4. Conclusion

Le cadre juridique enchâssant la mendicité et le vagabondage met l'accent sur le concept d'état dangereux. Des mesures ante delictum de l'ancien Code pénal aux arrêtés anti-mendicité de police administrative, le discours insiste sur le comportement déviant de l'individu déstructurant l'ordre public. La suspicion qui pèse sur le pauvre est une constante, le "mauvais pauvre" est censé être prédéterminé au crime et son regroupement en bandes le fait basculer dans la catégorie des classes dangereuses. La tâche du juge et du maire est délicate car il convient de distinguer entre les pauvres et d'apprécier la moralité de chacun par l'analyse de son comportement. Les arrêtés ont été promulgués avant la loi relative à la lutte contre les exclusions. Certaines communes ont interpellé, par ce procédé, l'Etat sur la question sociale. Toutefois la plupart de ces mesures sont reconduites chaque été. Le tribunal administratif de Pau a émis un jugement en 1995 sur ces arrêtés qui a fait jurisprudence. Ce dernier figure dans le Code général des Collectivités Territoriales à la rubrique "Autres activités s'exerçant sur la voie publique". On peut lire à l'alinéa 171: "Est illégale l'interdiction, au surplus sans aucune restriction dans le temps, d'une part, de la mendicité dans tout le centre ville et d'autre part, des quêtes non autorisées et de la consommation de boissons alcoolisées en dehors des terrasses de cafés et de restaurants, aires de pique-nique et lieux de manifestations locales." Les maires ont donc revu leur copie et ont interdit, pour une période spécifiée, la mendicité dans certaines rues ou places du centre ville. En revanche, l'interdiction des regroupements d'animaux mais aussi les considérations sur les positions occupées dans l'espace public ont, en règle générale, disparu.

Ces arrêtés ne donnent plus lieu à polémique et leur bien fondé n'est pas remis en question. La construction sociale du danger qu'ils formulent semble être partagée par la collectivité entière ce qui légitime leur utilité mais aussi les représentations sociales véhiculées sur les mendiants ainsi stigmatisés. L'acte de jurisprudence, consigné dans le Code des Collectivités Territoriales autorise, en fait, la promulgation de restrictions et d'interdits et, par là, révèle la synchronie des discours juridiques et administratifs sur le vagabondage et la mendicité, première facette du contrôle social de l'errance.