B. La répression de la mendicité

‘"Toute personne qui aura été trouvée mendiant dans un lieu pour lequel il existe un établissement public organisé afin d'obvier à la mendicité sera punie de trois à six mois d'emprisonnement et sera après expiration de sa peine conduite au dépôt de mendicité." (art. 274). "Dans les lieux où il n'existe point encore de tels établissements, les mendiants d'habitude valides seront punis d'un à trois mois d'emprisonnement. S'ils ont été arrêtés hors du canton de leur résidence, ils seront punis d'un emprisonnement de six mois à deux ans." (art. 275) ’

Ces deux articles prolongent la tradition de l'enfermement des pauvres, que ce soit dans les hôpitaux généraux ou dans les dépôts de mendicité et sanctionnent, comme avant, le mendiant récalcitrant à des peines d'emprisonnement.

Le décret de 1808 avait prévu la création des dépôts de mendicité néanmoins tous les départements n'en étaient pas pourvus. Le double régime a donc été mis en pratique afin d'apporter une solution à tous les cas de figure. Nous retrouvons la constance de la lutte contre l'oisiveté par l'entremise de la dichotomie entre mendiants valides et invalides, les premiers étant punis même en l'absence d'une structure pouvant les accueillir. La validité est laissée à l'appréciation des juges, elle suppose que l'individu possède la vigueur physique, l'âge nécessaire pour chercher un travail 409 . Toutefois, la qualification passe aussi par l'intention délictueuse. Un acte de jugement de 1988 stipule que "eu égard au contexte économique et aux difficultés rencontrées dans la recherche d'un emploi, il n'est pas établi qu'un chômeur en fin de droits ait délibérément choisi ce mode d'assistance." 410

Le cadre juridique de la mendicité, tout comme celui du vagabondage, s'étaye sur la présomption à la paresse ou à l'oisiveté et va tenter d'évaluer la moralité de l'individu. De plus, le discours prolonge les questions relatives à l'inscription territoriale en augmentant les peines à l'encontre des mendiants arrêtés hors de leur canton de résidence.

Mais les dichotomies entre le pauvre valide et invalide disparaissent quand le mendiant usera de menaces, pénétrera dans des maisons, feindra des plaies ou mendiera en réunion. (art. 276) Ces cas de mendicité forment des délits spéciaux et les peines d'emprisonnement prévues peuvent atteindre deux ans. La loi punit, dans ce cas, certaines formes de mendicité jugées plus graves et révélant le potentiel dangereux des individus. Les menaces et la pénétration du domicile violent l'ordre public mais aussi la propriété privée qui fonde, entre autres, les appartenances territoriales. Feindre des plaies équivaut à gruger le donataire et nous retrouvons l'image traditionnelle du mauvais pauvre ne méritant pas l'aumône. Enfin, si le mendiant isolé représente l'image de l'oisif profitant des largesses sociales, son regroupement en bandes effraie et l'inscrit automatiquement dans la criminalité. Le mendiant est, ainsi, tout comme le vagabond un individu dangereux à neutraliser.

Notes
409.

Sont jugés invalides les amputés, les aveugles et les vieillards. Pau, 21 janvier 1899, Montbéliard, 26 novembre 1903.

410.

Rennes, 29 février 1988.