3. Perspectives

Plusieurs pistes mériteraient de retenir notre attention pour un travail futur. Tout d'abord, concernant plus particulièrement la thématique de l'exclusion, il serait nécessaire d'analyser la "virtualité" de cette notion. Nous avons appris, en effet, que celle-ci concernait le débat politique mais ne recouvrait pas l'existence de groupes réels, d'autres désignations, nous l'avons vu, sont sollicitées. Une analyse détaillée pourrait nous indiquer plus clairement ce que la notion recouvre. Nous avons postulé une interrogation sur la présence d'un centre incertain et la remise en question des modalités actuelles d'insertion. Les exclus prendraient la forme de témoins ou d'étalons prouvant, par leur simple présence dans nos marges, la réalité de lieux et formes d'inclusion. En définitive, les débats axés sur la notion traduiraient la cohésion d'un centre s'interrogeant sur son fonctionnement par l'entremise de discours formulés sur sa périphérie et seraient donc fort éloignés des questions pratiques et quotidiennes de prises en charge des plus démunis.

Toujours dans l'axe de l'exclusion, il faudrait relire, à la lueur de notre développement, les systèmes de politique sociale. Chercher les soubassements de ces derniers de façon détaillée permettrait d'évaluer le bien-fondé de certaines mesures. S'interroger sur les catégorisations hâtives et sans appel ainsi que sur les disqualifications et les souffrances individuelles engendrées nous semble aussi urgent afin de rendre à tous une capacité pleine et entière de s'insérer ou de se réinsérer socialement.

Sur un axe plus théorique, il serait intéressant de poursuivre la piste socio-historique des représentations et d'affiner notre compréhension du fonctionnement des matrices culturelles. Dans ce cadre, il conviendrait d'analyser plus finement l'écho du collectif dans la parole individuelle et de mieux saisir la position de l'homme dans sa culture. Nous avons, dans ce travail, mis en perspective l'existence de "conserves culturelles". Toutefois, nous avons relevé des évolutions, notamment dans le discours et les pratiques psychiatriques. Il serait temps, maintenant, de mieux analyser les processus de changements et de concentrer nos regards sur ce que J.Cl. Abric appelle la "barrière périphérique". Cette position ne nie pas l'historicité des représentations et la présence de matrices imposant leur vision du monde. Au contraire, le système périphérique est aussi là pour protéger la stabilité de nos systèmes de classifications. Toutefois, certains éléments s'intègrent au noyau dur et sont porteurs de trans-évolution. Après la mise en perspective socio-historique que nous venons d'effectuer par l'intermédiaire de l'analyse des productions discursives, la tâche qui nous incombe maintenant est celle de l'observation des changements et de leurs modalités d'intégration dans le noyau dur des représentations. Pour ce faire, il conviendrait d'interroger les événements nouveaux touchant aux pratiques, notamment professionnelles, mieux circonscrire le rôle de ces dernières et leur restituer leur importance. Par l'analyse des discours et des pratiques, nous pourrions approcher, plus finement que nous l'avons fait, la dynamique des phénomènes sociaux et la place qu'occupe la mémoire sociale à l'intérieur de cette dynamique ainsi que l'entremêlement des temps dans la pensée collective. Encore fallait-il auparavant s'assurer du bien fondé de cette veine de recherche en soulignant la dimension historique des représentations, c'est ce que nous avons tenté de prouver par ce travail lequel, espérons le, pourra inciter à la réflexion et au débat.