Les estimations des sous-locuteurs et des francophones

Le comportement des sous-locuteurs et celui des francophones exclusifs se distinguent peu en ce qui concerne l'évaluation du nombre des locuteurs (actifs ou passifs) de leur village : ces évaluations sont très diverses selon les individus. Beaucoup n'ont aucune idée du nombre de dialectophones et se sentent incapables de l'évaluer. D'autres sous-estiment manifestement le nombre de dialectophones de leur village, pensant même, pour certains, qu'il n'y en a plus. Ainsi, les deux secrétaires de mairie de Saint-Genest-Malifaux (n° 13), originaires de cette localité et dont l'une au moins doit relever de la catégorie des sous-locuteurs, m'ont affirmé qu'il n'y avait plus de personnes capables de parler patois à Saint-Genest-Malifaux "depuis longtemps", une assertion qui a été rapidement démentie. Mais, même dans les villages moins hostiles au patois et où sa vitalité est encore importante, certains francophones ou sous-locuteurs pensent que personne ne sait plus parler patois : c'était par exemple l'opinion d'un sous-locuteur de 40 ans environ originaire de Saint-Romain-les-Atheux (n° 9, témoin A). Toutefois, d'autres personnes appartenant aux catégories des francophones ou des sous-locuteurs sont moins pessimistes. Elles indiquent alors des chiffres qui varient considérablement : certains proposent des évaluations proches de celles des locuteurs âgés tandis que d’autres fournissent des chiffres correspondant aux estimations des semi-locuteurs. Enfin, quelques francophones ou sous-locuteurs surestiment manifestement le nombre de dialectophones et mentionnent des chiffres très élevés. Ces disparités montrent bien que dans cette couche de la population, la vitalité du patois ne fait pas l’objet d’un consensus et que les critères permettant de considérer quelqu'un comme locuteur actif ou passif ne sont pas unanimes.