1. L'exclusion sur la scène politique

Le thème de l'exclusion se développera peu à peu notamment dans les discours médiatiques et dans la sphère politique. La campagne présidentielle de 1988 avait été organisée autour de la thématique du chômage et de l'insertion. Tous les candidats avaient fait la promesse d'un revenu minimum donné à tous. Le thème de la "fracture sociale", illustrant l'idée d'une société duale, sera au cœur de la campagne des élections présidentielles de 1995. Ce thème a mis en scène la dissolution des liens sociaux et les moyens à mettre en oeuvre afin de les restaurer.

L'exclusion s'est vue ainsi conférée un statut symbolique non seulement dans le discours politique mais aussi dans les institutions légitimant ces discours. La création d'un ministère chargé de l'Intégration et de la Lutte contre l'exclusion sous le premier gouvernement d'A. Juppé avait pour tâche de préparer le projet de loi contre l'exclusion. Si un changement global de politique en octobre 1995, abandonnant la fracture sociale au profit de la réduction des déficits, fit disparaître ce ministère, la question de l'exclusion perdurera. "L'Intégration" mais aussi "l'Aide Humanitaire d'urgence", laquelle par glissement ne concernera plus le tiers-monde mais les populations sans abri, seront autant de catégories de l'action publique se référant à la notion d'exclusion.

Deux ans plus tard, le gouvernement de L. Jospin mettra en place le ministère de "l'Emploi et de la Solidarité" liant officiellement chômage et exclusion. La lutte contre l'exclusion sera associée dans ce cadre au plein emploi, envisagé lui même comme générateur principal de lien social. A cet égard, sera créé en 1997, sous l'impulsion du Premier Ministre, un Conseil d'analyse économique. Ce Conseil sera assimilé à une structure de réflexion créée afin d'éclairer le gouvernement dans ses choix. En 1998, ce Conseil publiera un rapport intitulé "Pauvreté et exclusion" dans lequel on peut lire: "ce qui rend le chômage insupportable, ce n'est pas tant qu'il engendre la pauvreté mais qu'il peut conduire à l'exclusion sociale", l'exclusion sociale étant définie elle-même par "de faibles perspectives d'avenir" 222 . En 1988, l'exclusion deviendra, par la loi du 29 juillet, une catégorie juridique. Cette "loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions" est décrite "comme un impératif national fondé sur le respect de l'égale dignité de tous les êtres humains (…) qui tend à garantir (…) l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l'emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l'éducation, de la formation et de la culture, de la protection de la famille et de l'enfance." 223

On le voit, c'est ici la représentation de l'exclusion comme cumul de handicaps dans une multitude de domaines qui prime en même temps qu'un engagement, par l'Etat, à ce que les individus dits exclus puissent réinvestir le champ de la citoyenneté.

Notes
222.

T. Atkinson, "La pauvreté et l'exclusion sociale en Europe", in T. Atkinson et Coll., op. cit., pp. 11-36.

223.

Loi n° 98-657 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, article 1er .