10.1. Auto-évaluation des compétences

10.1.1. Auto-évaluation selon le type de locuteurs

Les locuteurs traditionnels

Le jugement des locuteurs traditionnels sur leurs compétences en patois est assez simple : ils affirment qu'ils sont capables de parler patois. Ceux qui le pratiquent encore quotidiennement ou régulièrement invoquent parfois quelques "trous de mémoire". Selon eux, ces oublis portent exclusivement sur le vocabulaire, en particulier celui qui concerne des réalités aujourd'hui disparues ou celui qui porte sur des domaines avec lesquels ils ont peu été en contact (par exemple le vocabulaire de la vie domestique pour les hommes, la faune sauvage pour les personnes qui ne chassaient pas...). Les locuteurs traditionnels usagers épisodiques du patois, ou ceux qui, depuis quelques années, n'ont plus l'occasion de le parler depuis le décès de leurs interlocuteurs habituels, ont eux aussi le sentiment de savoir parler patois mais ils prétendent, plus fréquemment que les usagers quotidiens ou réguliers, ne pas être totalement compétents en patois. Le plus souvent, les enquêtes ont montré que ce n'était pas le cas : les parlers de ces locuteurs présentent au plus quelques lacunes lexicales.

Des locuteurs traditionnels ont parfois affirmé qu'une personne récemment décédée aurait pu être un excellent témoin, meilleur qu’eux-mêmes. Mais cela ne signifiait pas qu'ils se considéraient comme de "mauvais" patoisants : la personne à qui ils faisaient allusion était connue pour son habileté à parler patois avec brio, pour ses talents de conteur par exemple, plus que pour ses compétences linguistiques elles-mêmes. Il est intéressant de noter, même s'il s'agit d'une caractéristique "en négatif", "par défaut", que les locuteurs traditionnels n'évoquent jamais une quelconque "dégénérescence" du patois : ils ne pensent pas le parler moins bien que leurs parents, et ils estiment que le patois parlé aujourd'hui par les locuteurs de leur génération est le même que celui des générations précédentes (à l'exception des mots disparus avec les objets qu'ils désignaient, et du recours au français pour les réalités nouvelles).