4.2.6.2. Migration à l'intérieur de la région du Pilat

Les cas où la distance entre le lieu de naissance hors de la région du Pilat et le lieu de résidence dans la région est faible peuvent s'apparenter aux situations où un habitant du Pilat a changé de lieu de résidence à l'intérieur des limites du domaine étudié. Divers facteurs semblent exercer une influence. D'une part, plus la distance entre les deux lieux successifs de résidence est grande, plus les compétences sont faibles. Mais, d'autre part, plus les personnes sont âgées et ont changé tôt de lieu de résidence, plus leurs compétences en patois risquent d'être élevées. Avoir déménagé pour épouser un patoisant accroît les chances de posséder des bonnes compétences en patois. Quelques exemples pourront illustrer ces différents cas de figure. Au début du siècle, un homme issu de la région d'Annonay épousa une jeune fille qui habitait un hameau de Marlhes (n° 23). Il vint s'installer dans la ferme de son épouse. Toute sa vie, il parla le patois de sa région d'origine avec son épouse qui parlait celui de Marlhes. Ce paysan utilisait également son patois pour converser avec les voisins de son âge ou plus âgés. Son parler faisait parfois sourire, mais ne posait pas de gros problèmes d'intercompréhension. Cet exemple est assez atypique : la plupart du temps, c'est l'épouse qui changeait de lieu de résidence et venait s'installer dans la ferme de son mari. J'ai rencontré plusieurs couples de ce genre dans cette tranche d'âge (par exemple les témoins de Saint-Régis-du-Coin (n° 24) - l'épouse est originaire de Tarentaise (n° 10) -, ceux de Limony (n° 18) - la femme du témoin est originaire d'un village du plateau intermédiaire - ou les témoins B. de Saint-Julien-Molin-Molette (n° 15), l'informatrice étant née à Thélis-la-Combe (n° 14)...). La personne "émigrée" conserve en général toute sa vie certains traits linguistiques de son parler d'origine. Le couple est conscient de certaines différences phonétiques, qu'il peut nommer, et chacun des conjoints utilise les types lexicaux de son enfance : l'un continuera toute sa vie à dire la trabl "la table" quand l'autre dira la t a olo (cf. Etude phonétique). Mais, dans les tranches d'âge plus jeunes, les personnes qui ont changé de résidence, dans les limites de la région du Pilat, sont en général moins compétentes en patois que celles qui sont demeurées dans la même commune toute leur vie. Le parler de ces personnes peut présenter plus d’interférences entre le patois d’origine et celui du lieu d’adoption, mais ce n’est pas systématique.