3.2.1. L'exorde : prooimion.

A travers cette étape, qui consiste à annoncer et à problématiser le sujet, on constate que l'auteur du Que sais-je ? est fidèle à la problématisation de l'énoncé-sujet. C'est à partir d'un questionnement posé dès la première ligne du texte du Traité, ainsi que dans celui du Que sais-je ? que l'on peut dire que l'auteur est proche de l'effort scientifique et philosophique plus que de celui de la didactique. En revanche dans son texte du Manuel , le questionnement n'est pas avancé. Cela nous force à présupposer que le texte du Que sais-je ? incarne la forme de la vulgarisation de la transposition didactique des concepts scientifiques de la méthodologie expérimentale appliquée à la psychologie et à la physiologie. Car du point de vue historique, le texte du Que sais-je ? est postérieur au texte du Manuel et à celui du Traité, puisqu'il date de 1966.

Pour nous rendre bienveillant, attentif et docile, l'auteur dans son texte didactique et scientifique nous implique dans son objet de savoir. C'est ainsi qu'il prend des exemples proches de l'être humain pour faciliter l'accès à l'appropriation des contenus et des concepts. Cette argumentation par l'exemple surgit plus des textes du Manuel et de ceux du Que sais-je ?, que de ceux du Traité. Dans le Manuel didactique, l'argumentation par l'exemple prend en revanche une forme imagée.

A nous maintenir à ces différents écrits de Paul Fraïsse, on peut constater un dépassement par rapport au texte scientifique de Claude Bernard. Ce dépassement repose sur le principe de la vigilance épistémologique. En effet, si les étapes de la méthodologie scientifique (une fois analysées et expliquées) peuvent servir les chercheurs des sciences exactes à expérimenter le réel d'une manière indifférenciée, alors cela ne vas pas de soi dans le domaine des sciences humaines. Car pour comprendre un fait, cela ne va pas de soi. C'est à partir de ce doute qu'il y a une sorte de continuité relative avec Claude Bernard qui lui aussi a avancé un doute quant au raisonnement expérimental. L'argumentation qui est poursuivie par Paul Fraïsse n'est pas celle qui est fondée sur le modèle. Elle est au contraire celle de l'anti-modèle, d’une inspiration issue de l’argumentation du précédent en vue de marquer celle du dépassement puisque le doute n’est pas le même chez les deux hommes. C'est ainsi que l'auteur du Traité de la psychologie expérimentale , annonce (à partir de sa conception) de la première étape de la méthodologie scientifique à savoir celle de l'observation que : ‘“ L'expérimentation doit être poursuivie sous un regard vigilant ”’. Si chez Claude Bernard le doute est quasi-ontologique, alors il n'en va pas de même pour Paul Fraïsse pour qui le doute est un doute méthodique.

Le mot “ vigilance ” est ici très significatif. Il est une manière d'inciter à la vigilance épistémologique, qui n'est rien d'autre que la critique de la provenance d'un concept. Car ce qui nous trompe est qu'un concept désigne et explique, la désignation est la même mais l'explication est différente, comme le disait déjà G. Bachelard. Le texte du Traité de Paul Fraïsse incite donc à la distinction des contenus de la méthode expérimentale en psychologie et surtout lorsque celle-ci est exposée ou appliquée dans le domaine des sciences de l'homme.

Puisque dans l'exorde le sujet est annoncé sous la forme d'un questionnement problématique, l'important est alors de savoir les techniques à travers lesquelles l'auteur expose les faits et les problématiques de son objet de savoir. Bien que ces techniques soient nombreuses, il n'empêche que l'on peut ajouter une autre : la narration, à celle qui vient de précéder.