2 : l'expérience antérieure :

Dans ce paragraphe, Paul Fraïsse nous renvoie à nouveaux à d'autres recherches qui ont mis en évidence un apprentissage perceptif. Ce renvoi est un rappel de la notion de l'historicité de l'acte perceptif. Il est vrai que l'homme perçoit aussi par habitude, par son action qui se familiarise avec le déjà-là perçu, posé comme un fait de la raison perceptive. Il est ainsi, car notre raison le rencontre devant elle tout en s'informant des informations qu'il incarne en tant que fait factice. Toute information est donc une formation utile pour notre acte perceptif. Elle est utile, car elle nous renseigne sur l'état de l'apparition des choses. Sur ce point précis le monde est donc quelque chose qui doit être objet d'impression. Il lie notre acte de perception à l'état de l'apparition. Voilà la raison pour laquelle nous pouvons désormais considérer ce propos de Paul Fraïsse proche de celui de Merleau-Ponty, qui considère le monde en terme de tâche. Ce monde doit être objet d'impression, parce qu'il est lui-même animé par l'extension du pouvoir physique, et par des normes fortuites que l'on peut observer immédiatement. L'immédiateté n'est pas une tendance épistémologique que l'on doit donc éviter, elle est au contraire une donnée factice que l'on doit expliquer, orienter et organiser. L'organisation du monde témoigne finalement des progrès de la raison humaine qui s'efface devant les acquis antérieures de sa propre pensée obscure. Le fait de chercher à expliquer le monde tout en se familiarisant avec l'état de l'apparition de l'apparence, est en soi une idée qui surgit du sens que Paul Fraïsse attribue à l'habitude à travers laquelle le sujet se familiarise avec les choses historiales, non historiques. Ces choses sont familières à l'appréhension de l'aperception. Voilà la raison pour laquelle Paul Fraise note : ‘“ La perception de mots rares dans la langue est plus lente que celle des mots fréquents’ 1071  ”. Cela veut dire en fait que toute perception véritable est d'abord fondée sur une sorte d'attachement à l'ordinaire, au quotidien et que toute infirmation est par elle-même une formation, qui nous renseigne de la forme acquise par nos manières d'être et de voir. Car les mots : "information" et : "formation", témoignent de la présence de la forme qui se donne à la perception dès los que le sujet – comme le pense Paul Fraïsse – découvre qu'il est capable de s'appuyer sur ses expériences heureuses ou malheureuses pour avancer des idées hypothétiques. Ce n'est rien d'autre que la reconnaissance d'une expérience antérieure qui ne puise pas son fondement seulement dans le principe de la réminiscence mais aussi dans celui de l'acquisition. Cette reconnaissance est donc un passage d'un toujours-déjà mémoriel, au déjà-là, qu'incarne l'expérience présente qui met en forme toutes les formes déjà-acquises en vue d'en acquérir le sens et de le prolonger.

Notes
1071.

Ibid.