3.3.1. Le paysage lexical traditionnel

a. Orientation Nord / Sud

Plus de la moitié des différentes limites lexicales sont orientées selon un axe est / ouest. Parmi elles, une majorité passe, à l'ouest, entre les points 3 et 6 (la Valla et Planfoy). Quand on dispose des données pour le parler stéphanois, on s'aperçoit que, le plus fréquemment, la rencontre entre deux types lexicaux a lieu entre Planfoy (n° 6) et Saint-Etienne (n° 1). Un très grand nombre d'isoglosses forme donc, dans cette région, un faisceau serré et dense à la limite de l'occitan et du francoprovençal. Dans certains cas, la rencontre de deux types lexicaux suit de très près la limite des deux grandes aires linguistiques tout au long de son cours dans la région du Pilat (cf. "pie", "aiguiser", "pierre à aiguiser"...). Mais, très souvent, les isoglosses s'en éloignent quand elles parviennent dans la région du plateau intermédiaire, s'infléchissant vers le sud en direction d'Ardoix (n° 37) (cf. "avoine", "scie passe-partout", "ouvrir"..., mais également "donner" - baya au sud / duna au nord - ou "se coucher" - dzèr au sud / kuša au nord -...) ou, au contraire, s'orientant en direction du Nord-Est, vers Clonas (n° 5). Elles peuvent alors contourner l'aire de transition (établie d'après le traitement de la finale -ARE) (cf. "joue", "fane de rave", "abeille"...), mais elles passent le plus souvent au travers (cf. "précoce", "printemps"...).

Mais l'orientation Nord-Sud régit d'autres types de rencontres lexicales. Au Nord-Ouest, certaines isoglosses passent entre la Valla (n° 3) et Sainte-Croix (n° 2). Elles descendent alors peu vers le sud et elles franchissent rarement la limite entre l'occitan et le francoprovençal (cf. "poule", mais également "lèvre" - lor dans l'aire délimitée par les points 2, 17, 18, b u tso ailleurs -...). Le sud de la région du Pilat est également le cadre de certaines rencontres lexicales : quelques types lexicaux ne sont connus que d'une partie des parlers occitans du plateau intermédiaire et de la vallée du Rhône, à l'exclusion des parlers occitans de la Loire (cf. "pomme", "puce", "abeille", "courge"...).

Cet ensemble d'isoglosses qui s'étagent du nord au sud, concentrées en un faisceau serré au sud de Saint-Etienne (n° 2) pour s'évaser ensuite du Nord vers le Sud dans la vallée du Rhône sont le théâtre de la rencontre de type lexicaux d'extension très diverses. Il peut s'agir des confins d'aires englobant une grande partie de l'un ou l'autre des deux domaines linguistiques, comme par exemple les types francoprovençaux pulay "poule", m o la "pierre à aiguiser", ou le types occitan šiva "avoine".

Mais, s'il existe quelques types lexicaux emblématiques, dont les limites d'extension coïncident avec des aires dialectales, ils sont peu nombreux. Le plus fréquemment, les aires lexicales qui se rencontrent et parfois s'interpénètrent dans la région du Pilat couvrent des sous-parties des deux grands domaines linguistiques, l'occitan et le francoprovençal.

Plus que par un faisceau serré d'isoglosses lexicales, c'est en général par la concentration dans une même région d'un grand nombre de limites lexicales orientées dans le même sens que se révèlent les différences lexicales entre deux parties d'une zone frontalière. C'est le cas dans la région du Pilat, où plus de la moitié des isoglosses lexicales, s'échelonnant du nord au sud, forment un dégradé depuis les parlers clairement francoprovençaux jusqu'aux parlers nettement occitans du domaine.