Entretien avec F., 47 ans, hébergé au foyer depuis trois mois

F.- Alors moi je suis un grand voyageur, j'ai fait presque tous les pays du monde. Je suis un oiseau libre. C'est tout ce que je possède, ma liberté. Là, ça fait quelques temps que je vais à l'accueil, le soir, mais là-bas, les gens n'ont rien dans la tête parce qu'ils n'ont pas un éducateur qui les suit: ils les mettent dans un accueil et on les jette dehors le matin à sept heures et jusqu'à sept heures le soir, rien. Alors, on peut regarder la télé en face [les algécos] à cinq heures et demi mais la télé c'est rien parce que ça n'apprend rien, ça t'apporte que des conneries. Le soir, on te donne à manger et ça y est, les éducateurs sont là pour te prolonger ton truc [la carte], pour les papiers y sont forts mais c'est pas les papiers qui comptent c'est la personne même qui doit être aidée. Mais moi c'est le problème : dès que tu touches rien, t'as droit à rien. Moi, j'ai pas de carte pour séjourner et comme je suis Belge, j'ai droit à rien. Tu vas dans une organisation, t'as droit à rien. Dès que tu touches, tu as droit à tout et y'a quelque chose qui cloche là: c'est celui qui a rien qui a le plus besoin et c'est celui qui a, qui en a encore plus. C'est pas bon comme système pour les autres…

I.- Le système n'est pas bon pour toi?

F.- Non, pas pour moi, parce que moi ça m'intéresse pas parce que moi j'essaie de m'en sortir, ça prend un peu plus de temps que j'avais prévu mais je m'en sors parce que moi je sais me débrouiller et je pense positif aussi. C'est le premier truc que tu dois faire, c'est penser positif parce que dès que tu penses positif, tu vas vivre positif, c'est un truc que j'ai appris depuis que je suis enfant parce que j'ai beaucoup appris. Bon, alors celui qui a un R.M.I, pour lui c'est différent: tu peux rester à l'accueil de nuit, être négatif, rester à l'accueil, aller au bateau [association La Péniche], boire le café et puis tu encaisses le premier du mois et le cinq du mois tu as tout bu avec un ami, et après tu vas tranquille à l'accueil ou chez les bonnes soeurs: tu vas jouer au con là-bas, parce que moi j'appelle ça jouer au con parce que c'est gâcher son temps, aller jouer aux cartes et raconter des conneries et ça c'est quatre vingt quinze pour cent des gens, au moins…

L'accueil de nuit c'est pour une première démarche, pour chercher un appartement parce que quand tu cherches un appartement, t'es obligé aussi de chercher ta bouffe parce que le restaurant, tout ça là, c'est fini. La plupart qu'y sont là, y vont chercher dans les vestiaires des trucs, y vont les vendre sur les marchés mais ils le savent ça, et ben, les autres, y donnent quand même, alors les gens y donnent des trucs pour un pauvre et l'autre y va profiter, y va vendre et y va chercher après sa bouteille avec… Moi, si j'ai des sous, je donne rien, fini, je préfère le brûler…

I.- Tu as aidé des gens en leur donnant de l'argent?

F.- Oui, j'en ai eu des sous, j'en ai aidé des gens, je leur ai payé des costumes, l'électricité et c'était pas petit comme note: quarante mille balles belges, ça fait quand même heu… cinq, six, sept mille balles… J'ai jamais redemandé. Moi, j'ai eu de l'argent en pagaille, c'est pour ça que je m'en fous, j'ai eu des millions en Belgique, en France, en Hollande, dans tous les pays… Mais je suis pas radin, mais quand je dois donner dix francs si c'est pour lui acheter une bouteille de vin alors je donne pas parce que je vais le mettre encore plus dans la merde et eux ils demandent que d'être dans la merde et se plaindre d'être dedans. Deux ou trois jours y se plaignent pas: le jour du R.M.I., là, ils sont dans les cafés… Après, ils se plaignent qu'en France ils ont pas les moyens, qu'ils sont pas aidés, qu'ils ont rien, qu'ils sont exclusés [exclus].

I.- Tu t'es déjà senti exclu toi-même?

