SECTION II. Désaffiliation et distance aux normes sociales

En introduisant la notion de désaffiliation, R. Castel 149 réfute la coupure statique entre les "in" et les "out" décrite par l'exclusion. Selon l'auteur, trois zones composent l'espace social: la zone d'intégration qui associe travail permanent et liens relationnels stables, la zone de vulnérabilité corrélant précarité du travail et fragilité relationnelle et enfin la zone de désaffiliation associant absence de travail et isolement social. Ces zones ne sont pas statiques ou définies une fois pour toutes, leurs dimensions évoluent au gré des conjonctures.

On assiste actuellement à une fracture de la zone d'intégration et à une expansion de la zone de vulnérabilité alimentant la désaffiliation. Deux axes sont ici étroitement corrélés: l'intégration par le travail et l'insertion dans la sociabilité socio-familiale.

En nous appuyant sur ce modèle, nous pouvons inscrire la question S.D.F dans la zone de désaffiliation. Nous ajouterons, néanmoins, une troisième dimension aux deux axes précédemment cités: celle de l'absence d'inscription physique et symbolique dans le corps social. Le manque de domicile, en effet, même si cette situation est le plus souvent corrélée à un isolement social, apparaît comme une rupture plus forte et surtout atteint une visibilité sociale plus importante due au fait que l'absence d'un espace privé entraîne une occupation de l'espace public et une exposition de soi invalidante au sein de cet espace. Le manque d'inscription physique et symbolique dont nous parlons se traduit notamment par l'absence d'adresse, par le manque de fixité et donc par le déficit de place et de position sociales.

Notes
149.

R. Castel, "De l'indigence à l'exclusion: la désaffiliation. Précarité du travail et vulnérabilité relationnelle", in J. Donzelot, op. cit.