§ 6 : Enoncés portant sur des perceptions et énoncés portant sur des objets de perception.

Pour Husserl, il existe des composantes réelles et intentionnelles de la perception. Percevoir c'est donc pour lui, percevoir quelque chose : un objet. Par conséquent, la perception et son objet ne font qu'un. Deux séries d'énoncés évidents qui sont à chaque fois possibles peuvent introduire le sujet dans des perceptions. Ces énoncés évidents sont :

  1. l'énoncé portant sur la perception.
  2. l'énoncé portant sur l'objet de la perception.

Si la perception est l'objet qui s'y expose, alors cet objet est donc une chose qui témoigne du processus perceptif qui n'est rien d'autre qu'une manière d'être et de voir, qui ne sont pas interchangeables dans la perception. Car la perception n'est pas une chose. Par exemple, lorsqu'il s'agit de la perception de la surface, celle-ci n'est pas une surface, elle peut l'être si elle manifeste en surface la surface. Car en la surface apparaît l'objet. Mais elle ne peut être une véritable perception objectivante que si en l'objet apparaît les caractéristiques de la surface perceptive.

Il existe donc des énoncés évidents objectifs et objectivants lorsqu'ils nous disent quelques chose, lorsqu'ils nous affirment que cet objet existe sous cette manière ou cette forme. L'énoncé évident existe donc bel et bien. La perception ne s'observe pas seulement, mais elle s'expose. Voilà ce qui est proprement hégélien, et qui se trouve prolongé par Husserl. Car pour Hegel, la perception d'un objet d'art par exemple, n'est d'une part, rien d'autre qu'une série de combinaisons héritées du cercle de nos amis et de nos propres connaissances ; et d'autre part, un fait, objectif que l'on aperçoit, qui s'expose, et qui ne fait rien d'autre que de témoigner des idées les plus hautes d'un peuple. D'autres perceptions existent en tant que phénomènes lorsqu'elles se rapportent à un objet. Husserl emploie la formule : “ se rapporter à l'objet 786  ” pour marquer son intérêt à la chose de l'espace : à la mise en forme de la maison, de l'État qui va se concrétiser dans d'autres travaux prolongeant ceux-ci sous la conception de “ la question juive ”(l'État Israélien, ou l'État Hébreu). La question de sa naissance a donc été travaillée par des intellectuels et des philosophes comme Husserl.

La distinction entre contenu d'acte et contenu d'objet, n'est jamais claire ni suffisante. Pour relever le sens de cette distinction, Husserl établit une distinction entre :

  1. apparition et objet d'apparition.
  2. contenu de l'apparition (teneur réelle de l'apparition) et contenu de l'objet.

La perception a un contenu réel. Elle contient en tant que phénomène plusieurs moments. Parmi ceux-ci il y a :

  1. des moments internes.
  2. des parties déterminées en général.
  3. un contenu de l'objet qui apparaît dans sa relation avec l'évidence exposée par l'essence de la perception, que l'objet vient à exposer en elle des marques distinctives et des parties évidentes de la perception qui s'expose en chair et en os.

Ces parties et ces marques distinctives ne sont pas des parties et des marques de l'objet mais des états d'apparitions, des manières de voir et d'être.

La perception réside dans l'intuition pure. On peut énoncer ce qu'elle signifie : son essence. Cette essence perceptive est ce que l'essence perceptive contient réellement en elle-même. C'est une perception fondée sur une intention singulière, car dans la plupart des cas, l'objet d'une perception est une apparition intentionnelle qui n'est pas une donnée, donnée dans le même sens ni effectivement ni pleinement, ni proprement donnée. Si l'apparaissant intentionnel n'est pas une donnée effectivement donnée dans la considération de l'essence, de son essence individuelle, alors nous devons juger de son évidence. Nous devons trouver ce qui la constitue réellement. Car l’essence individuelle n'est pas quelque chose que l'on trouve. Elle est l'objet d'une construction immanente. Cette construction dite immanente, est quelque chose que je possède. Elle n'est pas un simple état, mais un processus qui s'accompagne d'une série de visions et de comportement. Ce comportement affectif et intellectuel doit s'imposer et s'exposer dans le monde des choses et des objets. Sur ce point précis, Adorno dira que “ ‘l'oeuvre d'art est en elle-même un comportement’ ” 787 . Cette perception qui se tient devant mes yeux est une donnée : une chose immanente, alors que l'objet intentionnel est une transcendance. Cet objet intentionnel peut en effet nous apparaître en chair et en os, mais c'est bel et bien à l'essence de la perception de l'exposer en chair et en os.

Notes
786.

Ibid. p : 39

787.

Adorno (TW.) , Théorie Esthétique, op cit.