TROISIEME Partie
Mise en perspective historique de la question S.D.F.

Trois chapitres constituent cette partie. Nous étudierons, tout d'abord, la distinction opérée entre les pauvres en prenant comme fil conducteur les valeurs de l'utilité sociale et de l'inscription territoriale. L'analyse socio-historique des discours et des pratiques nous autorisera à formuler l'errance comme un modèle organisant la distinction entre les différentes catégories de pauvres. Nous prolongerons cette analyse en nous penchant sur les conditions d'émergence de la "question sociale" et nous insisterons, notamment à travers le R.M.I. et les débats que cette mesure a alimentés, sur la pérennité d'un halo de représentations mêlant les figures du vagabond et du S.D.F.

A la lueur des théories de la déviance et plus particulièrement du courant interactionniste, nous analyserons, dans un deuxième chapitre, trois procédés de contrôle social de l'errance qui sont le discours juridique, le discours médical et la stigmatisation. Nous lirons les textes du Code pénal sanctionnant la mendicité et le vagabondage jusqu'en 1994 et nous appuierons nos propos sur un corpus de dix-neuf arrêtés anti-mendicité. Le cadre juridique apposé sur l'errance se structure autour de la conception de l'état dangereux alimenté par le sentiment d'insécurité qu'inspirent le vagabond et le S.D.F. Nous tenterons d'articuler ces procédures aux discours répressifs étudiés au premier chapitre. Prolongeant cette analyse du contrôle social, nous nous pencherons sur la nosographie psychiatrique enchâssant l'errance et la traduction de cette dernière en une essence inscrite dans le corps et l'esprit désordonnés de l'individu. Enfin, en nous appuyant sur les théories de la stigmatisation sociale, nous mettrons en évidence les procédés de mise à distance et d'amplification de la différence, notamment à travers la déshumanisation dont le vagabond fut la victime, en étudiant les portraits du "déchet social", du "monstre", du "primitif" et du "juif errant". Nous mettrons à jour, ainsi, une matrice culturelle articulant absence d'inscription territoriale et déviance sociale.

Après avoir relevé la pérennité de ce halo de représentations formulé sur l'errant, nous tenterons, dans le troisième chapitre, d'éclairer, à la lueur d'une histoire princeps, la compréhension d'invariants à la base de nos matrices culturelles ordonnant en catégories cristallisées le monde qui nous entoure. Pour cela, nous lirons le mythe d'Abel et Caïn et nous en étudierons, dans une perspective psychosociale, ses dérivations. Nous retrouverons certains éléments nous enjoignant à voir dans l'homme sans domicile, le fils de Caïn.