8.2. Plusieurs axes possibles de description

Dans une situation où une langue dominée n'est plus parlée ou n'est plus connue que par un petit nombre de locuteurs appartenant à une communauté dans laquelle ils sont très minoritaires, il est nécessaire, pour décrire cette communauté et les différentes catégories de locuteurs qui la composent, de prendre en compte plusieurs dimensions.

  • Les différents types de locuteurs peuvent être définis en fonction de leurs compétences.

  • L'usage que font les locuteurs de cette communauté diglossique des langues en présence peut être un autre critère permettant de les distinguer. Cet emploi de la langue dominée ne dépend qu'en partie des compétences des locuteurs de cette langue. Dans la région du Pilat, certains dialectophones capables de parler couramment le patois ne l'emploient jamais, alors que des locuteurs relativement peu compétents l'utilisent parfois et peuvent être considérés par certains comme des dialectophones compétents (cf. Chapitre 10. La communauté linguistique). Mais la pratique de la langue régionale peut être décrite en fonction de paramètres différents :

  • Les locuteurs qui participent à des interactions où le patois est employé ne sont pas forcément des usagers actifs. Certains habitants de la région du Pilat ne parlent jamais patois mais ils assistent régulièrement à des échanges en patois, et certains sont des acteurs de ces interactions : lors de ces échanges, ces usagers passifs n'emploient que le français.

  • La fréquence de l'emploi du patois est un autre aspect de la description de la communauté linguistique dialectophone. Le taux d'utilisation du patois ne dépend qu'en partie des compétences des locuteurs. Il est conditionné par d'autres facteurs, dont certains sont extra-linguistiques (émigration, réseau social, isolement - un facteur sans doute important dans certaines situations de déclin de langue très avancé -...) et d'autres sociolinguistiques : l'emploi du patois dépend en particulier de l'image que les locuteurs ont de cette langue.

  • Dans toute situation de diglossie, l'emploi de la langue minoritaire est limité à quelques fonctions qui lui restent plus ou moins attribuées. Mais, quand une langue est en déclin très avancé, même ces fonctions sont menacées et l'emploi de la langue en danger finit par se cantonner à quelques domaines très restreints et à des emplois sociolinguistiquement marqués. Il peut donc être nécessaire de distinguer les usagers qui emploient le patois comme un médium normal, sans intention particulière, des usagers qui recourent au patois à des fins spécifiques.