2.2. Aspects géographiques

Le domaine étudié regroupe le versant méridional du massif du Pilat, dans la Loire, et le nord du Haut-Vivarais, en Ardèche, à l’extrémité nord-est du Massif Central. Il est bordé à l’Est par le Rhône. Ce fleuve forme une frontière naturelle qui sépare le sud-est du département de la Loire et le nord-est de l’Ardèche du département de l’Isère. Plus au Sud, son cours trace la limite entre la Drôme et l’Ardèche. Au Nord, le versant septentrional du massif du Pilat plonge vers la vallée du Gier et la région du Jarez. Le bassin industriel de Saint-Etienne (n° 1) limite la région du Pilat au Nord-Ouest. Cet ensemble géographique situé en Rhône-Alpes est au point de rencontre de cinq départements puisqu’à l’Est du domaine étudié, la région du Velay appartient à la Haute-Loire, département de la région Auvergne (voir carte C).

Les frontières du Parc Naturel Régional du Pilat ne recoupent pas celles du domaine d'enquête (seuls les points du domaine situés dans la Loire font partie du Parc du Pilat, à l'exception du point 1, Saint-Etienne). Le terme "région du Pilat" a été choisi pour éviter la confusion avec le "Parc (Naturel Régional) du Pilat" (entité administrative) ou le "massif du Pilat" (réalité géographique).

L’altitude permet de distinguer trois parties (voir carte D). Le couloir rhodanien, de Saint-Pierre-de-Boeuf (n° 8) à Andance (n° 35), est la région la plus basse (altitude moyenne 150m). Dans cette partie de la vallée du Rhône, appelée Rivage (en vert sur la carte D), le fleuve affleure les coteaux en plusieurs points (Serrières (n° 22), Andance (n° 35)...), mais quelques vallées des premiers contreforts du Massif Central, et les méandres du Rhône laissent la place à de petites plaines alluviales (Limony (n° 18), Champagne (n° 32)...).

A l’Ouest, au delà des coteaux qui surplombent le Rhône, formant un puissant talus, débute, en Ardèche, le plateau d’Annonay, extrémité nord du Haut-Vivarais, parfois appelé Piedmont Vivarois, et son prolongement dans la Loire, le Piedmont Rhodanien (altitude moyenne 300 à 800 m). Ce plateau (en jaune sur la carte D), comme un immense balcon au dessus du Rhône, traversé d’Ouest en Est par des rivières qui l’ont fractionné en autant de petits massifs, rejoint les pentes du versant sud du Pilat.

La transition entre ce plateau et les hauteurs du Pilat est moins marquée que celle qui sépare le Rhône du plateau annonéen, mais certaines pentes sont toutefois abruptes : en plusieurs endroits, une dénivellation de 1000 m est parcourue en quelques kilomètres. Le Crêt de la Perdrix culmine à 1432 m, dominant la vallée du Rhône. Par delà le Pilat, à l’ouest, commence le haut plateau : Saint-Genest-Malifaux (n° 13), Marlhes (n° 23), Jonzieux (n° 19) sont à une altitude d’environ 1000 m.

Si le climat de la région du Pilat est de type continental, l’influence méditerranéenne n’est pas absente : les pentes méridionales du massif du Pilat profitent d’une situation abritée et très ensoleillée. Mais la grande variation d’altitude que connaît cette région a une profonde influence sur les températures. En hiver, alors que la neige est rare dans la vallée du Rhône, elle recouvre souvent les hauteurs du Pilat, ce qui a permis la création de quelques pistes de ski nordique. Au printemps, le début de la saison végétative connaît un décalage d’un mois environ entre la vallée et le haut plateau. En altitude, la température peut descendre au-dessous de zéro certaines nuits d’été, alors que la chaleur reste étouffante dans la vallée en contrebas. Du fait de ces différences climatiques, certaines espèces végétales sont propres à une partie seulement de la région du Pilat : sur les hauteurs, les sapins prédominent dans les nombreuses régions boisées entrecoupées de prairies, mais, plus bas, les forêts de feuillus l'emportent sur les conifères. Des espèces méditerranéennes tentent de gravir les pentes des vallons les mieux exposés.

