Plusieurs mots-témoins permettent d'illustrer le traitement de la finale -IVU. Mais aucun n'est répandu dans toute la région du Pilat :
AESTIVU "été" est concurrencé par le type français été ou par le type bõ tyõ "beau temps" dans une partie de la région du Pilat (cf. Etude lexicale).
RIVU désigne soit la rivière, soit le ruisseau, mais le type français rivière est en train de remplacer RIVU dans les deux emplois (cf. Etude lexicale).
*AB-HORA+IVU "précoce" n'existe que dans la partie occitane de la région du Pilat et il est de plus en plus rare (cf. Etude lexicale).
LIXIVU "lessif" : ce mot n'est pratiquement plus connu, la pratique de la lessive à la cendre ayant été abandonnée depuis près d'un siècle (voir ci-dessus Etude sociolinguistique et cf. Etude lexicale).
VIVU "vif" : c'est aussi un mot en voie de disparition. Ce sont parfois les formes vif / viv qui ont été obtenues, mais, dans quelques cas, les témoins se sont abstenus de répondre : la forme vi, trop proche du français, leur paraissant suspecte.
En Forez, les formes dialectales issues de ces étymons supposent toutes la vocalisation du V (cf. Gardette 1941a, p. 90-92 et carte 19). Il semble qu'il en soit de même dans la région du Pilat : les parlers occitans comme les parlers francoprovençaux connaissent ou ont connu la vocalisation de V.
Dans la majorité des parlers occitans, la diphtongue s'est maintenue (voir carte 31). Toutefois, quelques villages occitans proches de la limite entre les deux aires linguistiques ne présentent aucune diphtongue dans les mots-témoins ci-dessus : Thélis (n° 14), Saint-Julien (n° 15), Saint-Marcel (n° 26), Davézieux (n° 31), Champagne (n° 32) et Andance (n° 35). A l'inverse, quatre localités francoprovençales montrent des cas de maintien de la diphtongue : la Valla (n° 3), Tarentaise (n° 10) le Bessat (n° 11) et Véranne (n° 12) (comparer la carte 31 avec la carte 15, qui montre l'extension maximale de la diphtongue AU latine ou romane).
La carte 36 qui figure dans Les parlers provençaux de la Drôme montre que, dans ce département voisin, la limite de conservation de la diphtongue est également assez proche de celle qui distingue les parlers occitans des parlers francoprovençaux (Bouvier 1976, p.233-236).
Même si l'ensemble des parlers de la région du Pilat connaît le même traitement du V dans la finale -IVU, ce point permet d'illustrer l'aire de conservation de la diphtongue mais surtout le statut particulier des parlers de la partie de la région du Pilat appelée aire de transition d'après le traitement de palatale + -ARE. En effet, huit villages de cette région présentent majoritairement des formes en i (parfois -iy ou -üy) :
rivu | vivu | lixivu | ||
"rivière, ruisseau" | "vif" | "lessif" | ||
Limony | 18 | ri | vi | - |
Brossainc | 16 | ri | vi | - |
Vinzieux | 17 | ri | - | lési |
Félines | 21 | ri | - | lési |
Serrières | 22 | vi | vi | lési |
Véranne | 12 | - | - | lüsiy / lüsy a o |
Roisey | 7 | - | - | lüsü:y |
Pélussin | 4 | - | riy | - |
Ces villages ont connu une évolution identique à celle de certains parlers foréziens. P Gardette décrit ainsi les formes en -i : "on peut sans doute les expliquer par la chute du second élément de la diphtongue i u décroissante, formée par la coalescence de l'I avec V vocalisé" (Gardette 1941a, p. 139, voir aussi GPFP, p. 92 ou ALLy 5, 644)225. Les formes lüsiy de Véranne (n° 12) et riy de Pélussin ne posent pas de problème : elles s'expliquent par le traitement propre à ces localités de i accentué final (cf. ci-dessus 1.1.3.) et elles font la transition avec la forme lüsü:y de Roisey (n° 7).
Le traitement particulier de la finale -IVU singularise encore une fois les parlers francoprovençaux de cette aire de transition proche du domaine occitan (voir carte 31).
Voir également les cartes 138 "rivière" et 1314 "eau de lessive" de l'ALJA, ou la carte 122 "eau de lessive" de l'ATF qui révèlent des formes en -i à l'est de la région du Pilat.