F.- Mais non! Mais tu es jamais exclusé parce que si tu t'habilles propre, tu rentres n'importe où… Si tu es pas soul comme un âne aussi: moi je vais à la bibliothèque, quand je demande une information on me dit: Monsieur, on me dit pas: casse-toi… Dans un café c'est pareil, eux, ils se font excluser parce qu'ils emmerdent tout le monde, ils engueulent les gens quand ils donnent rien. Quelqu'un qui fait la manche, tu lui donnes rien, dès que t'es deux mètres plus loin, il te traite de salaud. Mais, quelqu'un qui a travaillé et qui a ses sous, il fait ce qu'il veut avec ses sous, il a travaillé… C'est lui qui a travaillé, c'est pas une pute, il travaille pas pour les autres. C'est la vérité, on prend tout le monde pour une pute. Le soir, à l'accueil, y demandent des cigarettes, moi, j'en donne pas, j'suis pas une pute, il avait qu'à s'en acheter. L'autre fois, il était fâché, il m'a jeté un bol de soupe sur la tête parce que je ne voulais pas lui donner une cigarette. Quand eux ils ont les moyens, ils jettent leurs sous aux drogues ou à l'alcool, moi j'suis pas une pute qui va les faire manger, ils respectent rien et personne, ils prennent tout le monde pour des putes, ils ont même pas une conversation normale, en plus, quand on dit: travail, ils partent…

I.- Quand tu dis "ils", tu penses à certaines personnes?

F.- Tu veux les noms? J'te les donne! [rires]

I.- Non, non, simplement qui tu mets derrière ces "ils"?

F.- La majorité de ceux qui sont à l'accueil, de toute façons, s'ils sont toujours là, c'est qu'ils le veulent bien et puis ils vont dans tous les endroits où on leur donne, c'est des feignants… Et je suis sûr de ça parce que j'ai été à Bordeaux avec une femme il y a sept ans. La femme m'aimait et avait une entreprise et elle était en faillite parce que les gens ont joué avec elle. Tu sais, ici, les Français font pas confiance aux femmes, c'est des machos. Et là, j'avais dit: bon, je suis le maître de chantier, ouais on dit comme ça?

I.- Ouais, j' crois…

F.- Et tu me laisses faire ce que je veux et je vais remonter ton entreprise. Elle m'a dit d'accord. Et là y'en avait un avec une pancarte, il cherchait du travail. J'ai dit pourquoi pas, je vais lui donner une chance… Je lui propose, il me dit: maintenant je peux pas, mais demain matin. J'ai dit: d'accord, demain matin je viens te chercher. Le lendemain, j'étais là mais lui il était pas là, j'ai dit: ça fait rien… Et dans une autre rue je l'ai trouvé, toujours avec sa pancarte, et il me dit: ouais, j'avais pas le temps… [rires] Je lui ai dit: tu t'es sauvé, il me dit: mais demain je viens. Le jour après, il est pas venu, il faisait encore la manche et là j'ai fait un scandale parce qu'il voulait pas travailler alors il voulait me taper mais il doit pas jouer comme ça, et, tu sais, ils sont tous ici comme ça. Ils ont quand même des sous, en plus ils engueulent l'accueil, des remarques par-ci par-là, mais c'est gratos personne t'oblige à bouffer, ils jettent les plateaux! Moi, quand ça me plait pas, j'bouffe pas, je réclame pas parce que c'est donné. Ils emmerdent tout le temps tout le monde: ils obligent les bénévoles à nettoyer les tables, ils respectent rien, ils pensent à eux et c'est tout et y veulent pas travailler. J'ai vécu à T., à B., à N., à P., partout, et y sont tous, tous, pareils…

I.- Comment tu te trouves par rapport à eux?

F.- Moi, j'suis différent, j'me sens plus humain, eux ils sont pas humains parcqu'ils ont pas d'honneur, ils sont pas humains… Ils sont encore plus pires qu'un animal, parce qu'un animal y fait la bagarre quand il a faim ou pour se défendre. Eux, ils font la bagarre pour le plaisir, pour faire voir qu'ils sont ici mais en même temps y sont lâches parce qu'ils s'attaquent aux vieux qui ont des cannes, aux femmes bénévoles, mais quelqu'un qui peut bouger normal ils l'attaquent pas. C'est des gens qui ont déjà le couteau ou la fourchette dans la main pour attaquer, ils sont sauvages, ouais ils sont sauvages…

I.- Pourquoi, d'après toi, ils sont comme ça?

