4.1.5. Le statut matrimonial

Dans certaines tranches d’âges (et accessoirement certaines catégories professionnelles), le type de cadre familial peut jouer sur la connaissance du patois. La majorité de la population vit évidemment en couple. Le plus souvent, le niveau de connaissance de la langue vernaculaire des époux est proche. C’est surtout le cas chez les agriculteurs : dans les tranches d’âges les plus âgées, les compétences sont similaires. Chez les jeunes retraités de l’agriculture, les compétences respectives des époux restent assez proches, avec, comme les variables sexe et profession le suggéraient, une compétence en général plus élevée chez l’homme. Cette différence entre les sexes s’accroît, toujours à l’avantage de l’homme, chez les agriculteurs encore en activité. Pour les couples ne travaillant pas dans le secteur agricole, l’époux est en général meilleur patoisant que son épouse. Chez les personnes plus jeunes, les compétences respectives entre conjoints peuvent être très dissemblables. C’est en particulier le cas pour les couples dont le mari est artisan : il est alors souvent assez habile en patois pour son âge (cf. ci-dessus profession), alors que son épouse peut ne pratiquement rien connaître au patois. Les femmes exerçant ou ayant exercé une activité professionnelle ailleurs que dans le secteur agricole, possèdent, en général, une maîtrise du patois nettement plus faible que celle de leur mari.

Les personnes non mariées sont en général des hommes. Comme dans nombreuses régions rurales françaises, les femmes ont quitté leur région d’origine pour les villes plus fréquemment que les hommes. Elles pouvaient espérer y gagner plus d’autonomie, des revenus plus élevés, et avoir plus de chance de se marier avec "quelqu’un de la ville". Ce désir de nombreuses femmes de ne pas connaître le mode de vie pénible du travail à la ferme, ou simplement la séduction des attraits d’une vie "en ville" pour celles qui n’étaient pas filles de paysans, a conduit à un exode rural plus prononcé chez les femmes55. De nombreux hommes, en particuliers des paysans, sont donc restés célibataires. Cette catégorie de la population est en général plus compétente en patois que celle formée par les hommes mariés du même âge, quelle que soit la génération envisagée. Pour les femmes célibataires, il est difficile de dessiner une tendance précise : certaines sont de très bonnes patoisantes pour leur âge, d’autres au contraire possèdent, relativement à leurs homologues mariées du même âge, une compétence très faible. Toutefois, dans les couches les plus âgées de la population, les femmes célibataires sont souvent meilleures patoisantes que les femmes mariées. Une origine paysanne joue toujours en faveur d’une plus grande compétence. Les compétences linguistiques des personnes veuves s’apparentent à celles des célibataires si le décès du conjoint est intervenu tôt.

A partir des constatations fournies par la prise en compte de ces variables et de quelques données socio-économiques commence à se dessiner un portrait des différents locuteurs patoisants de la région du Pilat. Aucune de ces variables ne suffit à elle seule, mais l’âge et la profession, et, à moindre degré, le sexe, sont des paramètres importants. Nous avons dû, dès cette première étape, considérer le rôle de certaines variables en les mettant en relation avec d’autres (sexe et âge, âge et profession, âge et niveau d’études...) Mais, avant de croiser toutes ces variables pour affiner la description des caractéristiques principales des diverses catégories de patoisants, certains indices montrent qu’un autre paramètre, essentiel, doit être envisagé : la dimension géographique, qui joue visiblement un rôle important dans une région relativement vaste et peu homogène.

Notes
55.

Souvent, les parents de ces jeunes filles ne se sont pas opposés à ce désir de quitter la région, et même l'ont encouragé en leur permettant de poursuivre des études.