Chapitre 9. La conscience linguistique

9.1. Environnement actuel du patois dans la région du Pilat

Dans la région du Pilat, la langue régionale ne bénéficie pratiquement d’aucune reconnaissance publique : elle est absente des différents médias (presse, TV, radio - l’émission diffusée sur une radio locale d’Annonay n’existe plus). Contrairement à ce qui se passe parfois dans des régions à forte identité ethnique175, aucun mot de patois n’est employé, à des fins commerciales, pour ancrer un produit dans le terroir (publicité, nom d’un produit local...). Il n’existe pas de manifestation culturelle dont le sujet serait le patois. Une place peut parfois lui être accordée au cours d’une fête de village (fête de la batteuse, des labours, danses folkloriques...), mais la langue régionale n’y tient qu’un rôle secondaire. Dans les dépliants touristiques, l’existence du patois n’est pas mentionnée, même au passé.

Le Parc Naturel Régional du Pilat englobe les localités de notre domaine situées dans la Loire (à l’exception de la ville de Saint-Etienne ; des projets d’élargissement du Parc du Pilat à quelques villages du sud de l’Ardèche - Serrières (n° 22), Peaugres (n° 28)... - n’ont pas abouti). Le Parc Naturel du Pilat a une vocation de promotion touristique de la région : des documents sont édités (plaquettes, cartes...) mais aucun ne signale la langue régionale.

Créé il y a 26 ans, le Parc Naturel du Pilat est le plus ancien parc naturel de France. Une de ses fonctions est la sauvegarde du patrimoine local. Mais, par patrimoine, il ne faut visiblement entendre que l’architecture, la faune et la flore. Le patrimoine linguistique, n’ont jamais fait partie de ses préoccupations. Le Parc propose pourtant des animations culturelles (expositions, spectacles, concerts...) mais il ne puise pas dans les ressources locales. Ces diverses animations donnent l’impression que cette région était, pour les dirigeants du Parc - souvent perçus comme des citadins par la plupart des habitants de la région du Pilat - un désert culturel qu’il fallait combler en important la "Culture" depuis l’extérieur. Il est d’ailleurs significatif de noter que les activités culturelles proposées par le Parc sont en majorité fréquentées par des vacanciers ou des néo-ruraux : elles sont sans doute, au moins en partie, conçues dans ce but.

Un autre volet des activités du Parc du Pilat aurait pu rendre la langue régionale plus "visible" et peut-être enrayer en partie son déclin. Le Parc du Pilat a vocation à soutenir la vie associative. Mais les associations locales qui s’intéressent à la langue régionale n’ont jamais été nombreuses. Le Parc du Pilat n’a pas su, ou n’a pas voulu, insuffler un mouvement d’intérêt pour le patois, ou créer les conditions de son éclosion. Cette indifférence laisse un impression d’opportunité non saisie : il y a 26 ans, la proportion de locuteurs ou de semi-locuteurs était beaucoup plus importante dans la région du Pilat (les patoisants représentaient sans doute encore près de la moitié de la population dans la région du haut plateau). A cette époque, certains locuteurs étaient à la fois assez jeunes et suffisamment compétents pour pouvoir perpétuer la transmission du patois auprès de leurs jeunes enfants.

Notes
175.

Pour l’occitan, voir par exemple, Gardy 1990 ; en annexe de cet article figurent des exemples de l’utilisation de l’occitan à des fins commerciales : étiquettes apposées sur des bouteilles de vin, dépliants publicitaires (Gardy 1990, p. 112-114).