Chapitre 5
Les traductions pour la noblesse et les bourgeois

Pourquoi les rois, les princes et les ducs, qui ont eu des précepteurs brillants latinistes, font-ils traduire les oeuvres antiques ? Se faisant l’écho d’une opinion répandue, selon laquelle l’histoire, dès le 13e siècle avec Villehardouin et Robert de Clari, s’est ouverte à l’expression française, Jacqueline Picoche et Christiane Marchello-Nizia (1989 : 26) précisent que cette expression se développe :

‘parce qu’elle intéressait l’aristocratie qui devenait peu à peu cultivée et cherchait à sortir de son illettrisme, sans pour cela arriver à la maîtrise du latin qui fait le clerc. C’est pour elle que, malgré la Guerre de Cent Ans, les premiers Valois, surtout Charles V, font traduire des ouvrages de culture générale sérieux tel que Tite-Live (par Bersuire ), Aristote (par N. Oresme ) (Marchello-Nizia & Picoche, 1989 : 27). ’

Les cours poursuivent l’oeuvre de traduction à l’instigation d’Alphonse X. Si les premiers Valois, non latinistes, se font traduire quelques ouvrages, c’est avec Charles V que cette entreprise prend des allures de programmatique. Après la Castille, c’est la France de Charles V qui devient un centre de traduction prestigieux99.

Notes
99.

Cependant, cette programmatique de traduction n’est en rien assimilable à une intervention de l’État dans le champ scientifique, à l’instar des initiatives des 17 et 18e siècles (cf. infra, 2e partie, chapitre 8). Il s’agit là d’une politique de vulgarisation et d’éducation de la noblesse, et non de nationalisation de la science. D’autre part, et cet aspect des choses est important, les princes agissent en mécènes, comme l’a fait Alphonse X qui inaugure cette « tradition ».