2.1.3. L'article défini féminin pluriel (carte 46)

Dans la région du Pilat, les différentes formes de l'article défini féminin pluriel sont pratiquement toutes régulières : issues de (IL)LAS, elles connaissent les mêmes évolutions et elles se répartissent de la même manière que les noms et les adjectifs féminin pluriel remontant aux formes latines en -AS (cf. ci-dessus et carte 11).

Dans la partie occitane de la région du Pilat, l'article défini féminin pluriel est , conformément à la phonétique du nord-occitan. Aux points 30, 34 et 37 (Boulieu, Vanosc et Ardoix), dont les données sont anciennes puisqu'elles proviennent de l'ALLy, cette forme s'oppose assez nettement à la forme du singulier, . Par contre, dans les localités qui connaissent également la forme du singulier la, l'opposition :

singulier á / pluriel à

n'est pas, ou n'est plus, très nette : au pluriel comme au singulier, la notation de la voyelle de l'article défini féminin a le plus souvent été a moyen. La non distinction á / à peut s'expliquer par les mêmes raisons que pour le singulier (influence du français et/ou proximité avec des parlers qui ne connaissent pas l'opposition á / à).

Dans la partie francoprovençale de la région du Pilat, l'article défini féminin pluriel est le. Il s'agit du résultat normal de l'évolution phonétique locale de la finale -AS : -a > -e, peut-être par l'intermédiaire d'une étape -è ou -é. A Saint-Etienne (n° 1), le pluriel de l'article défini féminin était également le (cf. Veÿ 1911, p. 152-153 ; Straka 1954 p. 119 ; Vacher p. 41) et cette forme a subsisté jusqu'à la disparition du patois stéphanois (Januel 1980).

Aujourd'hui, chez les bons patoisants (locuteurs traditionnels ou tardifs âgés), l'emploi de la forme le pour l'article défini féminin pluriel est presque systématique : les quelques notations de la forme (français les) s'expliquent sans doute par la méthode d'enquête (questionnaire). Dans le discours courant, les confusions le / sont rares chez les locuteurs compétents.

Dans l'ouest de la région du Pilat, l'article défini féminin pluriel est en général . A Saint-Romain (n° 9, ALLy 67), H. Girodet a relevé la forme , alors qu'à Saint-Sauveur (n° 29, ALLy 69), son village natal, il a noté . J'ai pour ma part presque toujours noté l'article défini féminin pluriel des localités de l'ouest de la région du Pilat, y compris dans les villages proches de Saint-Romain (à Saint-Genest (n° 13) par exemple). Il est possible que dans certains parlers de cette région, ait été la forme traditionnelle : le changement en s'expliquerait aisément par l'influence de la forme française les. Mais aucun élément déterminant ne confirme cette hypothèse : les locuteurs âgés et/ou compétents n'emploient pas plus souvent la forme que les autres.

La comparaison entre la carte 46 et celle qui montrait l'extension des différents traitements de la finale -AS (carte n° 11) montre une coïncidence presque parfaite entre les deux isoglosses. Il existe toutefois une exception : à Saint-Julien (n° 15), alors que la voyelle atone finale des noms et des adjectifs féminins pluriels remontant aux formes latines -AS est en général -é, l'article défini féminin pluriel est le. Les chapitres précédents ont montré à plusieurs reprises que le patois de Saint-Julien, localité francoprovençale très proche de la limite entre les deux grandes aires linguistiques, est un parler dans lequel les traits occitans, ou tout au moins ceux relevés dans la partie occitane de la région du Pilat, sont très nombreux.