Les jeunes locuteurs tardifs

Les jeunes locuteurs tardifs sont peu nombreux. Ces locuteurs sont majoritairement des hommes, comme ceux d'ailleurs de la catégorie précédente. Mais le contexte de leur apprentissage du patois a été différent de celui qu’ont connu leurs aînés : ils ont commencé à apprendre le patois alors que son usage avait déjà beaucoup diminué. Ils tiennent donc leurs connaissances de quelques locuteurs seulement, très souvent de leur père ou de leur grand-père. Ils n’ont souvent été exposés qu’au parler de leur village, ce qui explique que ces locuteurs tardifs connaissent mal les variations géographiques de la langue régionale.

Ce type de locuteurs redoutent peu que l’image négative du patois leur soit attribuée. Le risque est, de toute façon, assez faible : leur usage de cette langue se cantonne à des échanges avec un nombre très restreint de personnes, et leurs compétences sont donc connues de peu de gens. D’autre part, ils sont des dialectophones trop atypiques pour se voir attribuer les stéréotypes attachés aux patoisants âgés. Plutôt qu’une langue locale ou/et une langue du passé, le patois est plus, pour eux, une langue "familiale", puisqu’ils ne l’emploient pratiquement que pour des échanges entre membres de leur famille. Contrairement aux semi-locuteurs, leurs lacunes ne les empêchent pas de parler patois. Ils portent sur le patois un jugement esthétique assez favorable.

La crainte que le bilinguisme puisse représenter une menace pour le français est étrangère à ces locuteurs tardifs : ils ne l’évoquent jamais, et, interrogés à ce sujet, ils disent ne pas partager cet avis. Les jeunes locuteurs tardifs ne sont pas des dialectophones très compétents : le patois leur apparaît comme une "vraie" langue qu’ils ne maîtrisent pas totalement. Souvent, ces locuteurs ont appris une langue étrangère à l’école, mais les modalités de leur apprentissage de la langue régionale sont très différentes de celles qu’ils ont connues lors de l’apprentissage scolaire d’une langue étrangère : comme l’ensemble des dialectophones, ils ne sont pas conscients des règles qui régissent le patois. Leurs compétences ne résultent pas de l’acquisition consciente de certaines de ces règles, mais proviennent d’échanges répétés avec un dialectophone (ou, plus rarement, avec quelques dialectophones, toujours peu nombreux) ayant tenu lieu de "mentor" : leur acquisition procède de l'imitation et des corrections de leurs erreurs par leur(s) aîné(s)