3. Intérêt de la région du Pilat

3.1. Une région contrastée

Le domaine étudié n'est donc pas une région homogène. Soumise directement ou indirectement à l’influence de différents centres politiques (Le Puy, Valence, Vienne, Lyon, comté du Forez...), cette région ne possède pas d'histoire commune. De plus, le climat et le relief, qui obligent à distinguer trois parties distinctes, nettement différenciées (vallée du Rhône, plateau intermédiaire et haut plateau) ont imposé aux habitants de la région des activités professionnelles et des modes de vie divers. Si le Parc Naturel Régional du Pilat a pu susciter, récemment puisqu’il n’a été crée qu’en 1974, un certain sentiment d’appartenance à une entité commune, pour une partie du domaine étudié, et dans les couches les moins âgées de la population, ce sentiment est ténu. Les habitants de la région ont surtout le sentiment de faire partie d’une communauté villageoise, d’une petite région sous l’influence d’un pôle commun (Annonay, vallée du Rhône ou Saint-Etienne), d’un département.

Au manque d'unité géographique, historique, politique ou culturelle, s'ajoute un paysage linguistique lui aussi hétérogène. La région du Pilat se trouve dans l'amphizone décrite par P. Nauton où les traits occitans et francoprovençaux se rencontrent de part et d'autre de la limite entre occitan et francoprovençal (Nauton 1966, p. 357), qui n'est peut-être une limite qu'aux yeux des linguistes. La proximité plus ou moins grande avec les grands axes de communications a influé sur la date de la rupture culturelle et économique qui bouleversa le mode de vie traditionnel. Ce bouleversement a sans doute exercé un rôle aussi néfaste dans la survie de parlers vernaculaires que celui joué par l'école, ici comme partout en France hostile au patois, comme le montrent, entre autres, certains témoignages que j'ai recueillis sur les punitions ou les humiliations subies quand un enfant prononçait un mot patois en classe. L'époque plus ou moins tardive de cette révolution explique en partie les différences relevées dans la vitalité des parlers locaux. Cette vitalité est de toute façon faible. Dans cette région particulièrement intéressante par sa diversité, il était encore possible de réaliser une étude dialectologique mais ce travail devait être entrepris rapidement : les parlers vernaculaires de la région du Pilat sont en train de s'éteindre.