F.- Moi j'pense qu'on doit leur donner d'abord une éducation. Ils ont manqué d'éducation alors c'est pas leur faute peut-être, mais ils ont aussi tous manqué d'amour et ça c'est sûr, c'est le plus grand manque que tu peux avoir dans ta vie, l'amour. Moi j'ai passé une période où je manquais et pourtant j'avais des sous mais ça suffisait pas. Je roulais en Ferrari, pas un petit peu des sous que j'avais...J'avais des sous en pagaille mais j'étais pas heureux parce que j'avais pas d'amour. Mais j'ai quand même connu l'amour parce que ma mère, elle m'aimait, et ma famille j'y suis le bienvenu, on me dit pas: casse-toi. Mais j'ai un principe, je ne veux pas me remonter sur le dos de quelqu'un que je connais très bien, c'est pour ça que je ne demande rien à ma famille. Si je téléphone au Japon, le jour d'après elle m'envoie vingt mille et elle est là [son amie japonaise]. Si je téléphone en Belgique, ils sont là mais je veux pas ça, c'est ma vie. Ma mère, elle a travaillé pour moi jusqu'à ce que j'ai vingt ans presque, pourquoi je vais la laisser encore travailler? C'est comme ma copine, je l'ai prise parce que je l'aime bien, pas parce qu'elle a des sous. Moi, je dois être capable de faire ma vie parce que dès que tu commences à demander, c'est que tu es pas capable. Moi je veux pas faire comme les autres là-bas, pleurer à l'accueil, moi je suis positif, n'importe quoi que je fasse c'est moi qui le provoque, c'est comme quand tu te fais voler, c'est pas le voleur le problème, c'est toi qui a pas bien regardé tes affaires et lui il a fait son métier… Et voilà… [silence]

I.- Tu parlais de ta famille tout à l'heure, tu as des contacts encore?

F.- Oui, enfin, je la vois pas souvent ma famille. Je l'ai vue il y a trois mois. Ma mère, elle me connaît: ça fait vingt-sept ans que je suis jamais à la maison, elle a l'habitude… Ecrire et téléphoner c'est un truc que j'fais pas tellement. J'ai un frère et une soeur, je leur téléphone tous les cinq ans mais quand je passe en Belgique, je les visite tous mais après bon, ils savent que je suis un oiseau libre et si je vais voir une copine, je reste pas, mais la liberté c'est la plus grande chose qu'on peut avoir. Ma copine, elle est maintenant retournée au Japon [montre des cartes postées du japon lui étant adressées sur T.], mais bon moi j'suis pas jaloux, si ma copine elle a couché avec quelqu'un, je dirais: c'est normal, je vais pas l'engueuler… Ca fait quatre ou cinq mois que j'ai pas eu de ses nouvelles, mais si elle en trouve un autre, si elle est heureuse avec, je vais pas être jaloux, je vais être content pour elle: c'est ça l'amour. Enfin, y'a pas beaucoup de gens comme moi, mais moi j'connais la vie, j'suis pas un propriétaire, j'la considère pas comme ma propriété, quand on se voit c'est parce qu'on aime se voir, y'a jamais une obligation, c'est un truc ça les obligations que j'aime pas… Enfin, dès que j'ai les sous, je la fais venir, mais je veux pas qu'elle dépense les sous, une femme ne doit jamais payer, parce qu'une femme elle donne tout, beaucoup plus qu'un homme peut donner. Pourquoi tu veux la faire encore payer? [rires] Avec tout ce qu'elle te donne… Les sous c'est rien, moi j'suis heureux. Etre en vie et en bonne santé, c'est être heureux, c'est déjà une possibilité, il faut vouloir être bien dans sa tête. Quand je tombe, et là je suis tombé, je me suis fait mal et je suis tombé beaucoup et souvent mais je m'accroche, je me dis: ça va aller, mais j'ai jamais pleuré. J'ai dit: bon, j'ai fait une connerie, je regarde quelle connerie j'ai faite pour pas la recommencer, c'est ça la vie, tout le monde peut faire ça… Moi j'ai escroqué l'Etat, les assurances, les banques, chez moi en Belgique, mais ça c'est des gens qui escroquent, mais moi j'suis plus malin qu'eux, j'ai une expérience dans le business depuis que je suis enfant et ils prennent tous des claques. Mais, bon, je peux pas rentrer en Belgique parce que j'ai des problèmes avec l' Etat… Parce que quand j'étais jeune, j'ai monté une affaire, je faisais de l'import-export, en quatre mois j'avais quatre mille clients, j'avais des contrats, c'était une boîte de chauffage, ça m'a rapporté trois mille francs par client, par mal non? Et puis, après, ils m'ont dit que j'étais un escroc, ils m'ont mené devant le tribunal, j'ai perdu le business… Et, depuis, chaque fois que je vais en Belgique, j'essaie d'escroquer un peu l'Etat pour me venger. Alors j'ai eu de l'argent, j'ai travaillé, je l'ai dépensé, j'en ai donné aussi, ça fait pas de mal, mais uniquement à ceux qui le méritent. J'ai eu dans ma vie des passages vides et des passages où j'avais de l'argent… Je suis allé au Portugal, j'ai vendu du linge, je me suis refait mais j'ai fait beaucoup de conneries dans ma vie. J'ai aidé des gens, des familles ou des femmes seules qui étaient pauvres et le méritaient mais pas pour coucher avec, hein. J'ai aidé des gens qui étaient dans la merde et qui l'avaient pas cherché…

