SECTION IV. La consécration de l'exclusion

Les années quatre vingt dix vont être le témoin de l'évolution du débat sur la pauvreté. Les catégories telles qu'inadaptés, handicapés sociaux, Quart- Monde, nouveaux pauvres sont peu à peu abandonnées au profit d'une nouvelle pensée sur notre société et sur son fonctionnement. Dater clairement l'apparition et le succès de la notion d'exclusion est une gageure car c'est plutôt d'une constellation d'interrogations, de recherches et d'actions que le terme émerge.

Toutefois, le courant post-moderne et plus précisément les travaux d'A. Touraine 221 contribueront à théoriser l'exclusion comme modalité nouvelle de compréhension et d'énonciation des rapports sociaux. Selon A. Touraine, la société industrielle était organisée sur un axe vertical alimenté par les relations de classes sociales et par les conflits. La société nouvelle, en revanche, s'articule sur un plan horizontal, une relation duale entre les "in" bénéficiant d'une insertion professionnelle, participant aux différentes formes de la vie sociale et les "out" représentés par la cohorte des chômeurs, relégués souvent dans les banlieues, exclus des droits sociaux les plus fondamentaux. Le débat ne s'organisera donc plus sur le thème de la pauvreté et des inégalités mais sur la participation ou non aux modalités de la vie sociale. Ainsi, l'exclusion ne se résumera pas à un simple manque de ressources mais circonscrira un rapport spécifique au monde, celui justement d'en être absent.

Notes
221.

A. Touraine, "Inégalités de la société industrielle, exclusion du marché", in J. Affichard, J.B. de Foucault, Justice sociale et inégalités, Esprit éd., 1992.