3.2.4. La péroraison : épilogos.

Elle résume le discours et le termine par un appel en général pathétique. Après le plaire et l'instruire, la péroraison est le moment d'émouvoir un discours. Elle s'exprime dans le texte du Que sais-je ? à partir du choix de l'auteur. Celui-ci a bien choisi son sujet : la psychologie du Baccalauréat et la psychologie Universitaire. Ces sujets, depuis quelques années, traduisent en effet la crise de l'Éducation. De ce fait, le texte du Que sais-je ? devenu celui de la vulgarisation scientifique de la transposition didactique, dépasse à travers ce choix le texte scientifique du Traité. Il dépasse par là-même le texte "originaire" de Claude Bernard, qui a porté une intention aux pratiques des médecins, et à l'art de la médecine.

Cette distinction est due à la différence de l'esprit de deux époques. L'une, celle de Claude Bernard, incarne la crise de la médecine ; l'autre, celle de Paul Fraïsse, témoigne de la crise de l'éducation et de l'enseignement. Cela nous mène à rappeler ici le propos de M. Tardy, qui a pensé que : “ La méthodologie de la transposition didactique d'une discipline quelconque finit peu ou prou de s'inspirer de la méthodologie de la discipline correspondante 652  ”. Mais parfois la nécessité imposée par l'histoire des faits sociaux, oblige le chercheur à penser dans une direction plutôt que dans une autre, au lieu de le pousser à obéir à un changement d'ordre lexical ou syntagmatique. Car les échos, les cris, bref les propositions sont en général ceux des hommes qui agissent en fonction de leurs représentations, en fonction de leurs projets d'actions, projetés dans le monde sensible. Au dessous des propositions, il y a en effet des cris, disait Michel Foucoult.

Le dernier alinéa de l'introduction du texte du Que sais-je ? montre que l'auteur fait un appel tout en nous incitant à jeter un regard sur quelques psychologies contemporaines pour évaluer le degré d'expérimentation qui réside en chaque domaine de recherche. Après avoir fait le bilan de quelques disciplines, l'auteur conclut sur la fécondité de l'expérimentation, sur sa possibilité dans des domaines multiples et variés de la vie humaine. Cette extension à laquelle l'auteur nous incite, rend son texte plus didactique que scientifique. Il est ainsi parce que son élocution (lexis) comme étant la mise en style du discours, fait partie intégrante de la catégorie d'un style simple qu'on peut qualifier de tenue. On le remarque fort bien dans l'absence des mots techniques, dans l'absence d'une terminologie complexe. La simplicité de son style rend le contenu de son texte accessible à un public large. Par conséquent bien qu'il soit construit sur le modèle des sciences exactes, on peut le qualifier de didactique et de la vulgarisation de la transposition didactique, du moment que dans le Manuel et dans le Traité, la mise en forme de la méthodologie expérimentale est la tâche de ses travaux.

Nous venons de voir que tous les textes de nos auteurs obéissent à une logique argumentative d'autorité et à une logique rhétorique qui concilie deux figures contradictoires : la prosopopée et l'apostrophe. Voilà la raison pour laquelle nous pensons que le problème de la transposition didactique est à l'opposé de celui de la vulgarisation scientifique dont Daniel Jacobi pense qu'il est simplement rhétorique. L'effort didactique réussi est celui qui est à la fois argumentatif et rhétorique. Cet effort synthétique de la nature intelligible et de la nature sensible de l'homme, correspond à la définition de l'homme être raisonnable, en terme de tâche. C'est d'ailleurs à propos de cette définition que l'on assigne ici à l'homme, qu'Aristote disait que celui-ci est “ un animal politique ”. Par exemple dans les textes de Paul Fraïsse, notamment dans le Traité et dans le Que sais-je ? l'argument dominant est celui de l'autorité savante. Cet argument emprunte deux techniques : une argumentation fondée sur la structure du réel, et une autre qui la fonde. Mais qu'en est-il de l'argument qui sert la transposition didactique dont témoigne le Manuel didactique ?

