A. De quelques typologies

En 1993, une étude intitulée "Les sans-logis" rendue par le Conseil de l'Europe 252 va élire comme indicateur de classement les modalités du basculement dans la rue et va différencier les populations ayant connu une suite de ruptures et d'échecs de celles ayant vécu une période d'intégration auparavant normale. Cette typologie emprunte au modèle opposant la "grande pauvreté", intergénérationnelle, liée à l'inadaptation sociale et la "nouvelle pauvreté" plus accidentelle. Cette différenciation par cet indicateur permet, en fait, de mesurer et de pronostiquer les chances d'insertion des populations qui sont évaluées en termes plus positifs pour les individus récemment sans abri. La population ayant vécu une suite de ruptures est identifiée par ce découpage à un îlot résiduel de pauvreté fortement marginalisé. Ainsi, ce tri organise la sous-catégorie de la grande pauvreté en la hiérarchisant et dévoile la figure des "non-insérables" condamnés aux mesures d'assistance et situés au plus bas de l'échelle sociale.

Un deuxième indicateur de classement des populations sans abri est constitué par les modalités d'occupation de l'espace public et plus particulièrement par la dynamique de l'errance. A cet égard, le rapport du C.R.E.A.I. 253 distingue les "routards" qui maîtrisent leur errance souvent assimilée au voyage, "les zonards" qui se déplacent dans l'espace de la ville et les "clochards" à l'activité mobile réduite. Cette thématique de l'errance se retrouve dans le rapport établi par le Secours Catholique 254 qui différencie les "routards" voyageant de ville en ville, les "clochards" sédentarisés dans un quartier et les "vagabonds" se déplaçant selon les activités saisonnières du moment. L'organisation de la catégorie est ainsi établie sur trois modèles: l'immobile, le peu mobile (cantonné à un espace réduit) et le mobile. C'est ici la question de l'appartenance territoriale qui gouverne l'établissement de la typologie. Le vagabond, le routard et le zonard s'opposent au clochard fixé dans l'espace de la ville. Néanmoins, les typologies déclinées par ces deux organismes ne se recouvrent qu'imparfaitement. Si le clochard et le routard semblent être pris dans la même définition de fixité pour l'un et de grande mobilité pour l'autre, le zonard (cité par le C.R.E.A.I.) fait figure d'errant urbain alors que le vagabond (sous-type établi par le Secours Catholique) occupe un territoire plus large lié au possibilités d'embauche. Le vagabond représente à cet égard l'unique sous-groupe entretenant un lien avec le monde du travail. En associant errance et possibilités d'embauche, le Secours Catholique renoue avec une vision traditionnelle du vagabond louant sa force de travail au hasard de sa route.

Notes
252.

Les sans-logis, Rapport établi pour le Comité directeur sur la Politique Sociale, Conseil de l'Europe, 1993.

253.

Des extraits de ce rapport figurent dans les Propositions pour le logement des personnes défavorisées, Rapport au Premier Ministre, Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées, 1993.

254.

Idem