Conclusion : une communauté linguistique "atomisée"

‘"La notion de communauté linguistique est non seulement utile, mais inévitable dans notre discipline dès qu’un langue est conçue comme un instrument de communication s’adaptant aux besoins du groupe qui l’utilise : "communication" implique "communauté"" (Martinet 1969, p. 151)’

Face à la multitude des situations linguistiques possibles ou avérées, la notion de communauté linguistique a donné lieu à de nombreuses définitions. Même une situation monolingue, correspondant à la définition étroite de L. Bloomfield ("une communauté de personnes parlant la même langue" ; Bloomfield 1933 cité par Fishman 1971, p. 46) est généralement plus complexe qu’il n’y paraît à première vue : ainsi, par exemple, A. Martinet réfute l’illusion d’une pseudo homogénéité d’une telle situation dans le chapitre 5.8 de Eléments de linguistique générale, intitulé "complexité réelle d’une situation monolingue" (Martinet 1970, p. 151) : il met l’accent sur la présence de différents registres qui coexistent très souvent à l’intérieur d’une communauté linguistique unilingue (voir aussi Fishman 1971, p. 43-49).

Mais plusieurs langues peuvent être parlées à l’intérieur d’une même communauté. La situation linguistique de la région du Pilat est un exemple de communauté où deux langues (au moins) sont pratiquées par une partie de ses membres. La région du Pilat ne forme pas une entité nettement circonscrite ; l’espace géographique de cette étude a été défini arbitrairement, et les personnes qui l’habitent appartiennent toutes à une communauté linguistique beaucoup plus vaste, la communauté francophone, qui n’occupe évidemment pas un espace correspondant strictement à des entités politiques ou administratives actuelles ou anciennes.

On peut se demander par contre si l’ensemble des dialectophones de la région du Pilat forme aujourd'hui une même communauté linguistique, dont les limites pourraient éventuellement dépasser le cadre de la région du Pilat. Pour pouvoir considérer qu’ils forment une communauté, il est nécessaire que les dialectophones partagent autre chose que des compétences linguistiques, celles-ci étant d’ailleurs d’ampleur différente selon les individus. Plusieurs critères peuvent être pris en compte.