Pour répondre à cette question, on doit revoir le texte du Manuel didactique de la psychologie expérimentale de Paul Fraïsse, datant de 1956. Ce texte incarne deux aspects de la fabrication du savoir. D'une part, il témoigne de l'aspect de la transposition didactique et d'autre part de celui de la vulgarisation didactique. La première remarque que l'on peut faire en observant, à première vue ce texte du Manuel, est que son taux de figuratif est plus élevé, par rapport à celui du texte du Que sais-je ? et du Traité. Il est élevé parce qu'en le comparant dans son intégralité à celui du Traité, on constate d'abord qu'il est volumineux. Mais ce taux de figuratif est aussi moins élevé, parce que si l'on s'astreint à comptabiliser les pages qui traitent de la méthode expérimentale et de sa défense en psychologie, on ne peut comptabiliser qu'une vingtaine. Par contre dans le Traité, qui présente une écriture serrée traitant de la défense de la méthodologie expérimentale en psychologie, ses pages dépassant fort bien les vingts cinq. Cela signifie que le texte du Manuel est plus pédagogique par rapport au texte scientifique du Traité, car l'auteur emploie dans le Manuel des images pour faciliter l'appropriation des concepts psychologiques à des étudiants de D.E.U.G. L'auteur s'y réserve à une courte introduction quant à la question de la méthodologie expérimentale. Cette démarche est légitimée par la tâche pédagogique dont le souci n'est pas de faire comprendre les sens de la méthode, mais la pratique de l'effort didactique. Cela montre qu'à l'Université chaque étudiant possède sa propre méthode et sa propre conception de ce qui pourrait être l'expérimentation en psychologie. L'important est qu'en situation de laboratoire chaque étudiant doit se concentrer sur la tâche commune, imposée lors des travaux pratiques. Ce texte du Manuel se propose de faire un long développement sur les contenus de l'objet du savoir, d'où son développement des processus supérieurs de la personnalité à savoir la perception, la sensation, l'intelligence, la mémoire, la motivation, le langage et la communication.

De cet approfondissement, on doit retenir le poids et la valeur de l'image didactique. L'étude de l'argumentation distincte de ce texte montre, à travers les différents arguments d'illustration dont il use, son intérêt didactique. Comme on peut en effet le constater, il se propose de développer des points qu'il ne nomme pas. Ces points s'annoncent sous forme de petit : 1, petit : 2, jusqu'à petit : 24. Ils sont en réalité des problèmes que l'auteur préfère de ne pas délivrer à ses apprenants-étudiants. Ces points seront développés plus tard sous forme d'un Traité avec une équipe de recherche. On peut à titre d'exemple, mentionner la distinction établie par le Traité..., entre la méthode clinique et la méthode expérimentale. Cette distinction n'est pas présente dans "le point petit : 1" du Manuel didactique. En plus, de la non distinction entre la méthode expérimentale en physiologie et la méthode expérimentale en psychologie vient s'ajouter la non distinction entre d'une part, la psychologie du laboratoire et psychologie expérimentale, et d'autre part entre psychologie animale et psychologie expérimentale. Cela signifie au fond que l'argumentation du distinguo que nous avons déjà rencontré dans les textes scientifiques du même auteur (Paul Fraïsse), se dissout, pour laisser la place à celle de la substitution. On assiste dans le texte didactique à du renvoi comme dans le texte de la vulgarisation de la transposition didactique produit par Antoine Léon à travers son Manuel de psychopédagogie expérimentale.

La citation de Paul Fraïsse (qui fut à la fois un enseignant et un didacticien), est une citation qui renvoie les étudiants à chercher le sens de ces confusions, dans de mauvaises habitudes dont on ne connaît pas le comportement. Le texte du Manuel didactique de Fraïsse, ne mentionne pas les ouvrages, qui constituent le lieu inapproprié de cette recherche. La citation qui exprime ce renvoi insaisissable et obscur éclate dès la première page du Manuel où l'auteur souligne : “ Ces confusions sont entretenues, il est vrai par de mauvaises habitudes qui se retrouvent dans les dénominations des chaires et des laboratoires, des certificats et des diplômes et jusque dans les titres des ouvrages ”. Cette provocation intellectuelle est légitime, car elle se veut une convocation : une occasion privilégiée pour inciter les étudiants à la recherche. Mais qui l'affirmerait ? Ce texte didactique est construit sur le même modèle que celui d'Antoine Léon. Car le renvoi est le lieu commun pour les deux auteurs. L'effort didactique du texte du Manuel de Paul Fraïsse surgit du traitement des notions en parties, en fragments de points, au lieu de les traiter en une totalité problématisée. Le texte du Manuel est un texte qui ne se propose pas de “ brouiller un écheveau ”, comme c'était le cas dans le Traité. Il préfère “ de pêcher dans l'eau trouble ”, dit-il. Ces deux formulations marquent une identité dans la différence. De même que celui qui pêche dans l'eau trouble, essaye (tout en interrogeant en direction de la chose du savoir), de comprendre, de surmonter les obstacles et les situations problèmes, il en va de même pour le travail de celui qui s'astreint à brouiller un écheveau, un travail qui se donne la peine pour éviter la complexité en vue d'atteindre le degré le plus élevé de la simplicité.