Le relief, les contrastes climatiques, les ressources locales, ont évidemment influencé l’activité économique et l'habitat. Sur le Rivage, les maisons anciennes, de plus en plus rares, sont fréquemment en pisé (terre damée) ou en galets du Rhône. Mais l'étroitesse de la rive occidentale du Rhône a parfois obligé les constructeurs à recourir aux matériaux du plateau : granit et calcaire. Les habitations traditionnelles du plateau intermédiaire sont le plus souvent constituées de l'habitation principale, à laquelle se sont adossées, au fil du temps, diverses annexes : four, étables des chèvres, des moutons, des porcs, hangars nommés chapes, le tout formant un ensemble dissymétrique de bâtiments enserrant parfois une cour fermée. Plus haut, le granit prédomine, et si les dépendances de quelques fermes forment également une cour fermée, la plupart des bâtiments sont constitués de l'habitation proprement dite et de l'étable, nommée ici écurie, dont le niveau est souvent plus bas que le rez-de-chaussée de l'habitation, et surmontée de la grange à laquelle les attelages pouvaient accéder par un montoir. Constitués de blocs de granit parfois taillés, habitation et bâtiments agricoles sont soit alignés, soit en équerre, donnant alors à l’ensemble des bâtiments la forme d'un L.

Les toits traditionnels de la région du Pilat, conformes à la pratique courante au sud de la France, sont à faible pente et recouverts de tuiles canal, fréquemment consolidés par des rangées de pierres dans les régions ventées ou souvent enneigées ; les petites tuiles rectangulaires des toits à forte pente n’apparaissent que bien plus au nord. Les génoises, rangées de tuiles canal maçonnées sous l’avancée du couvert entre le mur et la charpente, sont fréquentes dans la partie la moins élevée de la région du Pilat. Contrairement au département de l'Isère, où la limite des toits à génoises correspond à peu près à celle qui sépare l'occitan du francoprovençal (Tuaillon 1990, p. 16-17), à l’ouest du Rhône les génoises se rencontrent jusqu'à l’intérieur du domaine francoprovençal.

Quelles que soient les parties de la région du Pilat, l'habitat est dispersé. Des bourgs de plus ou moins grande importance sont entourés d'une multitude de hameaux (dans la terminologie des habitants de la région du Pilat, le bourg s'oppose aux villages "hameaux"). Les hameaux pouvaient être constitués d'une dizaine de foyers, mais un grand nombre d'entre eux ne regroupaient que quelques maisons, et de nombreuses fermes isolées parsemaient la campagne. Certaines sont aujourd'hui en ruine, d'autres ont été rachetées et restaurées par des gens originaires de la région du Pilat ou des citadins qui ne les occupent que quelques semaines par an. La majorité des constructions neuves se sont établies près des bourgs ou des hameaux les plus importants. Ceux-ci avaient autrefois une vie sociale propre. Dans certains hameaux, une école tenue par une beillate ou béate 1 accueillait les enfants, parfois pour l'ensemble de leur scolarité. Les habitants se réunissaient parfois dans une salle de cette école, souvent une maison relativement classique mais enjolivée par quelques éléments architecturaux comme un petit clocher, organisant par exemple le mois de Marie : durant le mois de mai, cette salle étaient décorée et fleurie, et, tous les soirs, quelques hommes du village et l'ensemble des femmes et des enfants se réunissaient pour réciter des prières et chanter. Cette coutume perdure encore parfois (par exemple à l'Allier, hameau de la commune de Marlhes (n° 23)...).

D’autres indices de vie sociale propre aux hameaux persistent encore dans certaines régions : il s’agit par exemple de la réalisation, par les habitants de chaque hameau, de chars décorés qui défilent le jour de la kermesse du village, de barricades 2, des feux de la Saint-Jean.... Par les aléas des découpages administratifs, certains hameaux sont plus proches du bourg de la commune voisine que de celui de la commune dont ils dépendent : les relations sociales étaient alors plus étroites avec le bourg le moins éloigné.

Notes
1.

Voir par exemple Martin 1989 ou Fréchet - Martin  : "Béate : religieuse appartenant à la congrégation vellave des Demoiselles de l'instruction (les béates avaient pour mission d'assurer, en milieu rural, l'animation religieuse, l'instruction des enfants, l'assistance aux malades et une aide aux dentellières)".

2.

Coutume consistant à barrer la route à un mariage, et à ne laisser passer la noce qu'en échange d'argent ou de cadeaux.