3.3.3. Stabilité et changements depuis les enquêtes de l'ALLy

a. Un paysage lexical ancien figé

Entre les enquêtes anciennes et les relevés récents, on ne constate pas d'évolutions importantes entre le francoprovençal et l'occitan. Grâce aux points de repère que forment les points d'enquêtes de l'ALLy et de l'ALF, on aurait pu mesurer la progression d'un mot venu du sud du domaine ou, au contraire, d'un mot employé au Nord. Un des rares exemples possibles de progression récente pourrait être le mot tésõ "blaireau", relevé au delà de l'aire qu'il semblait former d'après les points de l'ALLy. Mais le français régional peut être à l'origine de sa diffusion, encore qu'il ne soit pas certain qu'il y ait réellement eu une progression : ce mot a été recherché avec une particulière attention et les relevés actuels témoignent plutôt de la survie d'un mot-souvenir.

La diminution du taux d'utilisation du patois entre personnes de villages différents pouvait laisser présager l'absence de mouvement entre le francoprovençal et l'occitan : le paysage lexical ancien est resté relativement figé. Quelques mots venus d'ailleurs ont parfois été relevés mais il s'agissait en général de mots appris dans des chansons et qui étaient sentis comme étrangers (par exemple usto "maison" fourni par les plus jeune des témoins de Davézieux (n° 32), un mot appris par l'intermédiaire d'une chanson diffusée autrefois dans une émission de radio ; cf. aussi s o mo "ânesse" et é go "jument" qui doivent peut-être leur diffusion à un dicton).

Toutefois, certains mots qui formaient de petites aires ont quelquefois été remplacés par d'autres mots patois (cf. "coffin"...), mais il semble que ce type d'emprunt à des parlers voisins ait été au moins facilité par l'emploi d'un équivalent en français régional. Le rôle des régionalismes semble d'ailleurs important dans la conservation de certains mots patois auprès des patoisants âgés, mais l'exemple du mot ras i na "carotte" qui a remplacé l'ancien paston a da montre même qu'un régionalisme a pu être adopté, supplantant un terme patois.

La disparition d'un mot patois peut être compensée par des créations locales (cf. "jument", "précoce"...) mais il peut également ne pas être remplacé : si nécessaire, les patoisants emploieront un mot français patoisé, tout en sachant qu'il s'agit d'un terme n'appartenant pas au fond lexical traditionnel (cf. "panse", "ânesse", "bélier"...).