mais il arrive le plus souvent que dans l'évolution de la science, les diverses parties du raisonnement expérimental sont le partage de plusieurs hommes. Ainsi il en est qui, soit en médecine, soit en histoire naturelle, n'ont fait que recueillir et rassembler des observations; d'autres ont pu émettre des hypothèses plus ou moins ingénieuses et plus ou moins probables fondées sur ces observations; puis d'autres sont venus réaliser expérimentalement les conditions propres à faire naître l'expérience qui devrait contrôler ces hypothèses; enfin il en est d'autres qui se sont appliqués plus particulièrement à généraliser et à systématiser les résultats obtenus par des divers observateurs et expérimentateurs’  ”. Ibid.

Ce passage rappel, l'idée de la rencontre et du rendez -vous, idées avancées depuis par Kant ; comme il rappel aussi les propos de Hegel, pour qui cette même rencontre est en elle-même un travail d'équipe qui nous est parvenu de génération en génération et qui constitue même le sens de la création artistique, à propos de laquelle Hegel (tout en légitimant le principe logique de la combinatoire dans les oeuvres d'art) disait : ‘“ Tout ce que nous voyons – disait-il – représenté et reproduit sur les tableaux à la science ou ailleurs, nous le trouvons déjà dans ce que nous tenons du cercle plus ou moins étroit de nos amis et de nos propres connaissances’  ”.

Dans la perspective d'une invitation à un travail d'équipe, Claude Bernard est resté fidèle à l'idée de la rencontre et du rendez-vous. C'est d'ailleurs l'esprit du laboratoire et l'esprit même de science médicale et expérimentale, qu'incarnait Claude Bernard. C'est avec cet appel qu'il achève sont Introduction... ainsi que son premier chapitre consacré à la définition et à la détermination du sens de méthodologie expérimentale en tant que raisonnement et non pas en tant que simple méthode. C'est ainsi qu'il souligne : ‘Toutefois la science expérimentale ne saurait avancer par un seul des côté de la méthode pris séparément; elle ne marche que par la réunion de toute les parties de la méthode concourant vers un but commun. (...) l'hypothèse expérimentale n'est que l'idée scientifique, préconçue ou anticipée. La théorie n'est que l'idée scientifique contrôlée par l'expérience. Le raisonnement ne sert qu'à donner une forme à nos idées, de sorte que tout se ramène primitivement et finalement à une idée. C'est l'idée qui constitue, le point de départ ou le primum movens de tout raisonnement scientifique, et c'est elle qui en est également le but dans l'aspiration de l'esprit vers l'inconnu’  ”.Ibid. p : 55 & 56.

3 : La méthodologie de la psychologie expérimentale est une logique de la recherche du sens.