5.1.4. La vie humaine ainsi que son expérience sont une sphère de modèles.

Si la nature de la vie est marquée par des conflits, par des contradictions et par des duretés, alors cela est une raison pour la prendre comme modèle en vue de gérer ses situations pour en créer des formes, des ordres et des organisations politico-économiques et éducatives concrètes. Ces formes peuvent devenir un principe scientifique de formation. Dans le texte didactique d'Antoine Léon, cette initiative est fortement ressentie, car l'auteur n'est plus – comme le cas pour Claude Bernard – du côté de l'ontologique, du côté de la recherche du sens de l'être en tant qu'être, du côté de l'ouverture de l'expérimentation aux phénomènes de la vie physique et physiologique, mais l'auteur du Manuel de psychopédagogie expérimentale, cherche à fonder un autre type d'expérimentation qui n'est rien d'autre que sa pratique relationnelle qui émerge de la tâche, des obstacles et les difficultés rencontrés dans son interaction à l'égard des apprenants, qui, eux, ne savent pas encore. Ces obstacles sont l'oeuvre de toute relation éducative que rencontre n'importe quel chercheur dans ses travaux pratiques. De ce fait, on peut laisser penser avec l'auteur pédagogue et didacticien qu'on n'est plus dans le registre de l'ontologique, mais dans celui de l'anthropologique.

Cependant et avant de passer à ce que nous avons nommé avec Quine l'ontologie désamorcée qui est l'une des caractéristiques des textes didactiques et des textes de la vulgarisation scientifiques, résumons en quelques lignes le sens des situations problèmes inhérentes à la vie de l'être humain dans ses recherches et dans ses apprentissages.

A nous maintenir aux situations problèmes des apprenants, on peut dire que celles-ci sont l'un des motifs, l'un des stimuli qui nous poussent à penser l'instauration d'un pouvoir didactique qui veille sur le bien fondé de la transposition des savoirs et des connaissances. Le motif de la mise en forme des situations problèmes ne repose pas sur l'acte de créer d'autres situations à problèmes, mais il est un acte qui s'astreint à en résoudre d'autres, car après tout – et comme nous l'avons évoqué avec G. Bachelard – la création d'une situation problème est une contre pensée, qui au lieu de libérer l'auditoire apprenant, elle l'aliène sous les effets du silence et de l'abandon. Ainsi dans une situation problème où l'apprenant est livré à lui-même, le sens n'est plus imposé dans la nature, il est au contraire déduit de celle-ci. Si l'on s'en tient à l'analyse avancée par Claude Bernard, alors on peut dire que celui-ci n'a pas simplement suivi la nature pour faire de simples découverts, il a au contraire fait preuve de son action aussi bien spéculative que pratique. Si la pratique didactique engage une relation où l'on se situe en continuité permanente avec le déjà-là, alors l'acte du bien penser les problèmes didactiques et pédagogiques ne sera rien d'autre que de penser dans les signes, dans les gestes, et dans les actes observés. Ceux-ci seront cultivés de la même manière que l'on cultive des formes artistiques et esthétiques pour en sortir des formes vivantes déjà vécues par l'homme qui les a mis en forme. Mais l'enjeu est que dans cette perspective les actions de la programmabilité du savoir, de sa taxonomisation et de l'évaluation de sa haute ou de sa basse densité discursive, ne seront plus pris en compte. De ce fait, la condition qui s'impose est la possibilité d'un engagement organisationnel pour une construction des manières de voir, pour une construction des concepts, pour une programmabilité des savoirs en vue d'en distinguer ce qui est gnosiologiquement connaissable et scolarisable. Car nous avons déjà mentionné que tout ce qui est honorable de connaître n'est pas toujours honorable de l'enseigner. Cette tâche ne peut être réalisée à condition qu'elle passe par deux engagements. L'un est subjectif, l'autre est objectif. Les deux, ensemble réunis, permettent d'ordonner l'expérience humaine de l'apprenant d'après des points de vue déterminés et adaptés à la vie scolaire ou universitaire. C'est d'ailleurs le souci des écrits de nos auteurs didacticiens et vulgarisateurs, qui malgré l'insuffisance de leurs contenus, ils ont réussi à traiter des parties d'un tout. Par conséquent, leur argumentation pédagogique et didactique reste convainquante, car ils ont voulu à tout paris administrer la preuve pour mettre en mouvement des connaissances et des savoirs tout en les soumettant à ceux qui ne connaissent pas encore. Ils n'ont pas suivi la présentation d'une argumentation discursive. Nos auteurs didacticiens et vulgarisateurs ont présenté une argumentation à caractère de clarté esthétique. Nous pensons qu'il n'y a rien de moins objectif que leur engagement qui est en soi purement subjectif, car ils ont tenu à mettre en place leurs choix qu'ils ont manifesté à travers la mise en forme d'une écriture à incarnant le paradigme de la simplicité complexe. Ils ont d'abord prolongé les vérités acquises, tout en s'ouvrant ensuite sur les savoirs déjà constitués en vue de les falsifier et de les simplifier. Cet engagement n'est pas toujours celui de toute la communauté scientifique.

Ces deux engagements montrent qu'en droit, dans la nature on ne doit rien négliger. On doit faire passer n'importe quelle utilité pour une nécessité. C'est en tout cas l'un des engagements primaire de Claude Bernard pour le texte scientifique de l'Introduction... C'est aussi celui de Paul Fraïsse et d'Antoine Léon pour les textes didactique et de la vulgarisation. Les auteurs en effet, n'ont rien laisser passer sous silence. Ils ont essayé d'acquérir une vue d'ensemble sur toute la sphère de la vie humaine. Du point de vue de l'humanisation de la connaissance et des savoirs, qui sont l'une des perspectives éducative et pédagogique, on peut dire que ces auteurs incarnant la pensée simpliste avaient le souci de l'ouverture sur le langage ordinaire, sur la manière dont laquelle les chercheurs mènent leurs recherches. Leur ouverture fût aussi sur l'individualité de l'homme, qui, lui, parle avec ses signes à lui qu'il se trouve parfois (sinon dans la plupart des cas) trahit par les autres. Cette tâche est l'un des soucis du texte psychologique du Traité de Paul Fraïsse. Elle est enfin une ouverture de l'homme aux choses. Cette ouverture est à l'instar de celle de Claude Bernard qui a compris que les choses peuvent communiquer un sens à l'homme, qui, lui, n'a toujours pas tarder de leurs répondre soit en les expliquant, comme nous venons de le voir avec Platon et Aristote, soit en les mettant en forme comme on vient de le constater dans les textes de la transposition didactique de Paul Fraïsse et dans ceux de la vulgarisation scientifiques d'Antoine Léon et de Maurice Reuchlin, qui s'astreignent à la création et la mise en forme de réalités et de pratiques méconnues.