Mais moi, pour que je me refasse, il me faut pas grand chose, peut être y'a un travail au relais S.O.S. pour moi mais c'est pas cent pour cent sûr, ça fait trois semaines maintenant que j'attends après eux et ils ne m'ont pas dit. Si je peux travailler deux ou trois semaines et gagner mille ou mille cinq cents francs, ça me suffit et après je repars parce que l'argent, je le double chaque jour, je fais du commerce : j'achète pas cher et je revends très cher et je m'enrichis: à peu près mille francs par jour je peux gagner, il faut compter un mois ou un mois et demi pour arriver à repartir et à se mettre dans un hôtel mais j'ai pas pleuré, moi, j'ai demandé un travail. C'est pas parce que j'ai presque jamais travaillé de ma vie que je suis feignant: quand tu es obligé de faire quelque chose, tu dois le faire. Quand j'aurai les sous, hop je fais construire le bateau et je pars faire le tour du monde. Je paierai le foyer parce que moi je laisse pas de dettes derrière moi et je m'en sortirai, je m'en sors toujours parce que quand même j'ai gagné du fric dans ma vie et là j'attends, ça va repartir. Bon, j'ai un peu de mal en ce moment et puis là, il fait froid… [silence]

I.- Et qu'est-ce-que tu fais la journée?

F.- Ben, souvent je suis seul parce que je préfère être seul qu'avec des gens de là-bas parce qu'ils racontent que des conneries ou ils pensent qu'à boire ou répéter qu'ils sont dans la galère toute la journée, c'est pas la peine de dire tous les jours: je suis dans la galère, il faut se dire comment je peux en sortir. Mais je veux pas penser toute la journée à des trucs négatifs, c'est pour ça que je préfère être seul, alors je vais à la bibliothèque, je suis au chaud, je regarde des bandes dessinées parce que les livres c'est trop compliqué, desfois y'a un étudiant qui me parle, alors comme ça je parle avec quelqu'un qui est normal. Comme avec toi, ça me plaît, on est au chaud, on boit un café au lait, toi t'es pas perdue ou exclusée… Mais c'est eux qui s'exclusent eux-mêmes, ils se font excluser, quand tu dis à tout le monde: je suis exclusé, alors là tu es exclusé. Au lieu d'être poli, tu es brute, tu es mal habillé, tout le monde a les mêmes moyens parce qu'on naît nus et on retourne nus, sans rien. La plupart essaie de jouer quelqu'un d'autre pour faire voir aux autres qu'ils sont supérieurs, mais ils le sont pas, on se fait voir et au foyer, quand ils sont là-bas, ils font les supérieurs mais ils sont tous seuls et ils pleurent parce qu'ils ont peur. Ils ont pas été éduqués par leurs parents, ils ont regardé la télé et puis c'est tout… En plus, ils ont jamais rien reçu, alors ils peuvent rien donner. Tu vois, la solution, ça serait de mettre un mec chez des paysans à la campagne, ils le formeraient, ils lui donneraient à bouffer, s'il veut rien faire il fait rien, mais je suis sûr qu'en six mois la pauvreté elle est finie parce que vivre dans la rue c'est… Là, il ira aider, et ça les changera d'avoir besoin d'un petit peu de sous parce qu' avec le R.M.I…

