2. Structuration de l'information sur l'exclusion

Nous avons débuté nos investigations par les années les plus récentes accroissant ainsi nos chances de trouver la rubrique "exclusion" puis nous avons continué nos recherches dans l'ordre décroissant. La rubrique "exclusion" apparaît dans les Index en 1995 non pas comme un descripteur mais comme un mot-clef renvoyant définitivement à la rubrique formée par le descripteur "pauvreté". On note actuellement la même organisation. La rubrique "pauvreté" s'est transformée en 1993 en rubrique dite principale, figurant sur la liste des rubriques les plus importantes présentée par le journal en première page. Si l'exclusion fait son entrée en 1995 comme notion susceptible d'être un moteur de recherche, on observe une organisation de l'information passablement identique à celle notée plus haut dans le Dictionnaire des synonymes, l'exclusion s'alimente, là aussi, directement à la source de la catégorie pauvreté.

L'observation des subdivisions de la rubrique "pauvreté" représentées par la carte n°3 (voir fin du paragraphe) fait apparaître une évolution notable de l'organisation de la rubrique et plus particulièrement un fléchissement des renvois. Quatre renvois structurent la rubrique "pauvreté": "association, travail et politique sociale, solidarité, aide humanitaire". Le renvoi "association" correspond à la subdivision "restaurants du cœur" et disparaît en 1993 de la rubrique "pauvreté". "Travail et politique sociale" empruntent le chemin du "RMI", ainsi, la liaison s'établit en 1988 et 1989, années de la mise en place de ce revenu. Depuis 1990, le RMI n'est plus une subdivision de la rubrique "pauvreté" mais se trouve dans le descripteur "salaire". La subdivision "pauvreté et richesse dans le monde" n'aura été présente qu'une année, tout comme "sommet mondial pour le développement social" qui ne concernait qu'un événement ponctuel ainsi que "solidarité".

A l'heure actuelle deux subdivisions perdurent: "aide humanitaire" qui fait l'objet depuis 1992 d'un renvoi définitif vers une rubrique principale et "interdiction de la mendicité", subdivision pleine et ne faisant l'objet d'aucun renvoi créée en 1995 suite à la médiatisation des arrêtés anti-mendicité pris dans certaines villes.

A lire cette évolution, on note que la rubrique pauvreté tend à être détachée de l'axe: "travail/ politique sociale/ association/ solidarité" que nous pourrions qualifier de pôle actif au profit d'un discours généraliste et d'une subdivision mettant en scène la mendicité et son interdiction. Nous noterons, à cet égard, que c'est à la même période (1995) qu'apparaissent cette subdivision et "l'exclusion" comme mot-clef dans l'Index.

La carte n°4 (voir fin du paragraphe) nous présente une vue plus générale en décrivant le champ associatif de la rubrique "pauvreté". Deux périodes se dessinent: une période couvrant les années 1987 à 1989 et une période débutant en 1995. Concernant la première période, on note le cheminement de "pauvreté" à "travail, politique sociale, chômage, réinsertion sociale, aide humanitaire, association, solidarité". Ainsi, la rubrique "pauvreté" doit, afin d'acquérir un sens, compléter son discours en pointant vers d'autres rubriques. Deux thèmes se dessinent: d'une part, les mesures sociales et la lutte contre le chômage, d'autre part celui de la solidarité et du monde associatif. La "pauvreté" s'étend donc vers deux directions: le champ politique, par l'entremise des actions gouvernementales: politique du travail, lutte contre le chômage, textes de loi sur le R.M.I et le champ de l'assistance individuelle ou collective mettant en scène l'action des associations telles que les restaurants du cœur ou l'aide humanitaire.

Depuis 1995, un renversement s'est opéré. Si les nombreuses subdivisions de "pauvreté" ont pour la plupart disparu, on note que certaines rubriques telles que "chômage" et "politique sociale" viennent maintenant pointer sur pauvreté. Ainsi, cette rubrique n'énonce plus un discours incomplet nécessitant de puiser son sens ailleurs. Bien au contraire, c'est elle qui va informer les autres rubriques et développer les informations qu'elles délivrent. Dès lors, le lecteur recherchant des articles parus sur le chômage se verra, à partir de 1995, dans l'obligation de passer par la rubrique pauvreté pour accéder aux informations qu'il désire.

L'étude de la surface discursive (voir tableau n°2 et graphique n°1 en fin de paragraphe) indique un accroissement important du nombre d'articles parus en 1995 dans le journal. la surface des discours est cinq fois plus importante en 1995 qu'en 1994. Depuis 1996, on assiste à une diminution des discours, toutefois les chiffres montrent que les années 1996 et 1997 dépassent les surfaces des années antérieures à 1995. Cette année semble charnière à plus d'un titre: le terme d'exclusion s'officialise dans le vocabulaire du journal et l'exclusion devient un mot clef permettant l'entrée dans les Index, la subdivision "interdiction de la mendicité" apparaît et complète la rubrique "pauvreté" qui devient, par le jeu des renvois, une rubrique située en position de carrefour, enfin, comme on vient de le noter, une augmentation des discours est nettement visible.

Si l'année 1995 est celle de la médiatisation des arrêtés anti-mendicité et des réquisitions opérées par l'association D.A.L., elle correspond aussi à la campagne électorale des élections présidentielles organisée, comme nous l'avons déjà souligné, autour du thème de la fracture sociale. Ces divers éléments confirment, si besoin était, l'importance de l'exclusion dans le champ politique et son retentissement dans la sphère médiatique.