Dans la perspective de l'extension du pouvoir cognitif dont témoigne la technique de l'ouverture expérimentale qui s'ouvre (via l'altérité radicale) sur la mémoire des concepts et des savoirs, et qui prend en compte les pratiques sociales de références, on peut se demander si cette extension, cet élargissement des possibilités est toujours de la progression. Autrement dit, tout élargissement des possibilités n'est-il pas en quelque sorte un rétrécissement ? Sachant bien que parfois tout progrès n'est pas toujours de la progression. D'ailleurs Adorno a souligné cela tout en faisant le procès d'une technique de la programmabilité et de l'administration des oeuvres d'arts dont font partie les produits du savoir scientifique. C'est ainsi qu'Adorno souligne : “ ‘Il est devenu que tout ce qui concerne l'art, tant en lui-même que dans sa relation au tout, ne va plus de soi, pas même son droit à l'existence’ ” 653 . Daniel Jacobi est conscient des critiques que l'École de Francfort a dirigée contre la vulgarisation scientifique, une technique méthodologique qu'il soutient, qu'il appelle de ses voeux et qu'il considère comme une École parallèle. Sans vouloir trahir cet auteur, – ni même lui faire regretter la discussion et le débat qui ont eu lieu entre nous lors de notre rencontre à l'occasion de sa conférence qu'il a prononcé devant les étudiants de philosophie de la Faculté Jean Moulin Lyon III –, on veut simplement lui faire remarquer – puisqu'il continue encore à soutenir l'idée d'une possibilité d'une science de la vulgarisation scientifique – que cette même technique (si riche soit-elle) comporte quelques risques, qui traduisent ce qu'on peut appeler avec Emmanuel Meunier : “ la petite peur du XX siècle ” 654 . Petite certainement, mais c'est quand même une crainte ! Il est vrai que dans les faits on doit parfois craindre ce qui est petit car faute d'être cultivé et critiqué, il risquerait de devenir grand, un monstre. La monstruosité de la "causerie pédagogique" qui se dissimule de la vulgarisation scientifique, est celle du traitement des petites parties d'un tout au lieu de traiter de l'exhaustivité de la totalité. Car la partie n'est pas toujours égale au tout. Pour expliquer cela, on doit comparer les différentes formulations à travers les textes que nous avons avancés, textes qui tentent de définir le sens de la méthodologie expérimentale en sciences de la nature et en psychologie expérimentale. Par conséquent, notre schéma O. H. E. R. I. C, du départ, va connaître des approfondissements et des altérations, des renvois à des sens qui, tantôt tournent autour de la polysémisation, tantôt autour de la monosémisation et parfois même autour de l'asémisation. D'une manière générale, on peut affirmer que l'argument de la définition est l'argument majeur qui gouverne tous ces textes. En effet les auteurs du texte de didactique, du texte scientifique et du texte de vulgarisation, s'astreignent à définir plusieurs notions (étapes de la méthodologie scientifique) et plusieurs processus supérieurs de la personnalité. Notons que l'argument de la définition est un cas d'identité. Il prétend établir une identité entre le définit et le définissant. A travers lui, on a le droit de substituer l'un à l'autre dans un discours. Par exemple, dans les écrits du Que sais-je ?, on remarque que Paul Fraïsse use de l'argument de définition pour marquer une définition descriptive. L'auteur y décrit la psychologie expérimentale et les étapes de la méthodologie scientifique, analysées magistralement par C. Bernard. Il transpose ces méthodes et il les applique à son objet d'étude. Ces mêmes démarches seront à nouveau appliquées en psychopédagogie par Antoine Léon, mais aussi dans le texte : Guide pratique de l'étudiant en psychologie par Maurice Reuchlin. Puisque la définition avancée par ces textes, de cet objet d'étude est une définition descriptive, alors nous proposons de qualifier le texte du Que sais-je ? ainsi que celui du Manuel comme étant des textes descriptifs. A partir de là, on peut dire qu'il n'existe aucune différence entre l'effort pédagogique qui vulgarise et qui décrit, et l'effort didactique qui prescrit tout en arraisonnant des contenus de savoir, des situations d'apprentissages et les mémoires des faits.

