II : La stimulation.

Paul Fraïsse pense que l'étude scientifique de la perception demande un contrôle rigoureux des conditions de production des stimulations. Cependant, il y a lieu de penser que lorsqu'on est face à un fait stimulateur, on doit chercher la provenance de son véritable état d'apparition. Pour se faire, on doit nous tracer à son égard, la relation de connexion réciproque, nécessaire pour en définir les conditions d'une manière aussi précise que le permet la physique. Cela veut dire enfin de compte que tout fait de stimulation est susceptible d'être arraisonné et étudié d'une manière directe sans la médiation des représentations obscures de la pensée. Nous sommes ici en mesure de rappeler la non altération des textes philosophiques de Husserl, de Merleau-Ponty et de Heidegger, par les textes de la vulgarisation de la transposition didactique à savoir ceux du Manuel et du Que sais-je ?de Paul Fraïsse. En effet l'idée centrale de la conception des trois auteurs (Husserl Heidegger et Merleau-Ponty) quant au sens phénoménologique de l'ouverture à l'égard d'un fait, était celle de l'effacement de la pensée devant ce qu'elle aperçoit. Ce n’est rien d’autre que la technique de l'arraisonnement qui présente les faits sans leur imposer des représentations d'ordre imaginaires. C'est ainsi que Paul Fraïsse pense que l'important dans l'étude physique d'un fait est la précision de toutes les conditions de présentation. Toutes ces conditions sont d'une part factices, et d'autre part, incarnent une organisation en série que nous devons contrôler selon la simplicité ou la complexité des situations apparentes. Par exemple les conditions spatiales sont plus faciles à contrôler que les conditions temporelles, parce que le temps (en tant que dimension marquée par l'étendue et l'incommensurabilité) est obscure surtout lorsqu'il s'agit de le chercher dans les objets de l'apparence. Par exemple le temps dans une oeuvre d'art est difficile à faire apparaître. Car cela présuppose une ouverture sur ceux qui ont mis en forme les oeuvres, mais aussi un discernement des conditions et des motifs de celles-ci. Les oeuvres ne sont pas de simples entités chosiques, elles sont des processus, qui témoignent de relations complexes qui existent entre l'état de l'apparence et le processus de l'apparition. L'ouverture sur le temps de l'apparition de la stimulation nous permet en fait de connaître le déroulement des processus perceptifs de l'observation de toute action de stimulation. Car comme le note Paul Fraïsse, ‘toute stimulation est influencée par celle qui l'a précédée’ 1066  ”. Cela est une raison de plus pour légitimer avec Gaston Bachelard la nécessité d'une critique de la provenance des stimulations apparentes. Mais pour Paul Fraïsse, il ne s'agit pas simplement de tracer l'historicité d'un phénomène chosique perceptif apparent, il est aussi question de procéder à son historialité. C'est-à-dire – et comme il le pense clairement – on doit procéder à son organisation et à sa reproduction. C'est ainsi qu'il souligne à ce propos : ‘Il faut non seulement préciser les conditions de la perception mais encore pouvoir les faire varier’ 1067  ”. Cette variation ne peut être acquise que par l'intervention de la variable personnalité du sujet dans l'organisation et la reproduction des phénomènes de l'apparence. Car cela témoignera fort bien de la maîtrise de la nature sensible par le sujet pensant.Que signifie donc la maîtrise par le sujet des faits de la stimulation ? La réponse à cette question nous renvoie à l'explication de la personnalité du sujet 1068 , de son intervention dans la mise en forme du réel.

Notes
1066.

Ibid p : 28.

1067.

Ibid.

1068.

Cela est le chapitre III du Que sais-je ? op cit. p : 31.