I.- Tu dis vivre dans la rue c'est…

F.- Ben c'est pas une solution, tu deviens une bête mais bon eux, ils pleurent et font pas d'effort et là c'est des bêtes… C'est comme le psychiatre, personne y va, mais il faudrait que les drogués ou les alcooliques soient obligés d'y aller pour renouveler la carte sans ça y ils y vont pas, parce que tu commences à boire ou prendre des drogues pour une raison et il faut trouver la raison. Moi, je l'ai pas vu parce qu'en Belgique j'en avais vu un en prison pour voir si j'étais normal mais j'étais plus malin que lui et le psychiatre il a laissé tomber parce que quand j'étais vendeur, je passais chez dix clients et ben les neuf achetaient alors j'ai des connaissances sur les gens, j'ai de la psychologie... Tiens, je vais te faire revoir le bateau! [sort de sa poche un dépliant publicitaire].

I.- Ah! Dis donc! Mais tu penses l'acheter un jour?

F.- Mais non, je vais pas l'acheter, je vais le faire construire dans une usine! Tu as vu le prix dessus? Quinze mètres! Là c'est l'extérieur… Regarde le séjour, la chambre du capitaine, la chambre pour les invités, la cuisine, c'est un beau bateau, hein? Regarde les douches…

I.- Ouais, il est beau mais il est pas donné quand même, hein?

F.- Ben moi je le trouve pas si cher… C'est les prix… En plus il faut ajouter le truc pour nettoyer l'eau, tout ça, il faut rajouter au moins cent mille balles. Le problème, actuellement, c'est les mille cinq cents pour commencer… Et le bateau, j'lai dans la tête, et je garde cette idée parce que la plupart des gens, ils ont quelque chose dans la tête et ils arrêtent avant d'arriver parce qu' ils disent que c'est impossible. Moi j'ai roulé en Ferrari… Tout est possible. Moi, mon truc, c'est d'acheter les choses que les gens vendent dans le journal, les petites annonces, tu achètes un tiers de la valeur et tu revends beaucoup plus cher, mais il faut avoir la mise de fond, je compte mille cinq cents ou deux mille francs pour ça. Moi, je reste pas sur mon cul à attendre comme les autres, j'peux travailler, je sais qu'il faut se lever tôt. Quand j'ai travaillé sur les marchés, je me levais tôt et je travaillais, les autres ils arrivaient trop tard et ils pleuraient parce qu'il y avait plus de travail. Mais, bon, là, en ce moment, j'suis toujours fatigué et puis j'ai mal aux pieds… Et puis t'as vu ma peau, c'est comme si j'avais dix de plus, mais bon ça revient normal après y paraît quand on est normal. Quand j'aurai des sous j'boiterai plus, parce que là, en ce moment, ça fait mal, mais bon pleurer c'est pas la solution, ça ouvre pas les portes, au contraire, tu restes dans la galère. Quand tu pleures, c'est que c'est trop tard, de toutes façons c'est que c'est de ta faute. Si j'avais pas piqué de la drogue, j'aurais pas été en prison au Maroc et là, le problème, c'est que j'ai dû contacter ma mère pour l'avocat et, elle, elle a payé, elle a payé pour moi, et c'est le problème rapport à mon frère alors ça me gêne… Il faut que je reprenne tout ce que j'ai perdu, ça sera pas long si je peux arriver à décoller tout de suite parce que là ça fait un petit moment que j'attends et puis j'ai le tour du monde à faire…