9.2. Le nom de la langue

Pour nommer la langue régionale, l’ensemble des dialectophones de la région du Pilat utilisent le terme patois ou patwé en dialecte. Cette dénomination est la seule qu’ils emploient. Certains locuteurs connaissent les termes occitan ou provençal, mais pour la plupart de ces locuteurs, ces termes désignent une langue parlée dans le Midi de la France, au sud de leur région. Quelques locuteurs savent que leur parler appartient au domaine occitan, mais ils ne disent jamais qu’ils parlent occitan, la langue occitane, un patois ou un parler occitan... Pour ces locuteurs, le parler local apparaît alors comme étant une version dégradée, déviante, d’un occitan (ou provençal) qui existerait, sur une aire assez vaste, sous une forme unique et "pure". Certains locuteurs de parlers situés dans le domaine francoprovençal pensent également que leurs parlers appartiennent au domaine occitan. Le terme francoprovençal est connu d’un très faible nombre de locuteurs : ils ont, en général, appris ce mot dans un livre ou parfois lors d’une conférence.

Quelques locuteurs m’ont quelquefois cité des dérivés de noms de régions pour désigner des ensembles de parlers situés à proximité de la région du Pilat : dans la vallée du Rhône, on m’a parfois parlé du dauphinois et, dans la région du haut plateau, de l’auvergnat. Le savoyard a également été mentionné. Il n’existe aucune appellation englobant les parlers de plusieurs localités de la région du Pilat. Les noms des départements n’ont pas donné de dérivés (comme un éventuel ardéchois par exemple). Il n’existe pas non plus de nom particulier pour tel ou tel parler d’un village de la région du Pilat. J’ai pu parfois entendre des locutions formées de le patois + adjectif dérivé d’un nom de lieu, quand celui-ci s’y prêtait - "le patois serrièrois", par exemple - mais de telles locutions n’existent qu’en français. Le terme patois désigne donc, pour les locuteurs, à la fois l’ensemble des parlers perçus comme suffisamment proches et le parler d’un village particulier. En cas d’ambiguïté, les locuteurs précisent donc le patois de x, lu patwé de vé x. Il n’existe pas de terme français ou patois pour désigner les personnes sachant parler patois, ni pour désigner ceux qui le comprennent sans savoir le parler.

L’appellation même de patois ne comporte pas de connotation péjorative : c’est la langue qu’elle désigne qui peut être méprisée par certains. Pour marquer ce peu de considération, quelques personnes emploient le terme dialecte (ou plus rarement jargon) avec le sens de "sous-langue, langue rudimentaire, grossière"176 (dialecte n’est jamais utilisé pour désigner un parler local ou un ensemble de parlers de la région du Pilat). Tout le monde n’attribue pas le même sens au mot dialecte (certains dialectophones de la région du Pilat ont parfois employé les expressions dialecte alsacien ou dialecte breton) et, si un locuteur l’emploie dans un sens péjoratif, il doit expliciter son jugement par d’autres propos.

Notes
176.

En Beaujolais, A.-M. Vurpas a également relevé le terme jargon, mais aussi argot pour désigner péjorativement le parler local (A.-M. Vurpas, communication personnelle).