3.2.14. jument (carte 71)

ALLy 311 ; ALF 736 ; ALJA 816 ; ALMC 469 ; ALP 1042

français régional : cavale Isère (Villeneuve)

Le terme héréditaire issu de EQUA a pratiquement disparu du domaine francoprovençal (on relève le mot egua dans les écrits de Marguerite d'Oingt, et l'ALF mentionne trois formes é ga en Suisse romande), mais la forme é go s'étend dans une aire importante dans Massif Central. Le reste de l'occitan comme le francoprovençal emploie les types cab a la, cav a la, eux-mêmes supplantés par le français jumã dans les régions en contact avec le domaine d'oïl. Le type français s'avance dans l'ouest du domaine francoprovençal jusque dans la région stéphanoise.

La région du Pilat connaît ces trois types différents. La forme kaval occupe la région de la vallée du Rhône et le sud du domaine, à l'exception de Riotord (n° 33), localité qui appartient, avec l'ouest de l'Ardèche à la frange la plus orientale de l'aire occitane é go. Le reste de la région du Pilat ne connaît que le type jumã. Toutefois, les formes de deux points d'enquête peuvent s'analyser soit comme les buttes-témoins d'aires aujourd'hui disparues, soit comme le lieu de créations locales. La forme puliny è ra de Saint-Julien (n° 15) relève sans doute de cette dernière catégorie : la seule autre forme similaire, puyin è ira, est également une forme isolée, et elle est assez éloignée de Saint-Julien (point 2 de l'ALMC). A Marlhes (n° 23), on emploie la forme puy i no, féminin de puyi "poulain" (le féminin de "poulain" étant pul i šo). Là encore, il doit s'agir d'une création locale car aucune forme apparentée n'existe dans les régions alentours. Le terme é go est connu à Marlhes par certains témoins, mais uniquement dans un dicton qui compare le temps de gestation de diverses femelles d'animaux domestiques. Il faut à certains locuteurs un certain temps de réflexion pour déduire le sens de é go contenu dans cette formule figée et apprise par coeur : é go est senti comme un mot étranger (le dicton est censé provenir de la Haute-Loire).

La région où l'on emploie le même type que le français ne correspond pas à la région habituellement la plus francisée. Mais l'adoption du français jümã est déjà ancienne, comme l'indiquent les attestations de ce type dans l'ALLy. On peut par contre remarquer que cette région correspond à celle où les chevaux étaient peu nombreux (cf. Etude sociolinguistique). A l'inverse, dans la région soumise depuis longtemps à l'influence du français, la vallée du Rhône, les témoins connaissent encore le mot kaval. Mais cette partie du domaine, où les chevaux étaient nombreux au temps de la jeunesse des témoins, entretenait en outre de nombreux contact avec le Dauphiné, où le terme kaval était courant (cf. ALJA 816).

A la limite entre les aires jümã et kaval, les deux termes coexistent à Peaugres, mais dzümã est le terme normal, kaval servant à désigner une jument en mauvaise santé, une "rosse". La restriction sémantique du terme dialectal à un sens déprécié est également une des étapes de la francisation, et peut-être d'autres cas de déclin de langue.