3.2.19. coq (carte 76)

ALLy 335 ; ALF 320 ; ALJA 759 ; ALMC 577 ; ALP 817 ; Bouvier 1970, p. 455-469

français régional : jail Ardèche (Mariac) ; jaou Hautes-Alpes (Champsaur) ; poulet Loire (Pilat, Roannais), Rhône, Ain

Alors que les continuateurs du latin GALLUS "coq" occupent l'ensemble des domaines vivaro-alpin et auvergnat, un dérivé PULLUS, polé, pulé couvre la majeure partie du domaine francoprovençal, s'étendant plus au nord en Bourgogne et en Franche-Comté. Mais des formes issues de GALLUS apparaissent, dans la Loire, à l'extrémité ouest du domaine francoprovençal : la limite entre les deux types est plus orientale que celle qui sépare l'occitan du francoprovençal.

Dans la région du Pilat, les deux limites sont par contre assez proches : seuls les villages francoprovençaux emploient le type polé, puloe (à l'exception du point 15, Saint-Julien). Le type pule des parlers francoprovençaux de la région du Pilat fait écho au français régional poulet du Pilat (le domaine d'enquête du Dictionnaire du français régional du Pilat s'étend "sur l'ensemble du canton de Pélussin", qui appartient en totalité au domaine francoprovençal ; cf. Martin 1989, p. 6).

Le type , dzè n'apparaît que dans la partie occitane de la région du Pilat. Mais, dans une petite aire qui comprend l'extrémité nord-est de la Haute-Loire, le coq est désigné par dzayar, un dérivé de dzè. Cette aire s'étend dans la partie occitane du sud de la Loire et dans le nord de l'Ardèche. Dans la région du Pilat, les aires et dzayar ne sont donc distinctes qu'au nord est et au sud-est. Dans le reste de la partie occitane du Pilat, les deux types sont employés en même temps. Certains villages ont profité de la coexistence des deux formes pour opérer une distinction sémantique : à Saint-Genest (n° 13) ou à Jonzieux (n° 19) par exemple, le dzè est le coq en général, alors que dzayar désigne un gros coq : la distinction s'établit toujours dans ce sens, sans doute à cause de la forme plus "étoffée" de dzayar.

La forme jar utilisée à Andance (n° 35) en concurrence avec kok peut être le produit de l'hybridation de et dzayar.

A la limite des aires puloe et / dzayar, certains villages de la vallée du Rhône ou du plateau intermédiaire, confrontés à deux ou même trois types en concurrence, ont résolus l'ambiguïté née de cet affrontement en ayant recours au français kok. Cinq villages ne connaissent que le mot coq, et sa présence à Boulieu (n° 30), dont les données datent du milieu du XXe siècle, montre que l'appel au français pour trancher le dilemme est déjà ancien. La consultation des cartes "coq" de l'ALJA et de l'ALP indique que les parlers du nord de la Drôme, également situés à la fois à la lisière des deux aires lexicales (puloe et ) mais aussi dans une région où la pression du français est ancienne, ont pareillement adopté le mot français.

La carte "coq" présente une configuration conforme à la géographie linguistique de la région du Pilat, avec une bipartition du domaine selon l'habituel axe nord-ouest / sud-est. Mais, dans la région soumise depuis longtemps à l'influence du français, une poche s'avance entre les deux types principaux, le long de la limite qui constitue une zone de fragilité. Cet envahissement n'atteint pas les parlers limitrophes du haut-plateau, où la pression du français est plus récente. La carte phonétique "neige" présente la même intrusion d'un type français entre deux aires lexicales plus ancienne (cf. carte 29).