2.3. Aspects historiques, économiques et démographiques

La région du Pilat, ancien territoire allobroge romanisé très tôt (cf. Gardette 1983, p. 569-584), relevait au Moyen Age de l’autorité de Vienne (le Doux, rivière située plus au sud, et qui se jette dans le Rhône à Tournon, séparait le diocèse de Vienne au Nord du diocèse de Valence au Sud) Toutefois, la partie ouest du territoire étudié, le haut plateau, était sous l’influence du Forez, puis de Lyon. Telle que l’a tracée J.-B. Martin dans "La limite entre l'occitan et le francoprovençal dans le Pilat" (Martin 1979a), la limite actuelle de la palatalisation du A, qui définit l’aire francoprovençale, ne correspond donc à aucune limite historique.

Le Rivage est, de longue date, un axe de communication privilégié. Le Rhône convoyait hommes et marchandises. Serrières (n° 22), Andance (n° 35), étaient des ports très fréquentés. Si le rôle du transport fluvial est aujourd’hui plus limité, l’axe Nord-Sud reste, dans la vallée, très important : la voie ferrée double la route nationale 86, tandis que l’autoroute A7 emprunte l’autre rivage du Rhône. Les industries chimiques de la vallée sont également concentrées sur la rive est du Rhône. Ces sites industriels drainent une population nombreuse, jusqu'à l’intérieur de la région du Pilat.

La traversée selon l’axe Est-Ouest s’effectue par la route nationale 82, qui relie Saint-Etienne, préfecture de la Loire, à la vallée du Rhône par le col du Grand-Bois (altitude 1161 mètres). Le relief accidenté de la région du Pilat explique que cet axe soit beaucoup moins fréquenté que celui qui emprunte la vallée du Gier, au nord du Massif du Pilat. En plus de la route nationale 82, la commune d'Annonay est également reliée à la vallée du Rhône par la route départementale 82, qui, par Davézieux (n° 31), rejoint Andance (n° 35). Annonay est, après Saint-Etienne (n° 1), la ville la plus importante de la région du Pilat, la plus peuplée du département de l'Ardèche même si elle n'est que simple chef-lieu de canton3.

Dans la vallée, les alluvions déposées par le Rhône ont depuis longtemps permis une agriculture dont les rendements étaient très élevés. Les coteaux surplombant le fleuve sont le domaine privilégié des vignes, dont certaines produisent des vins très appréciés, comme le Saint Joseph. Le plateau connaît également la culture de la vigne, mais les vergers prédominent, jusqu’à céder eux-mêmes la place aux pâturages, quand l’altitude devient trop élevée : la production de lait et de viande bovine est la ressource agricole principale du haut plateau. L'activité liée aux ressources forestières est également importante : débardage, sciage...

Mais l’agriculture, qui n’emploie aujourd’hui qu’une petite minorité des habitants de la région, couvrait autrefois difficilement les besoins locaux, surtout sur le haut plateau, où le climat et le relief ne permettaient pas des rendements importants. Pourtant, la densité de population est restée relativement élevée (cf. Schnetzler 1971) : grâce aux nombreuses rivières qui dévalent, d’Ouest en Est, les contreforts du Massif Central pour rejoindre le Rhône, la région du Pilat a développé très tôt un artisanat lié aux moulins (Annonay, Pélussin (n° 4)...). Cette activité s’est ensuite beaucoup accrue, permettant à nombre de paysans possédant trop peu de terres ou des terres peu productives de trouver sur place un emploi ou, au moins, une activité annexe : beaucoup de petits métiers étaient liés au développement de l’industrie papetière, de l'industrie textile et des tanneries et mégisseries. Ces trois activités étaient complémentaires, chacune utilisant les produits ou les sous-produits de l’autre. La ville d’Annonay réunissait ces trois secteurs industriels, mais le moulinage de la soie, le tissage, étaient représentés dans toute la région du Pilat (Maclas, Pélussin (n° 4), Bourg-Argental (n° 25), villages du haut plateau...). Aujourd'hui, si l'industrie textile, qui affronte des crises successives, existe encore aux alentours d'Annonay, la plupart des manufactures a fermé. La papeterie est encore très importante à Annonay (Canson-Montgolfier, GPV...), quelques tanneries perdurent, et l'implantation de R.V.I. (Renaut Véhicules Industriels, aujourd’hui Iribus) a permis à une partie de la main-d'oeuvre issue de l’industrie textile de retrouver un emploi sur place. Bien que le secteur des services publics (enseignement, santé...) regroupe un nombre non négligeable d'emplois dans la région même, beaucoup d'habitants du Pilat travaillent aujourd'hui dans la vallée du Rhône ou, pour le haut plateau, à Saint-Etienne. Cette partie du domaine étudié avait d'ailleurs connu une certaine émigration en direction de la cité stéphanoise, quand les mines de charbon étaient en activité. Par contre, la région du Pilat n'a pas connu d'immigration massive susceptible de modifier profondément le paysage linguistique (Annonay, de par son activité industrielle, a attiré une population provenant surtout des villages alentour : malgré sa proximité avec le francoprovençal, tel qu’il est défini par le traitement du A latin, le parler annonéen semble avoir conservé ses particularités anciennes et n’avoir pas subi d’interférence linguistique essentielle ; cf. Fréchet 1995).

Créé en 1974, le Parc Naturel Régional du Pilat, qui concerne la partie nord et ouest de notre domaine, oeuvre au maintien de l'activité agricole en même temps qu'à la préservation de la diversité écologique et paysagère. Son rôle dans le développement du tourisme (ski, VTT, bassin nautique de Saint-Pierre-de-Boeuf (n° 8)...) prolonge une tendance ancienne : la proximité d'un cadre verdoyant aux portes de Saint-Etienne attirait dès après la guerre de 1939-1945 certains habitants de cette ville industrielle dont une partie possédait des attaches familiales dans la région. Le rayonnement du Parc du Pilat séduit aujourd'hui la population de régions plus éloignées (Lyon, Paris...), qui a acheté ou fait construire de nombreuses résidences secondaires. L'image du Parc Naturel du Pilat favorise la production agro-alimentaire locale (fromages "Pavé d’Affinois" à Pélussin (n° 4)...) et de nouvelles industries s'implantent dans la région (Justin Bridou, menuiseries FIMA...) malgré les contraintes environnementales imposées par le Parc du Pilat, cherchant à tirer profit de l'image d'"authenticité" qu'évoque la région du Pilat.

Notes
3.

C'est Privas, ville dont la population est pourtant moins nombreuse, qui a été choisie comme préfecture de l'Ardèche, grâce à sa situation au centre du département.