Toutes les transpositions didactiques qui correspondent au texte de Claude Bernard, traduisent quelques problèmes d'ordre épistémologiques. Elles décontextualisent (dans la plupart des cas) le schéma OHERIC et la technique expérimentale de la visée de l'auteur de l'Introduction à l'étude de la médecine expérimentale. Si pour Claude Bernard, le schéma scientifique expérimental est en effet strictement composé de trois phases, alors il n'en va de même pour les autres auteurs qui s'y réfèrent. La phrase de Claude Bernard qui montre fort bien ces trois étapes souligne : “ ‘La méthode expérimentale est d'abord une démarche qui comporte obligatoirement trois phases : l'observation, l'hypothèse et l'expérience’ ”. Pour l'auteur de l'Introduction... le schéma : O .H. E, qu'on propose désormais de lire : "observation, hypothèse et expérience", est d'une part un raisonnement, une démarche, et non pas une méthode à laquelle il faut à tout prix se restreindre. D'autre part, ce schéma (si l'on en croît cet auteur), ne doit pas faire l'exception de la jouissance méthodologique. Mais il n'en va pas de même pour Paul Fraïsse, qui annonce à son propos une polysémisation et ce tout en le considérant comme une méthode qui possède des tâches multiples. Le lieu commun pour les deux auteurs est celui de l'ouverture du schéma expérimental à d'autres pratiques possibles. Parmi ces pratiques, on peut citer celles que mentionne Paul Fraïsse, à savoir la décomposition des faits, l'organisation des situations, la production et la prédiction des faits, la provocation et l'invocation de l'expérience etc.. C'est ainsi que Paul Fraïsse pense que c'est à travers ce schéma, dont les étapes sont multiples, que le sujet peut éprouver ou prouver des hypothèses. Voilà la raison pour laquelle Paul Fraïsse pense que ce schéma doit être soumis à évolution pour s'étendre à d'autres domaines. Cette évolution a permis la multiplication de ce schéma, car si avec Claude Bernard il représente trois étapes, alors il comporte avec Paul Fraïsse six étapes. Ces dernières s'annoncent comme suit :

Premièrement, il y a l'observation, que l'auteur classe en plusieurs niveaux. Deuxièmement, l'établissement des hypothèses que l'expérimentateur-observateur d'espaces possibles, range en plusieurs catégories ; troisièmement, l'expérimentation qu'il qualifie dans l'ordre. Quatrièmement, la vérification qu'il impose aux faits. Cinquièmement, le résultat qu'il apprécie une fois acquise. Et sixièmement, la conclusion qu'il maintient, qu'il généralise. Cela ressort en effet du Traité de Paul Fraïsse et non pas de son Manuel, encore moins du Que sais-je ? Si chaque auteur traite de l'expérimentation à sa guise, alors on peut à cet égard maintenir le procédé de Wöfflin, pour qui, l'activité artistique doit s'écarter de l'emploi du "nous". Car dans le domaine de l'art (dont la pédagogie et la didactique en font partie), le principe de l'anonymat l'emporte sur tout autre principe. De ce fait, on peut légitimer cette liberté du traitement des auteurs qui prolongent le sens de l'action méthodologique de l'expérimentation. Par conséquent, la traduction, la transposition, la paraphrase, la vulgarisation ou encore la décontextualisation et la dépersonnalisation du schéma bernardien, sont des pratiques légitimes. Mais jusqu’alors on n'a pas encore mentionné les conditions de cette possibilité, ainsi que les prix, les risques qu'elle engendre. Dans toute tentative de simplification, il y a en effet du contre sens, de la contre pensée. Si l'on en croît Edgar Morin, on peut alors laisser penser que toute tentative du passage du paradigme de la complexité à celui de la simplicité n'est au fond rien d'autre qu'une traduction de la pensée complexe, qui témoigne du vrai problème de la falsification des vrais contenus lors du passage du complexe au simple. D'ailleurs dans le domaine de la psychologie cognitive, la connaissance de l'erreur est une chose honorable, mais son enseignement ne l'est pas toujours. C'est pour cette même raison que Paul Fraïsse a laissé penser que ce qui est honorable de connaître n'est pas toujours honorable de l'enseigner. Car d'une part il existe des limites à l'expérimentation, et d'autre part, dans les faits humains, il n'y a que du passage du complexe au complexe du moment que le domaine de la psychologie qui est un domaine proprement humain, est animé par des imprévus. A ce propos posons quelques questions :

Est-ce que le fait psychologique est une chose pour qu'il soit administré tel que le pense le texte de la vulgarisation scientifique de la transposition didactique d'Antoine Léon, texte qui incite à l'administration de la preuve ? Est-ce que par exemple, ce qui vaut comme preuve pour une classe, pour une société ou pour un peuple vaut délibérément pour toutes les classes et pour tous les hommes?

