C. Les règles communes au vagabondage et à la mendicité

Les causes d'aggravation du vagabondage et de la mendicité sont le travestissement 411 , le fait que l'individu soit porteur de limes, crochets (bien qu'il n'en ait ni usé ni menacé) ou d'autres instruments propres à commettre des vols ou procurant les moyens de pénétrer dans les maisons. (art. 277) La peine est alors de cinq ans d'emprisonnement. L'article 278 stipule que tout mendiant ou vagabond porteur d'effets d'une valeur supérieure à cent francs sans en justifier la provenance sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans. Ces deux articles mettent en scène l'état dangereux de l'individu et constituent, à ce titre, le modèle idéal de la mesure ante delictum. En effet, le fait d'être porteur de limes traduit, pour le législateur, l'intention du vol. A ce titre, il convient de préciser qu'il n'est pas nécessaire que les limes ou crochets soient trouvés sur la personne, il suffit que ces instruments soient dans le lieu où elle a été arrêtée 412 ou dans la voiture que le prévenu utilisait 413 . Il en va de même pour les effets supérieurs à cent francs, l'individu est alors automatiquement suspecté de les avoir dérobés et le législateur attend de lui une justification. Le vagabond ou le mendiant se trouve, dès lors, dans un espace constant de suspicion dans lequel sont pointées sa malhonnêteté et son immoralité. L'incrimination n'est donc pas fondée sur des agissements antisociaux mais sanctionne un comportement impliquant une certaine probabilité que l'intéressé commette une infraction plus ou moins déterminable.

Certains délits sont aggravés quand ils ont pour auteurs des mendiants ou des vagabonds. Les violences envers les personnes sont punies de deux à cinq ans d'emprisonnement voire de cinq à dix ans si leur auteur se trouve dans une des circonstances exprimées par l'article 277 (art. 279). De plus, les peines établies par le Code pénal contre les individus porteurs de faux certificats, faux passeports ou fausses feuilles de route sont portées à leur maximum quand elles sont appliquées contre des mendiants ou des vagabonds. La loi sanctionne ici l'état dangereux de l'individu qui se révèle par la nature des infractions commises.

Pour finir, il convient de préciser que les délits de vagabondage et de mendicité sont stipulés dans le guide de l'administration locale 414 qui s'adresse aux gardes champêtres, gardes chasse et gardes pêche, agents de police municipale mais aussi aux gardes particuliers, aux gardiens d'immeuble et gardiens de sociétés de gardiennage. Le contrôle social dépasse l'institution juridique et incombe jusqu'aux garants de l'ordre ordinaire. C'est ainsi que le vagabond et le mendiant, figures d'une insécurité majeure, deviennent objets d'une surveillance totale et collective.

Notes
411.

Ainsi en va-t-il des quêtes faites à domicile par un individu revêtu indûment du costume ecclésiastique, R. Merle, A. Vitu, op. cit., p. 177.

412.

Aix, 1er février 1871.

413.

Code pénal, art. 277. Note extraite de la Revue de science criminelle, n°39, II, 1970.

414.

R. Vidal, Guide pratique de l'administration locale. Manuel des gardes et de police locale, Librairie de la Cour de Cassation, Litec éd., 1983.