9.3.2. Une langue "dévalorisée"

Cette absence de relation entre patois et français suffit-elle à faire du patois une langue ? Pour la plupart des locuteurs, le patois est bien une langue. Mais c’est une langue particulière, qui ne peut se comparer avec le français.

9.3.2.1. Une langue exclusivement orale

Pour être une langue à l’égal du français, il faudrait, entre autres, dans l’esprit des locuteurs, que le patois dispose d’un système d’écriture. Or la majorité des dialectophones pensent que le patois ne peut pas s’écrire. Très fréquemment, alors que je prenais des notes lors des enquêtes, les témoins m’ont demandé comment je pouvais écrire le patois. Certains se sont intéressés au système de notation utilisé mais ce code phonétique leur a paru incompréhensible. Une raison très prosaïque explique l’opinion largement partagée selon laquelle le patois ne peut pas s’écrire : il n’existe pas de tradition d’écriture du patois dans la région du Pilat ; certains locuteurs n’ont jamais vu d’écrits en patois et beaucoup d’autres seulement très rarement. Ainsi, une femme de Marlhes (n° 23) âgée de 61 ans m’a dit qu’elle n’avait eu qu’une seule fois l’occasion de voir un texte en patois (mais elle connaissait l’existence d’un second écrit, un monologue qui aurait été couché sur papier). Les témoins qui avaient eu l’occasion de lire des textes en patois m’ont tous fait part des difficultés qu’ils avaient éprouvées pour les lire. Ces locuteurs pensent qu’il n’existe pas d’orthographe codifiée, preuve pour eux que le patois ne peut pas s’écrire. Certains imaginent toutefois qu’il existe une norme graphique, une norme qu’ils ne connaissent pas : ils affirment alors qu’ils ne savent pas lire le patois.