3.2.32. chenet (carte 88)

ALLy 737 ; ALJA 1141 ; ALMC 780 ; ALF 1787

Le type lexical qui était le plus fréquent pour nommer les chenets dans la moitié ouest du francoprovençal et dans la partie de l'occitan qui borde le domaine francoprovençal remonte au gaulois *ANDEROS "jeune taureau". Mais, depuis les enquêtes de l'ALLy et avec la disparition des cheminées anciennes, ce type semble en recul face à l'envahisseur chenet. A côté des formes lãdi, lãdyé issues de *ANDEROS, qui supposent l'agglutination de l'article, et du type également ancien provenant de CAMINUS + ALIS, six autres types apparaissent dans l'ALLy.

La région du Pilat à elle seule en comportait six : en plus des deux plus anciens, les continuateurs de *ANDEROS étant les plus nombreux, on relève pyèr de fwe "pierre de feu" à la Valla (n° 3), pup u no "poupée" à Saint-Romain (n° 9), mun i na "guenon" à Saint-Sauveur (n° 29) et Vanosc (n° 34), et une absence de réponse à Clonas (n° 5). Il est intéressant de voir l'évolution d'une situation révélant une telle profusion de termes. Aucune des formations imagées mentionnées par l'ALLy n'a été retrouvée, mais cinq termes nouveaux ont été mentionnés par les témoins des enquêtes récentes : l'expression šyora de fyo "chèvre de feu" du Bessat (n° 11) s'explique aisément, le mot chèvre désignant le chevalet utilisé pour scier ou tronçonner le bois, un objet dont la forme s'apparente à celle des chenets. Deux termes indiquent la confusion avec des objets apparentés : le trépyé cité à Saint-Régis (n° 24) était le nom du support sur lequel on plaçait la marmite, et le krimé relevé à Saint-Genest (n° 13) le nom de la crémaillère. Le mot mõtã de Marlhes (n° 23) est un terme général, et rayu à Saint-Julien (n° 15) peut-être le mot rayon. Le mot français apparaît à Véranne (n° 12), Peaugres (n° 28) et, dès les enquêtes de l'ALLy, à Boulieu (n° 30). Enfin, un grand nombre de témoins ont dit qu'ils ne savaient pas (dans sept localités + Clonas d'après l'ALLy).

Le type lãdyé survit dans deux villages de la région du haut plateau, mais il est par contre assez vivant à l'est de la région du Pilat (l'ALJA indique d'ailleurs que seul le nord de l'Isère connaissait encore les formes issues de *ANDEROS). Mais, dans l'est du domaine, j'ai parfois rencontré une difficulté inattendue : pour les témoins de Véranne (n° 12), Serrières (n° 22) et Andance (n° 35), le mot landier étant un mot de français (Serrières) ou de français régional (Véranne, Andance), le terme patois devait être différent, ils l'ont rejeté après l'avoir proposé (je ne l'avais pas suggéré). Landier est en effet un mot français, mais, s'il n'est pas vieilli, il est en tout cas peu fréquent235. Il est inconnu des habitants du haut plateau, mais, dans la vallée et dans certaines localités de la région du plateau intermédiaire, la vitalité de landier (parfois andier) est très grande et pourrait être régionale.

La multiplicité des mots désignant les chenets a donc perduré, mais en se renouvelant. Pour nommer un objet vieilli (en temps qu'objet utilitaire et non pas seulement décoratif comme pour les cheminées actuelles qui ne servent plus pour cuisiner), le patois use de créations locales imagées. Mais les confusions avec des mots désignant des notions proches, comme les refus de réponse, sont un signe du déclin.

Dans la région où le mot landier est connu, le rejet d'un mot en raison de l'existence d'un équivalent français est également un indice de déclin : cette forme d'hyperdialectalisation due à la proximité génétique des langues en contact, est très fréquente chez les semi-locuteurs. Elle s'explique par l'insécurité linguistique plus forte chez les locuteurs peu compétents.

Notes
235.

TLF et Rob. 1985 le signale sans mention, mais avec un sens restreint : il s'agit d'un type particulier de chenet, autrefois destiné à permettre de cuire ou de réchauffer les aliments.