10.2.2. Pas de consensus entre les différents types de locuteurs

Ces données montrent que tous les dialectophones ne partagent pas la même conception de ce que "savoir parler patois" ou "pouvoir comprendre le patois" veut dire. Si les locuteurs les plus compétents semblent être les plus restrictifs dans leurs jugements, c’est en fait l’ensemble des personnes les plus âgées, quel que soit le niveau de leurs compétences, qui tendent à avoir la conception la plus sélective, puisque certains anciens locuteurs et l’ensemble des locuteurs muets partagent l’avis des locuteurs traditionnels et des locuteurs tardifs âgés. Les locuteurs plus jeunes, c’est-à-dire l’ensemble des semi-locuteurs et certains au moins des jeunes locuteurs tardifs sont beaucoup plus indulgents dans leurs jugements et ils considèrent comme locuteurs actifs des personnes dont les compétences actives ne sont pas reconnues par les témoins âgés. Ce décalage entre les jugements des deux générations a des implications évidentes sur la composition et l’avenir de la communauté linguistique : il n’existe pas de consensus sur les personnes qui appartiendraient à la communauté des dialectophones actifs. La pratique actuelle du patois montre que l’exclusion de certains locuteurs, considérés comme patoisants par les locuteurs les plus jeunes mais pas par les plus âgés, souvent plus compétents, leur interdit de pouvoir parler patois auprès de ceux qui le maîtrisent le mieux, ce qui les empêche donc de pouvoir parfaire ou même maintenir leurs acquisitions.