2.5.3. Le verbe "être"

2.5.3.1. Présent de l'indicatif : 2e personne du singulier (carte 55)

La carte 1262 de l'ALLy "je suis ; tu es" montre qu'entre l'aire occitane où, à la 2e personne du singulier de l'indicatif présent, "être" est représenté par des formes en s- et celle où "(tu) es" apparaît sous la forme é ou è, un ensemble de parlers présente la forme ès. L'aire où cette forme est attestée se poursuit dans le nord du Dauphiné (voir la carte 1746 de l'ALJA).

A propos de la forme ès à Pélussin, J.-B. Martin écrit : "cette forme pourrait bien être le produit d'une hybridation entre les formes é du francoprovençal et les formes en s de l'occitan voisin (sya, ) puisque é sse se trouve au contact des deux types de formes" (Champailler, p. 247).

Une partie des parlers de la région du Pilat connaît cette forme. La carte 55 montre l'extension de la forme ès dans le domaine : elle n'apparaît que dans une petite aire au nord-est, délimitée par les points 2, 12 et 5, c'est-à-dire Sainte-Croix, Véranne et Clonas. Ce tracé est assez inhabituel : dans la plupart des cas de bipartition du domaine déjà traités dans cette étude, Saint-Etienne (n° 1) et surtout la Valla (n° 3) relevaient souvent de la même aire que l'ensemble des points du nord-est de la région du Pilat, ou tout au moins des plus septentrionaux. Une telle limite ne peut qu'être une limite "secondaire", plus récente que celles qui forment un faisceau le long de l'axe Saint-Etienne (n° 1) / Albon (n° 36).

La répartition des formes , sya / ès dans la région du Pilat montre que les parlers francoprovençaux méridionaux présentent le même type de forme que les parlers occitans du domaine. Cette répartition suppose soit un emprunt de ces parlers francoprovençaux aux parlers occitans, soit, plus vraisemblablement, que les formes francoprovençales sont autochtones : la forme ès résultant d'une hybridation entre les deux types de formes aurait donc remplacé un ancien plutôt que la forme é relevée plus au nord. Si cette hypothèse est vraie, la limite entre les formes et é devait donc également se situer plus au nord et ne pas correspondre à la limite entre occitan et francoprovençal : le parler de Saint-Etienne (n° 1), francoprovençal, connaissait d'ailleurs la forme (cf. Veÿ 1911, p. 250-252 ; Vacher)

Les deux types de formes de la 2e personne du singulier de l'indicatif présent que connaissent les parlers de la région du Pilat sont une autre preuve de l'appartenance de cette région à un ensemble plus vaste qui forme une zone de transition aux confins de l'occitan et du francoprovençal.