Pour répondre, on doit avoir présent à l'esprit ce passage de Nietzsche qui pense la différence entre les êtres humains en situations d'acquisitions des contenus. Cette différence marque la finitude délimité par l'étant, dont Heidegger dira plus tard que l'homme se heurte à son semblable comme il se heurte à un étant. Nietzsche a pensé cette limite comme puisant son fondement dans la différence,dans la nécessité de maintenir une liberté qui puise son fondement dans le doit à la reconnaissance de la différence entre les êtres humains. C'est ainsi que Nietzsche souligne : “ ‘Bien ne signifie plus bien dans la bouche du voisin. Et comment y aurait-il un bien commun ? Le mot renferme une contradiction : Ce qui peut être commun n'a jamais que peu de valeur. Finalement, il en sera comme il en a toujours été : Les grandes choses appartiendront aux grands hommes, les profondeurs aux hommes profonds, le raffinement et le frisson aux hommes raffinés et, en un mot, tout ce qui est rare aux hommes rares’ 655  ”. Le fait d'écrire, de publier, de vulgariser pour marquer ce que Nietzsche pensait en terme d'extension du pouvoir cognitif, est l'un des grands biens qui puissent à arriver à l'homme être raisonnable soumis à l'éducation. C'est à lui seul que revient le mérite de la transformation du désert de l'ignorance en une terre de l'intelligence, fleurie et fertile. Les contraintes des écritures et des expressions, qui obéissent à des règles de la méthodologie du travail ainsi qu'à celles de la recherche, sont des états de faits qui différencient les individus. Ces derniers puisqu'ils sont différents ayant des capacités cognitives différentes, cela est une raison de plus pour chercher à démystifier le savoir, à le reformuler, à le vulgariser en vue de l'étendre à un public large qui est par essence différents. Mais la vulgarisation scientifique dans sa conception actuelle réalise t-elle l'effort de la pédagogie et de la didactique de la différenciations ? Si l'on s'en tient à la Revue la Recherche dont parle Daniel Jacobi, alors on est forcé de constater et de croire que les contenus de cette Revue ne sont pas toujours assimilés ni même acquis par le grand public large, dont elle se proclame. On peut se demander si le fait d'ouvrir les portes de la Cité des Etoiles de Toulouse à un public large sous prétexte de le former et mettre en mouvement le savoir et les acquisitions scientifiques du domaine spatial, relève t-il de la jouissance scientifique, de la curiosité savante ou de la mise en mouvement de l'information qui puise son sens dans la publicité ? C'est en général le désir de la découverte qui anime à nos yeux les sujets, qui demeure l'invariant fonctionnel aussi bien pour le pôle de la formation que pour celui de l'information.

