5.1. Les enjeux épistémologiques de la transposition didactique et pédagogique du schéma O.H.E.R.I.C.

5.1.1. Transposition didactique stricto-sensus entre la référence et la signification.

Pour résumer d'une manière schématique le processus de la transposition didactique du schéma O.H.E.R.I.C, on doit rappeler que le texte de Claude Bernard est le texte-source de tous les auteurs dont nous venons d’étudier et de présenter les différentes fomes de transpositions didactiques. Ce même texte a donné naissance à deux sortes de transpositions didactiques. L'une que nous appelons stricto-sensus, et l'autre, sensus-lato. Pour mieux saisir l'application de ces concepts avancés par Y. Chevallard, il est important de les mettre en forme. Pour y parvenir on doit donc rappeler que le texte de Claude Bernard a influencé les deux auteurs tout en contribuant à la mise en forme (par Paul Fraïsse) du texte Histoire et méthode TI du Traité, et des textes à la fois de Maurice Reuchlin et d'Antoine Léon. Mais on ne peut en aucun cas nous aventurer à penser que le texte de Claude Bernard a contribué activement (et d'une manière directe) aux différents travaux d'Antoine Léon et de Maurice Reuchlin bien que ces deux auteurs s'y réfèrent en quelques lignes seulement, car les problèmes que ce savant biologiste a rencontré, ne se manifestent pas clairement dans les travaux de ces auteurs à vocation psychologique et psychopédagogique. De ce fait, on doit penser à un autre type de transposition didactique opposé au premier à savoir celui que nous appelons avec Y. Chevalard : sensus-lato.

Si la transposition didactique stricto-sensus, est aux yeux de Chevallard, “ Le passage d'un contenu de savoir précis à une version didactique de cet même objet de savoir ”, alors cette définition s'applique au premier niveau de la relation, niveau où Paul Fraïsse a tenté de transposer le schéma initial de Claude Bernard dans le domaine de la psychologie expérimentale. A l'inverse, la transposition didactique sensus-lato est aux yeux de Chevallard “ ‘L'étude scientifique du processus de transposition didactique en terme de passage de l'implicite à l'explicite, de la pratique à la théorie, de préconstruit au construit’ ”. Cette démarche est fortement présente chez Paul Fraïsse qui depuis 1956. Il a tenté dans son Manuel pratique d'expliciter à ses apprenants les différentes méthodes de la recherche expérimentale avant même de penser à la publication d'un Traité difficile d'accès, un Traité qu'il a soumis à ses pairs : Jean Piaget et Pièrre Oléron. Il en va de même pour Antoine Léon et Maurice Reuchlin qui se référaient davantage à Paul Fraïsse et beaucoup moins au texte de Claude Bernard. Ceux-ci sont dans la lignée de la transposition didactique sensus-lato, car à travers leurs démarches, ils ont essayé – malgré les détériorations qu'ils ont subi au schéma bernardien – de théoriser leurs pratiques, de mettre en forme des théories diverses, de construire un corpus destiné à aider les chercheurs dans leurs démarches. Cela a rendu simpliste leur travaux pratiques portant sur les étapes de la recherche dans le domaine de la psychopédagogie. Voilà la raison pour laquelle nous pensons qu'ils n'ont pas explicité le schéma O.H.E.R.I.C du départ, mais qu'ils sont tenté d'expliciter leurs propres pratiques ainsi que les difficultés qu'ils ont rencontré dans leurs travaux en tant que praticiens de diverses théories.

Ayant décrit les deux niveaux de la transposition didactique, quels sont donc les enjeux épistémologiques qu'ils engagent ?

Pour répondre à cette question, on doit partir de notre propre débat intellectuel que nous allons désormais mener avec Willard-Wan-Orman Quine, qui, dans son ouvrage intitulé : La poursuite de la vérité 738 propose quelques pistes et quelques éléments de réponses implicites à notre question précédante. Nous proposons d'expliciter et d'appliquer ces réponses aux deux précédants nivaux de la transposition didactique.

A la transposition didactique stricto-sensus, qui n'est rien d'autre que le passage d'un contenu de savoir bien précis, ésotérique, difficile d'accès à sa version didactique, correspond deux problèmes épistémologiques majeurs que W. V. O. Quine nome la référence et la signification. On retrouve cette idée présente chez M. Develay, pour qui le savoir-savant pose en lui-même le problème de la signification et de la référence. D'ailleurs et comme Michel Develay le laisse entendre, il y a bien des “ ‘Difficultés à statuer sur l'origine du savoir savant, sur le niveau d'enseignement où l'on regarde ce que devient le savoir savant’ ” 739 . C'est cette même difficulté que nous tenons donc à débattre avec Quine. Quant à l'autre difficulté qui se dissimule lors de la transposition didactique sensus-lato que nous venons de définir avec Y. Chevallard, elle une difficulté qui traduit d'autres problèmes qui ne sont pas de l'ordre du spéculatif, mais de l'ordre du pratique. La légitimité de ce que Quine nomme : l'apport théorique, qui renferme, ce que l'auteur de La poursuite de la vérité appelle : les normes et les buts, le holisme et l'imprégnation théorique, repose sur la considération de ces problèmes auxquels se heurte la transposition didactique du schéma O.H.E.R.I.C. Ces mêmes problèmes avancés par Quine et pa Michel Develay, sont fortement ressentis dans la quasi-totalité des travaux de nos auteurs. Pour mieux clarifier certains enjeux épistémologiques qu'ils engendrent, on propose de traiter d'une part de la transposition didactique stricto-sensus entre la référence et la signification, et d'autre part de la transposition didactique sensus-lato, dans sa relation avec l'apport empirique.

Notes
738.

Quine (Willard-Wan-Orman), La poursuite de la Vérité. Edit. Seuil 1993.

739.

Develay (M.), peut-on former les enseignants  ? op cit.