1.2.4.1. finale -ABE, -AVE (carte 30)

Pour ce traitement également, les mots-témoins sont rares. Le seul exemple que l'on trouve partout dans la région du Pilat est CLAVE "clé". Un second mot peut étayer les hypothèses formulées à partir des différentes formes du mot "clef" : il s'agit de TRABE "poutre". Malheureusement, ce terme est en train de disparaître et il n'a été obtenu que dans quelques villages.

On a vu dans le paragraphe précédent que le dialecte de Saint-Etienne (n° 1) ne connaît pas la vocalisation du V de CLAVE (cf. Veÿ 1911, p. 24).

Le sud du Forez, dans sa partie occitane, vocalise le V de CLAVE, tandis que dans la partie nord non envahie par le français "clef", le V s'est amuï (cf. Gardette 1941a, p.87-90 et carte 18).

Dans le Dauphiné septentrional, V final en contact avec des voyelles d'avant est tombé comme le V de NIVE (cf. Devaux 1892, p. 105).

J.-Cl. Bouvier a montré que seule la frange nord de la Drôme connaissait ce traitement : dans la partie occitane de ce département, le V de CLAVE s'est vocalisé (cf. Bouvier 1976, p. 233-235 et carte 36).

Dans la région du Pilat, il est parfois très difficile de distinguer les formes provenant de la vocalisation de V des formes qui supposent la chute de V. En effet, plusieurs évolutions différentes peuvent aboutir à la même forme :

CLAVE > kla (à Limony (n° 18) par exemple)

Mais CLAVE > kl a u > kla (à Ardoix (n° 37) par exemple, où les deux formes coexistent)

CLAVE > *kl a o > klo (à Saint-Romain (n° 9) par exemple)

Mais CLAVE > *kla > klo (dans le même village, si l'on imagine que le a de la forme kla a suivi le traitement de a accentué devenu final de bonne heure ; cf. ci-dessus 1.1.2.)

Ou CLAVE > *kla (> kla o) > klo (vélarisation de a accentué, à Clonas (n° 5), par exemple ; cf. ALLy 697)

Pour les formes kla, l'aperture de a devrait en théorie permettre de distinguer celles qui proviennent de la vocalisation de V de celles qui résultent simplement de cette consonne. Mais ni mes notations ni celles de l'ALLy n'autorisent une telle distinction : il serait imprudent de tirer des conclusions plus précises que les réalisations effectives ou la notation des données.

Même s'il est impossible de tracer, dans la région du Pilat, une limite précise entre les deux traitements, les formes de certains villages sont explicites, et celles de certaines autres localités permettent d'émettre des hypothèses relativement sûres.

Les formes klo de Sainte-Croix (n° 2) et Clonas (n° 5) résultent du traitement lyonnais de a accentué, comme la forme kla o de Pélussin (n° 4). Il est probable que les formes kla de la Valla (n° 3) et Saint-Pierre (n° 8) proviennent de la chute du V comme certainement les formes kya et kla de Limony (n° 18) et Véranne (n° 12). La forme trò (< TRABE) de Véranne présente sans doute le traitement lyonnais de a accentué. Les formes kla de Tarentaise (n° 10) et du Bessat (n° 11) sont ambiguës et peuvent résulter de l'un ou l'autre des deux traitements.

En domaine occitan, trois villages présentent encore la diphtongue qui provient de la vocalisation de V :

Il faut certainement imaginer pour les formes kla de Riotord (n° 33), Jonzieux (n° 19) et Saint-Sauveur (n° 29) une simplification de la diphtongue a u (hypothèse confortée par la double forme d'Ardoix).

Les formes klo de Saint-Romain (n° 9), Saint-Genest (n° 13) et Planfoy (n° 6) peuvent provenir soit de l'évolution *kla > klo (traitement de A devenu final de bonne heure par amuïssement de la labiale), soit de la simplification de la diphtongue a o. La forme du pluriel klo à Saint-Genest (n° 13) pourrait donner à penser que la seconde hypothèse est la plus probable (la première supposerait une forme kla pour "clés"). Mais l'analogie a pu jouer, généralisant la forme du singulier, car on relève les formes kyè à Brossainc (n° 16) et Vinzieux (n° 17), klè à Félines (n° 21), ainsi que la forme trè (< TRABE) à Brossainc, formes qui proviennent de l'amuïssement du V. En effet, on a vu que ces trois villages faisaient évoluer le A accentué devenu final par chute d'une consonne en è : BLADU > blè "blé", PRATU > prè "pré" (cf. ci-dessus 1.1.2. et carte 2). Ces trois localités francoprovençales d'après le traitement de A précédé de palatale n'ont donc pas connu la vocalisation de V.

S'il n'est pas possible de tracer de limite précise entre vocalisation et chute du V de TRABE et CLAVE (voir carte 30), on peut néanmoins affirmer que dans la région du Pilat, la vocalisation du V est un phénomène occitan, comme dans le Forez.