Les textes de nos auteurs témoignent d'une diversité méthodologique. Cette diversité est due à celle du public auquel s'adresse chaque texte. Mais le public ne peut comprendre des notions qu'à partir du langage dans le quel on s'adresse à lui. De cette différence langagière surgit le problème des trames conceptuelles. Ce problème est engendré par les changements des répertoires lexicaux. Prenons pour élucider cela, les différentes fonctions que remplissent certains discours de nos textes. Comme on peut le constater, l'observation comme étant la première étape de la méthodologie scientifique, prend (dans ces textes) des sens si différents. Elle est par exemple dans le texte de Maurice Reuchlin renvoyée à du non sens. Lorsque en effet cet auteur pose la question : “ ‘Comment résumer des données d'observation et comment raisonner sur ces données ?’ ” 656 , il ne définit pas l'étape de la méthodologie de la recherche, il avance au contraire d'autres problèmes qui n'ont rien avoir avec la première étape de la méthodologie expérimentale. C'est ainsi que Reuchlin avance une série de procédures non expliquées, tout en renvoyant à des indéfinissables et ce comme s’il était conscient du problème des indiscernables notionnels de l'expérimentation en psychologie. C'est ainsi que des formulations comme : “ ‘C'est seulement d'un point de vue tout à fait théorique... ’” 657 . Ce point de vue dont on ne saura que l'expression et non pas le contenu, n'est pas claire, bien qu'il soit mentionné comme étant celui du sujet. Il en va de même pour la formulation : ‘“ Certains psychologues expérimentalistes conservent en partie cette attitude...’ ” 658 . L'auteur laisse plusieurs notions psychologiques inexplicables. On ne sait pas par exemple de quelle idée théorique s'agit-il lorsque le psychologue veut défendre un projet ? On ne sais pas non plus ce que signifient le sujet, la situation ? On ne sait pas non plus ce que signifie ce mécanisme général auquel l'auteur fait ici allusion ? On ne sais même pas comment une explication valable pour un sujet peut-elle être valable pour tous les autres ? Tant de sujets qui sont évacués dans son Manuel pratique guide de l'étudiant en psychologie. En réalité, cette évacuation métamorphose les résultats. Nous pensons que ce guide est un mauvais guide, maladroit. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on s'oppose (de la même manière que Michel Tardy), à ce qui se publie dans la quasi-totalité des ouvrages de la recherche pédagogique.

Dans la perspective de la fabrication du schéma O .H .E .R .I .C, en tant qu'objet du savoir à être enseigné, on doit noter que ce schéma va devenir aussi (avec nos différents auteurs didacticiens et vulgarisateurs) un objet d'enseignement. Mais la différence que ces auteurs ont avec la conception que Claude Bernard attribut à l'observation, repose sur le principe de définition en tant qu'argument. En effet, puisque Claude Bernard donne d'une part une définition descriptive des choses-ci, et d'autre part il maintient une ouverture à l'égard des impressions sensibles, alors ces deux attitudes nous donnent une raison supplémentaire pour penser les visées de cet auteur sous le courant philosophique qui fait l'éloge de la relation de connexion nécessaire qui réside entre les concepts, les idées et les faits. On peut légitimer ce propos lorsqu'on connaît son Introduction à l'étude de la médecine expérimentale, là où l'observation prend un sens distinct du sentiment. Pour Claude Bernard par exemple, la connaissance de l'homme-religieux est différente de celle de l'homme-savant. Pour le premier, le sens de la vérité repose sur une transposition du sentiment personnel et arbitraire, propre à la personne du religieux, alors qu'elle est pour le second un processus de raisonnement expérimental où l'observation et l'expérimentation sont deux phases tout à fait différentes l'une de l'autre. Cette différence n'est pas mentionnée dans le texte pédagogique de Maurice Reuchlin et dans celui d'Antoine Léon. Si dans le sentiment il n'y a pas de raison, cela ne signifie pas l'absence d'une certaine vérité arbitraire. Il y a en effet dans le sentiment des vérités que l'on ne trouve même pas dans le raisonnement expérimental. Ces vérités doivent aux yeux de Claude Bernard, conserver leur spontanéité. Car comme celui-ci le souligne fort bien : ‘“ L'art c'est moi, la science c'est nous’ ”. De ce lieu de la quantité qui est celui du "Nous", surgit un autre lieu, celui de la qualité. L'important dans l'observation scientifique ce n'est donc pas l'ouverture sur les sentiments, ce n'est pas l'appréciation de la simple apparence, mais l'important est la recherche de la réalité et de la vérité des choses. Cela ne peut se réaliser qu'à partir d'une argumentation du distinguo, à travers laquelle Claude Bernard propose (au sein même du réel observable), de distinguer plusieurs choses. Parmi les principes qu'il faut distinguer, Claude Bernard cite la différence entre technique d'observation et technique d'expérimentation, la différence entre l'art de découvrir, et l'art de connaître, la différence entre méthode et raisonnement. Cela nous ramène à l'appréciation d'un fait tout en doutant de sa facticité.

Notes
652.

Tardy (M.), op, cit.

653.

. Adorno (T. W.), op cit

654.

Voir Emmanuel Meunier, La petite peur du XX ème Siècle La Baconnière, Edit du Seuil 1948. Cité par Tardy (M), in Le professeur et les images P.U.F 1966 pp : 10 et 11.

655.

Nietzsche (F.), Op cit.

656.

Reuchlin (M.), Guide de l'Etudiant en psychologie , op cit. p : 69.

657.

Ibid.

658.

Ibid. p : 69 & 70.