C. Conclusion sur la manifestation

Tous les quotidiens rencontrent des difficultés à relater cette manifestation et à rendre compte de la mobilisation de personnes dites  exclues et donc "absentes", en quelque sorte, de notre société. Ainsi, des articles relatant la manifestation sont mêlés à d’autres portant sur la vie rue du Dragon… Nous avons noté, par là, une stigmatisation de ce lieu qui va constituer une sorte de laboratoire dans lequel l’exclu pourra être identifié et observé. Concernant les représentations de l’exclusion, nous avons relevé une dichotomie entre les "S.D.F.", non inscrits symboliquement dans un lieu, au comportement déviant et représentant un danger pour l’ordre social et les "occupants" (les "mal logés" transformés en "familles" seront dénommés [collectif d'occupants]) s’identifiant au groupe dépeint comme "normalisé" par les quotidiens, mais échouant, en définitive, dans cette recherche d’identification. Toutefois, la démarcation entre S.D.F. et occupants est clairement posée puisque l'enjeu réside à ne pas faire pénétrer les sans domicile et à surveiller les lieux afin de le consacrer en espace normalisé. La manifestation s'est révélée être un moyen pour présenter une grille de lecture de l’exclusion s’articulant autour de la création de typifications de l’exclu. Ces dernières vont s'articuler sur une différenciation d'avec le lecteur, seul un quotidien choisira la stratégie de l’identification mais celui-ci situera son discours non pas dans le domaine de l’exclusion mais dans celui de la précarité. Concernant les acteurs, nous avons noté, bien sûr, la présence de D.A.L. mais aussi celle des manifestants, ainsi les journaux évitent le terme "d’exclus". Seul Libération cadre ces derniers dans un rôle d’acteur mais en évacuant toute symbolique politique. Aucun embrayage n'est effectué quant à l’occupation ou à la présence des exclus dans le champ de la citoyenneté. Les quotidiens opèrent une lecture de l’exclusion basée sur une dichotomie organisée sur la notion d’inscription dans l’espace et se penchent sur la façon dont vivent les individus appartenant à cette catégorie, la manifestation, n’étant qu’un moyen d’appréhender ce phénomène. Le choix effectué par certains quotidiens de ne pas relater la manifestation dénie la possibilité même d’un acte revendicateur de la part des exclus ce que recoupe le fait que, pour les journaux relatant la manifestation, celle-ci soit évacuée totalement du champ politique. Cette manifestation était cadrée comme une suite de la "réquisition", toutefois, il nous a fallu noter l'absence de la question juridique de l’application de la loi de réquisition. On serait donc face à une problématique que l’on pourrait qualifier de "sociale", les rubriques générales des quotidiens sont d’ailleurs là pour le confirmer, et non pas face à une problématique concernant le droit des personnes dites exclues d’être logées dignement et de participer à l’acte de citoyenneté que représente une manifestation.